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Le mythe de l'armure présidentielle

S'il y a un mal affligeant les commentateurs politiques, c'est celui de répéter des généralités passant pour des vérités absolues alors qu'elles relèvent davantage du mythe que de la réalité. L'une d'entre elles, dans le contexte électoral américain, est qu'un président sortant est difficile, voire pratiquement impossible, à battre.
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S'il y a un mal affligeant les commentateurs politiques, c'est celui de répéter des généralités passant pour des vérités absolues alors qu'elles relèvent davantage du mythe que de la réalité. L'une d'entre elles, dans le contexte électoral américain, est qu'un président sortant est difficile, voire pratiquement impossible, à battre. Cette année, autant les partisans du démocrate Barack Obama que ceux de son rival républicain Mitt Romney contribuent à entretenir cette fantaisie d'une sorte d'« armure présidentielle » rendant l'occupant du Bureau ovale pratiquement invincible aux urnes.

L'une des explications les plus souvent utilisées pour tenter de justifier cet argument est qu'au cours du dernier siècle, seul un petit nombre de présidents sortants a été défait. Ce qui est moins souvent mentionné est qu'en se limitant aux 36 dernières années, c'est exactement la moitié des présidents en poste - trois sur six - qui ont mordu la poussière. En fait, entre le milieu des années '70 et le début des années '90, trois présidents sur quatre ont été congédiés, Ronald Reagan étant le seul, dans un groupe incluant également Gerald Ford, Jimmy Carter et George H.W. Bush, à être reconduit à un deuxième mandat en 1984.

Même en utilisant l'échelle centenaire, le concept d'« armure présidentielle » résiste difficilement à une analyse moindrement rigoureuse. Dix-sept hommes ont dirigé la Maison-Blanche au XXe siècle. De ce nombre, c'est une minorité de seulement sept - Theodore Roosevelt, Woodrow Wilson, Franklin Delano Roosevelt, Dwight Enseinhower, Richard Nixon, Reagan et Bill Clinton - qui a remporté plus d'un mandat présidentiel. Bien sûr, l'un d'eux, Franklin Roosevelt, en a remporté quatre entre 1932 et 1944 (avant que soit adopté en 1951 le 22e Amendement, limitant à deux mandats élus toute présidence aux États-Unis).

Qu'est-il advenu des dix autres présidents n'ayant pas connu de seconde victoire électorale ? Cinq - William Taft, Hebert Hoover, Ford, Carter et Bush - ont été battus. Trois - Calvin Coolidge, Harry Truman et Lyndon Johnson - ont préféré se retirer que se représenter devant les électeurs, au moins en partie par crainte de se voir montrer la porte par ces derniers. Et deux autres - Warren Harding et John F. Kennedy - sont morts dans leurs fonctions avant de pouvoir solliciter un second mandat. Évidemment, on ne pourra jamais savoir s'ils auraient perdu ; on sait néanmoins qu'ils n'ont pas gagné.

Un président jouit certes d'avantages dont peuvent parfois seulement rêver ses adversaires. Il peut, jusqu'à un certain point, façonner l'agenda national au même moment où il fait campagne. Si le pays - et en particulier l'économie - se porte bien, la population aura tendance à l'appuyer en retour. Mais il y a là des lames à deux tranchants. Un sentiment de pessimisme national et une économie en difficulté risqueront de nuire aux chances de réélection d'un président, même s'il n'en dans les faits pas le seul responsable. Il peut de plus être appelé à répondre à une crise pouvant éclater à tout moment à l'autre bout de la planète - et, en cas d'échec, c'est souvent lui qui en sera tenu responsable (parlez-en à Jimmy Carter, défait après avoir eu à composer avec la prise d'otages en Iran dans l'année menant à l'élection de 1980).

Tout cela ne sert en aucun cas à suggérer que Barack Obama se dirige vers la défaite en novembre. Cela veut plutôt dire que s'il l'emporte, ce sera parce que l'électorat se montre satisfait de son travail et/ou que le Parti républicain n'aura pas su offrir une solution de rechange adéquate... et non parce que le président possède une armure mythique qui, dans les faits, n'existe pas.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'Université du Québec à Montréal.

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