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Michelle Bachelet: chronique d´un retour annoncé

À 63 ans, cette femme de renommée internationale, mère de trois enfants, au sourire inébranlable, se fait l'écho d'un peuple qui la plébiscite depuis des mois.
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Depuis son départ du Palacio de la Moneda en mars 2010, son leadership est resté incontournable, et depuis New York continuait à faire de l'ombre au Président sortant Sebastian Piñera. Après avoir dirigée ONU Femmes pendant plus de deux ans, l'ancienne présidente Michelle Bachelet a priorisé dans sa campagne électorale la réduction de la fracture sociale.

À 63 ans, cette femme de renommée internationale, mère de trois enfants, au sourire inébranlable, se fait l'écho d'un peuple qui la plébiscite depuis des mois. Définie comme optimiste et à l'écoute, nouveau look, détendue, d'une énergie débordante pour affronter les nouveaux défis, et non des moindres comme le changement de la constitution, vestige de la dictature.

C'est donc avec 47% des suffrages que Michelle Bachelet devra affronter son amie d'enfance la très conservatrice Evelyn Matthei qui recueille 25% des voix. Deux femmes, deux styles, filles de deux anciens généraux de l'armée de l'air. L'un, Alberto Bachelet, mort sous la torture quelques semaines après le coup d'État, l'autre Fernando Matthei assuma de hautes responsabilités au sein de la junte militaire et pendant la dictature de Augusto Pinochet. Avec ces deux femmes candidates, c'est l'histoire qui refait surface, la mémoire qui revient, à quarante ans du coup d'État. L'ancienne chef d'État envisage des réformes profondes, quand à l'ancienne ministre du Travail du gouvernement sortant elle affirme vouloir continuer la politique de l'actuel gouvernement.

Le slogan de campagne de Michelle Bachelet, « Chili pour tous », en appelle à la réduction des inégalités politiques, sociales, territoriales et de genre. Son programme présidentiel s'axe sur trois piliers principaux, le changement de constitution, l'accès gratuit a l'éducation et une reforme fiscale pour financer la réforme de l'éducation et un meilleur accès a la santé publique.

Un parlement pour gouverner

Michelle Bachelet obtiendrait la majorité au Sénat et à la Chambre des députés. Malgré un système électoral complexe qui maintient le statu quo au sein du parlement depuis 1990, la coalition de l'ancienne chef d'état arrive en tête avec 67 députés et 21 sénateurs (49 et 16 respectivement pour la droite). Cette nouvelle inespérée donne a Bachelet l'espoir de pouvoir enfin gouverner avec un parlement en sa faveur.

Bachelet a aussi insisté auprès des partis politiques sur le besoin d'un renouveau de la classe politique. La surprise de ces élections parlementaires c'est donc bien la jeunesse, qui fait son entrée à la chambre des députés, parmi eux les anciens chefs de file des mouvements étudiants de 2011 comme Camila Vallejo, Gabriel Boric et Giorgio Jackson. Ce dernier exprimait le soir de son élection vouloir en terminer avec 'les cadenas de la démocratie chilienne'.

Pour la première fois le Chili comptait neuf candidats a la présidentielle. Cette explosion de candidature est l'expression du besoin de la société chilienne d'entendre plus de voix hors des partis politiques et de promouvoir plus le débat d'idée. Les candidats comme Franco Parisi ou Marco Enriquez Ominami du parti progressiste (PRO) tout deux avec 10% des voix, se dispute la troisième place a moins d'un pour cent d'écart. Franco Parisi de tendance centre droit a salué la victoire de Michelle Bachelet au premier tour, et a affirmé qu'il ne votera pas le 15 décembre en insistant que Evelyn Matthei est une femme « méchante » et dangereuse pour le pays.

Le Chili en soif d'égalité

Selon l'ancien Président Ricardo Lagos (2000-2006), le Chili a changé rapidement ces dernières années «les attentes son différentes à celles du début des années 90, le Chili doit entreprendre d'importantes réformes pour ne plus être l'un des pays les plus inégalitaires de l'OCDE ». Pour Nicol Garrido, l'une des poids lourds de la jeunesse 'bacheletista' affirme que 'l'un des changements très attendus est l'accès gratuit a l'éducation, avec Michelle Bachelet nous assurons aux jeunes l'accès a l'éducation, et la prise en compte de la jeunesse au sein de la formulation des politiques publiques, pas évident dans un pays ou la société civile fut souvent délaissée ». Cette jeune femme de 26 ans, militante, qui vit en plein centre-ville de Santiago s'est endettée sur dix ans pour pouvoir accéder à une formation universitaire.

