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L'humour à propos des minorités sexuelles sans l'insulte

Ce guide est à l'intention des artistes de la scène qui veulent dépasser l'appui du public large et qui souhaitent faire passer une bonne soirée à tout le monde, même aux LGBT.
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J'ai déjà eu le malheur d'assister au spectacle d'un humoriste habitué à s'adresser au public large, mais qui avait été embauché pour participer à une soirée communautaire LGBT. Il a rapidement vu que certaines de ses blagues, énoncées dans une salle où les hétérocis (personnes hétérosexuelles et qui ne sont pas trans) sont minoritaires, faisaient beaucoup moins rire. Le spectacle a été interrompu par une protestation contre la misogynie du numéro, des gens ont quitté la salle, et la salle a baigné dans un grand malaise pour le reste de la soirée. Comment éviter qu'une telle catastrophe se reproduise?

Si le public est majoritairement hétérocis, il y a peu de chances qu'on ne reçoive pas une bonne réponse du public en parlant de l'homophobie: pour la majorité des personnes, ce concept est abstrait et ne renvoie qu'à des anecdotes de quelques séries de fiction. Il n'y a pas de blagues inappropriées contre les homosexuels quand on est hétérocis. Même la plus maladroite et violente d'entre elles pourrait se faire passer pour une satire auto-ironique puisque l'humoriste sait que le public sait que l'humoriste n'est pas homophobe. Ce guide est à l'intention des artistes de la scène qui veulent dépasser l'appui du public large et qui souhaitent faire passer une bonne soirée à tout le monde, même aux LGBT.

1- Comprendre qu'un public LGBT n'est pas nécessairement un public adepte d'humour noir.

Les soirées d'humour noir (où on blague à propos des faits divers, de l'actualité peu réjouissante et où on peut parler de meurtre et de violence) peuvent avoir leur place devant un public informé, préparé et consentant. Si l'événement s'appelle Soirée d'humour noir au bistro X, on sait à quoi s'attendre! S'il s'agit d'une soirée communautaire pour protester contre le régime de violence en Russie, il y a très peu de chances que le public accepte avec le sourire une blague à propos de la violence homophobe. Toutes les blagues qui touchent aux enjeux LGBT ne sont pas appropriées devant le grand public LGBT. On peut parler de violence homophobe (pour faire réfléchir, pour sensibiliser), mais demander à toutes les victimes d'en rire, c'est un peu extrême.

2- Comprendre les nuances de gris entre un public hétérocis et un public LGBT.

Ce qui peut être reçu comme de l'humour gris (humour un peu douteux, mais que le public prendra avec surprise et rires) peut être reçu différemment par un public LGBT. C'est normal, ce dernier groupe vit des expériences spécifiques qui teintent la signification de certains concepts. Un public hétérocis peut rire d'une blague à propos « d'une MILF qui a un pénis » puisque ça peut être une image nouvelle et surprenante qui les déstabilise. Pour le public LGBT (et particulièrement T), l'image renvoie aux deux lettres de psychologues, à l'autorisation de l'endocrinologue, à l'anxiété des vestiaires et des salles de bain et au rêve de pouvoir porter ce costume de bain trop moulant. On peut comprendre que l'humoriste n'avait pas de mauvaises intentions, mais c'est un sujet un peu trop lourd pour être drôle.

3- Les militants LGBT ont une grande culture du dialogue.

Lors d'une soirée communautaire LGBT, le public peut être largement composé de militants et de militantes féministes, pour les droits des trans et pour la lutte contre l'homophobie. Si, malgré toutes les précautions qu'on a prises, on fait une erreur et qu'on glisse accidentellement un propos non respectueux envers les minorités du genre ou de l'orientation sexuelle, il faut être prêt à ce que quelqu'un relève l'erreur...parce que ça va arriver! Lors de la soirée Poutine vs Putin à laquelle j'ai assisté, l'humoriste a réagi de la pire façon: invalider les sentiments de la personne en disant qu'elle manquait d'humour, se mettre à dos la moitié de la salle en faisant un commentaire négatif sur les féministes et gâcher la soirée de tout le monde en rappelant le malaise tout le reste de son numéro en faisant des remarques sur la défensive.

Qu'il y ait des voix dissidentes n'enlève rien à la qualité du numéro et au talent de l'humoriste, pour autant qu'il accepte la critique avec humilité. La meilleure façon d'agir (et c'est un conseil aussi approprié pour les artistes de la scène que pour n'importe qui) est de reconnaître l'erreur, de reconnaître que la réaction est valide, s'excuser et s'engager à changer son comportement. Complexe? On peut le faire en deux phrases.

« J'ai fait une blague sur les féministes, c'est vraiment irrespectueux et je suis reconnaissant qu'on me l'ait fait remarquer. Je m'excuse, et je promets de ne plus en parler de la sorte ce soir et à l'avenir », et on enchaîne avec la suite du spectacle.

Ça peut ralentir le rythme du numéro, mais certainement moins que d'argumenter avec quelqu'un dans la salle devant le regard scandalisé de 100-200 personnes. Si on souhaite éviter ce court malaise, mieux vaut tenir compte de mes deux premiers conseils!

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