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Obama a promis une meilleure régulation de l'utilisation des drones et ce tournant rhétorique, et peut-être politique, a été salué par tous les progressistes. Néanmoins, toute une série de questions restent posées tant sur le plan politique que sur celui du droit. Pourquoi Obama a t-il attendu le début de son 2e mandat pour réaffirmer la nécessité de fermer Guantánamo? Pourquoi Obama affirme-t-il que l'emploi des drones est légal, alors qu'il viole la souveraineté des États? Pourquoi ne mentionne-t-il pas les centaines de morts d'innocents causées par les drones?
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WASHINGTON, DC - MAY 23: U.S. President Barack Obama listens as Medea Benjamin, an activist from the organization called Code Pink, shouts at him while he speaks at the National Defense University May 23, 2013 in Washington, DC. Obama used the speech to outline and justify his administration's counterterrorism policy, including increased cooperation with Congress on matters of national security, added transparency regarding the use of drones, and a review of current threats facing the United States. (Photo by Win McNamee/Getty Images)
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WASHINGTON, DC - MAY 23: U.S. President Barack Obama listens as Medea Benjamin, an activist from the organization called Code Pink, shouts at him while he speaks at the National Defense University May 23, 2013 in Washington, DC. Obama used the speech to outline and justify his administration's counterterrorism policy, including increased cooperation with Congress on matters of national security, added transparency regarding the use of drones, and a review of current threats facing the United States. (Photo by Win McNamee/Getty Images)

Dans un discours récent, le président américain a rappelé que les États-Unis devaient sortir de la "guerre perpétuelle". Il retrouvait indirectement un concept de C. Wright Mills qui, dès les années 50, avait parlé de "guerre permanente" pour dénoncer le militarisme de son pays. Obama a promis une meilleure régulation de l'utilisation des drones et ce tournant rhétorique, et peut-être politique, a été salué par tous les progressistes. Néanmoins, toute une série de questions restent posées tant sur le plan politique que sur celui du droit.

Pourquoi Obama a t-il attendu le début de son deuxième mandat pour réaffirmer la nécessité de fermer Guantánamo, haut lieu du non-droit? Pourquoi Obama affirme-t-il, contre toute évidence et contre l'avis d'éminents juristes, que l'emploi des drones partout dans le monde sans contrôle judiciaire ou politique est légal, alors qu'il viole la souveraineté des États? Pourquoi ne mentionne-t-il pas les centaines de morts d'innocents causées par les drones?

Obama a utilisé l'assassinat ciblé de Ben Laden en 2011 pour se garantir contre les attaques des républicains sur la sécurité nationale et sa prétendue mollesse. Ben Laden était, selon les mots de Gilles Kepel, déjà mort politiquement lorsque les Navy Seals l'ont assassiné puis fait disparaître. Obama a joué la carte de la popularité, pas celle du droit international. Aujourd'hui, il n'a plus besoin de cette carte, même si la droite réactionnaire est toujours ancrée dans une conception aussi erronée que militariste de la lutte contre la terreur (une ineptie conceptuelle).

Obama peut se réorienter vers les dégâts en termes d'image et de réputation que Guantánamo et les drones infligent aux États-Unis. Il peut aussi quitter le terrain du symbolisme guerrier pour se focaliser sur les aspects financiers des caractéristiques les plus folles et anti-démocratiques de la lutte contre le terrorisme. Le New York Times rappelait il y a quelques jours que chaque détenu à Guantanamo coûte un million de dollars par an aux contribuables américains. La plupart de ces détenus ne sont pas des terroristes et leur traitement inhumain à Guantanamo n'honore pas les États-Unis qui pourraient mieux utiliser leurs impôts, par exemple en rénovant leurs écoles des ghettos. Les drones coûtent également très cher ; leur illégalité et leur immoralité n'ont d'égales que leur nocivité sur le plan de la public diplomacy des États-Unis.

Ce que propose aujourd'hui Obama est donc une inflexion du discours et un recentrage de la politique étrangère américaine. Les drones cependant constituent la première phase de ce recentrage : ils coûtent moins cher que les occupations de pays avec enlisement garanti. Obama a désengagé les États-Unis d'Irak alors que ce pays, maintenant proche de l'Iran, entre dans le chaos ethno-religieux et il s'apprête à faire une sortie partielle d'Afghanistan qui devrait faire baisser les coûts des guerres américaines lancées par Bush. Le chaos règnera également dans ce pays, bien évidemment.

Après avoir organisé les fuites concernant sa "kill list" (liste des suspects à assassiner) afin d'améliorer ses chances de réélection, Obama peut maintenant quitter la posture du cow-boy qui le rendait populaire dans son pays mais faisait chuter les opinions positives dans le monde. Il peut donc redevenir le professeur de droit constitutionnel et redécouvrir le droit international pour abandonner petit à petit des pratiques aussi inefficaces que dispendieuses.

Le président américain, qui a les mains libres pour choisir qui les drones doivent assassiner, n'a pas les coudées franches pour revenir au droit et fermer Guantánamo ou arrêter les meurtres d'innocents tués par "erreur" ou en tant que "dommages collatéraux" par les drones. Il ne peut que mieux réglementer l'utilisation des drones et solliciter l'aide du Congrès pour rétablir le droit.

Il est possible que des considérations plus financières qu'éthiques président aux décisions d'Obama. En effet, Obama n'a pas hésité à violer le droit international, à intervenir de façon dangereuse au Pakistan et à faire tuer ou emprisonner des innocents lorsque cela servait ses intérêts électoraux. Néanmoins, aujourd'hui les intérêts bien compris des États-Unis passent par un retrait des pays occupés et une redéfinition de la lutte contre le terrorisme. L'interventionnisme tous azimuts des États-Unis satisfait peut-être le complexe militaro-industriel et les réactionnaires des deux partis mais se fait au détriment de la santé économique du pays et de son influence sur la scène mondiale.

Le réveil d'Obama n'est donc pas un sursaut moral et l'on peut supposer que le président, homme cultivé et intelligent, savait le prix élevé payé par son pays pris dans la spirale de la "guerre perpétuelle" bien avant son discours de mai 2013. La fenêtre d'opportunité qui s'est ouverte aujourd'hui est la résultante d'une conjonction entre intérêt économique et nécessité de la politique étrangère américaine. Même si l'éthique n'a pas motivé le changement de cap du président américain, les conséquences de celui-ci seront positives sur les plans politique et éthique si les actes suivent la rhétorique. Obama a beaucoup déçu ses partisans de gauche, car son progressisme de campagne se diluait dans un pragmatisme droitier. Aujourd'hui son virage a un solide ancrage structurel et il est possible qu'il soit suivi d'effets.

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