Les retraités aussi exigent leur part du gâteau, Florencia Barrera, âgée de 65 ans affirme être révoltée par la ségrégation sociale et économique: "comment voulez-vous vivre dans ce pays avec 170.000 pesos par mois (240 euros)? Le Chili est un pays de l'OCDE, mais ne prend pas bien en compte les recommandations en terme d'équité, notre pays doit retrouver un équilibre et une justice sociale" explique-t-elle.

Pour Luis Larrain, Président de la Fondation Iguales (Fondation pour les droits civils et la diversité sexuelle), il ya trop de différences sociales et économiques dans son pays pour préserver une certaine cohésion sociale "Ici vous pouvez avoir des quartiers dignes de la Norvège et d'autres ressemblant plutôt aux pays sous-développés".

Un des thèmes de campagne est celui relatif au mariage gai. Luis Larrain se dit optimiste "Nos revendications sont un thème national aujourd'hui, se sont les droits civils que nous voulons garantir. La société chilienne y est de plus en plus favorable, le parlement devra assumer un coût en le refusant". Dans cette société chilienne plutôt conservatrice, ou quelques jours avant le scrutin les représentants de l'église catholique appelaient à voter pour le candidat qui défend les valeurs de la famille, face a Mme Bachelet qui s'est faite l'avocate des droits des femmes. Elle envisage de légaliser l'avortement, interdit au Chili même à des fins thérapeutiques, et d'ouvrir le débat sur l'union entre personnes du même sexe.

Quant aux syndicats, ils ont exprimé leur satisfaction vis-à-vis du programme de Michelle Bachelet pour avoir incorporé leurs revendications. Sur le plan économique, Bachelet devra promouvoir les efforts pour une meilleure diversification productive. Le cuivre reste encore le principal produit exporté, ce qui représente prés de 60% des ressources du pays.

Le Chili pour l'unité latino-américaine

Sur le plan international, Michelle Bachelet qui a reçu il y a quelques jours le soutien de l'ancien président brésilien Lula da Silva ne devrait pas surprendre. La continuité de son action diplomatique devrait porter sur un régionalisme ouvert, mais une volonté décidée pour renforcer les organismes d'intégration latino-américains comme l'UNASUR, ou encore la promotion de la coopération Sud-Sud. Sa figure reconnue sur la scène internationale fera du Chili un pays plus écouté dans la région, dans un contexte régional différent et incertain par rapport à son premier mandat. Michelle Bachelet devra tout faire pour renouer les relations diplomatiques avec le gouvernement bolivien qui revendique au Tribunal International de la Haye l'accès historique sur l'Océan Pacifique. Le scénario régional est bien différent de celui de 2006, l'Argentine est actuellement dans une impasse politique et économique et le Venezuela des successeurs de Chavez, en perte de leadership et crédibilité dans la région. Pendant la soirée électorale, Michelle Bachelet a reçu au sein de son quartier général de campagne - Hotel Plaza San Francisco - plusieurs délégations étrangères, et assure vouloir "rétablir de bonnes relations avec tous les pays voisins, pour un continent en paix et la recherche commune du progrès".

Après les espérances de campagne, l'enjeu sera pour Michelle Bachelet de garder l'unité au sein d'une coalition ample, allant de la Démocratie chrétienne au Parti communiste. Ce n'est pas le moindre des défis qui attendent Michelle Bachelet, car les attentes sont nombreuses et il ne faut pas non plus ignorer que certains votes se sont portés sur elle par un certain dégout de la politique antérieure.

L'espoir suscité par Michelle Bachelet est énorme auprès des classes sociales moyennes et pauvres. Aujourd'hui l'heure est à la campagne du deuxième tour, Evelyn Matthei fera tout pour montrer patte banche, mais sa réserve en voix reste moindre et sa coalition vit l'une de ses plus grave crise politique, un président sortant impopulaire, des divisions au sein de la coalition, etc. Sans surprise Michelle Bachelet devrait briguer un deuxième mandat. Elle devra se concentrer sur la constitution d'une solide équipe gouvernementale capable de mener les réformes promises sans trop de compromission avec les partis, tout en préservant le dynamisme économique et la bonne gestion du pays. Le défi ne sera pas celui de gagner, mais bien de gouverner à partir de mars prochain.

Rendez-vous le 15 décembre pour le second tour.

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