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Les villes qui entravent le travail des journalistes briment leurs citoyens

À travers ces journalistes qu'on intimide, c'est nous, citoyens de ces villes, qu'on méprise. À travers ces journalistes dont on entrave le travail, c'est notre droit d'être informés des affaires de nos villes qu'on nie. Avons-nous les moyens d'être tenus dans l'ignorance de ce que font nos élus avec notre argent?
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«Tu enlèves ça de là s'il te plaît...». Le ton est intransigeant. «... Enlève ça de là....». «... C'est admis de m'interviewer mais c'est pas admis de prendre tous les propos qui vont être dits durant l'assemblée». Le nouveau maire de Saint-Lambert s'adresse à un journaliste qui veut poser son micro sur le bureau du conseil municipal pour enregistrer la séance du lundi 20 janvier dernier. Le même soir, à Candiac, un journaliste prend des photos du conseil municipal. Le maire lui interdit de le faire. Mais, devant les protestations, il promet de les autoriser lors des prochains conseils. Plus tôt dans la journée, à Québec cette fois, le maire a décidé de punir les journalistes arrivés deux minutes trop tard à son bureau pour le briefing qui précède la séance du conseil. Ces journalistes finissaient d'interroger le chef de l'opposition. Le maire leur ferme la porte au nez.

Des exceptions croyez-vous? Non. Le 15 janvier, à Mont-Saint-Pierre en Gaspésie, la mairesse ordonne à un caméraman qui filme la séance du conseil de ranger sa caméra. En décembre à Val-d'Or, le maire sortant préside son dernier conseil régional des maires de la Vallée-de-l'Or. En parlant d'un jeune journaliste de 22 ans auteur d'un article qui lui a déplu et qui est présent dans la salle, il dit: « ...Ça ne me dérangerait pas de mettre ma main sur la gueule de ces journalistes-là.» Plusieurs des maires présents rient grassement. À Saguenay, le maire traite les journalistes de «pas bons» et leur reproche de jouer le rôle de l'opposition. Il y a quelques années, il avait proféré de telles menaces à l'endroit d'un journaliste que celui-ci craignait de perdre son emploi. Et que dire du chantage fait par certains élus qui menacent les journaux locaux trop curieux de cesser de publier des avis publics dans leurs pages?

Je pourrais continuer longtemps. À travers ces journalistes qu'on intimide, c'est nous, citoyens de ces villes, qu'on méprise. À travers ces journalistes dont on entrave le travail, c'est notre droit d'être informés des affaires de nos villes qu'on nie. Avons-nous les moyens d'être tenus dans l'ignorance de ce que font nos élus avec notre argent? Rappelons-nous ces mots adressés par l'ex-maire de Laval, accusé de gangstérisme, à une jeune candidate à la dernière élection : «... Écoute bien là... La réalité c'est qu'il y a déjà un autre système...». Voulons-nous continuer d'engraisser les corrupteurs, les collusionneurs, les voleurs de fonds publics? En avons-nous assez de l'argent caché dans les bas de ces bandits, des «Monsieur 3%» et des voyages dans le sud payés par des entrepreneurs aux fonctionnaires de nos villes? Si nous répondons oui, nous devons, par tous les moyens, aider les journalistes à faire leur travail. Parce que sans les journalistes, la Commission Charbonneau n'existerait pas et la Commission Gomery, avant elle, n'aurait jamais eu lieu.

J'ai la profonde conviction que de très nombreux maires et conseillers des villes du Québec ont comme valeur première de servir leurs concitoyens. Pensons à la mairesse de Lac-Mégantic. Mais, dans beaucoup d'autres villes du Québec, des élus n'ont rien compris au caractère démocratique de leur fonction et se comportent comme les patrons d'une entreprise privée. Selon certains maires, les journalistes n'ont pas à se mêler de leurs affaires. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec lance aujourd'hui un appel pressant aux mairesses et maires du Québec, à la première ministre Pauline Marois, au ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, au chef de l'opposition Philippe Couillard, au chef de la seconde opposition François Legault et à la porte-parole de Québec solidaire, Françoise David.

Au nom de tout ce que nous considérons collectivement comme sacré, prenez tous les moyens, y compris législatifs, pour permettre aux journalistes du Québec de jouer leur rôle: celui de sentinelles de la démocratie.

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