Nous oeuvrons dans le milieu socioculturel québécois.
Nous ressentons la nécessité d'élever ensemble nos voix afin d'affronter un sujet tabou qui nous confronte : la représentation des violences sexuelles dans le domaine des arts et des médias.
Parlons d'éthique et de respect.
Parlons de décence et d'empathie.
Le véritable débat n'a pas à être personnalisé, car il concerne tout un système : un ensemble de valeurs, de comportements et de perceptions en vertu desquelles certains artistes et chroniqueurs, s'arrogent le droit de banaliser la violence sexuelle, voire de ridiculiser les personnes survivantes sur la place publique. Nous en avons assez de devoir constamment expliquer en quoi le contenu de certains textes, spectacles, articles ou interventions briment directement la liberté d'expression de celles qui ont trop longtemps été confinées au silence. C'est pourquoi nous ressentons le besoin de dire : ÇA SUFFIT!
Cet automne, le milieu de la culture et des communications a sérieusement été remis en question par une immense vague de témoignages et de dénonciations. Ces prises de parole ont mis en lumière certains rapports de pouvoir et de domination qui sont perpétués dans notre société. Mais qu'en est-il du rôle social que nous jouons comme créatrices et créateurs, comme personnalités publiques?
Les artisanes et artisans du milieu culturel ont certainement un leadership à exercer pour contrer la problématique des violences à caractère sexuel.
L'art est représentation. À travers les films, la musique, les livres, les vidéoclips, l'humour et les spectacles que nous produisons, nous racontons bien sûr des histoires, mais nous contribuons aussi à donner une vision du monde. Ainsi, le milieu culturel joue un rôle important comme vecteur de changement social. Les différents domaines artistiques ainsi que les tribunes publiques que les artistes mobilisent, influencent directement la société. Les artisanes et artisans du milieu culturel ont certainement un leadership à exercer pour contrer la problématique des violences à caractère sexuel.
Certes, il y a les injustices qui se déroulent en coulisse, mais qu'en est-il des œuvres produites? N'est-il pas à propos de se questionner sur ce que nous créons? Comment nos créations peuvent-elles aussi faire partie de la solution?
L'iceberg dans la pièce : ça suffit
La notion de culture du viol renvoie à un problème réel et concret; on ne parle plus de l'éléphant dans la pièce mais d'un véritable iceberg. La pointe de l'iceberg, c'est la violence que l'on voit, celle que l'on reconnaît. Mais à un niveau moins visible, et on pourrait dire moins conscient, s'exerce la normalisation de la violence sexuelle, via les croyances et les stéréotypes qu'on entretient à propos des hommes et des femmes, des personnes LGBTQIA+, les différentes communautés autochtones, culturelles et ethniques, les personnes vivant avec un handicap ainsi que sur les rapports sexuels et amoureux. Plus concrètement, ce sont les attitudes et les commentaires sexistes : par exemple, le fait de responsabiliser les victimes et d'excuser les agresseurs, de s'adonner au harcèlement de rue, de faire des blagues sur le viol, d'érotiser la violence sexuelle ou encore de rendre compte de manière euphémisante des féminicides en parlant de crimes passionnels... Ces pratiques influent sur nos comportements, ou sur ce que l'on tolère comme comportement de la part des gens qui nous entourent. Elles mettent en mauvaise posture pour reconnaître la violence subie (victime), observée (témoin) ou même exercée (agresseur). Voilà notamment pourquoi perpétuer ces représentations sociales ou les tolérer est problématique, pour ne pas dire dangereux.
Nous n'avons pas toutes et tous les mêmes tribunes, mais nous portons la même responsabilité : celle de jeter un regard critique sur notre propre travail.
Il est donc nécessaire de s'interroger sur le rôle que jouent nos œuvres artistiques ou nos productions médiatiques. Nous sommes des courroies de transmission et une réflexion profonde mérite d'être entamée sur le contenu de nos créations et les messages qu'elles véhiculent. Nous n'avons pas toutes et tous les mêmes tribunes, mais nous portons la même responsabilité : celle de jeter un regard critique sur notre propre travail.
Notre réflexion ne se veut pas un acte de censure, mais un appel à la prise de conscience et à l'action. Loin de vouloir limiter une oeuvre avant qu'elle ne soit conçue, nous considérons qu'une mise en perspective est requise pour évaluer l'impact social de notre travail. La création est un acte libre, mais elle vient avec la responsabilité de favoriser le vivre-ensemble, d'inclure plutôt que d'exclure, de veiller à ne pas marginaliser les voix déjà marginalisées, de susciter la réflexion plutôt que la déconsidération et l'invisibilisation. Soyons solidaires et à l'écoute des personnes qui demandent courageusement à être écoutées.
En tant que personnes créatrices de sens, nous reconnaissons notre part de responsabilité et nous engageons pour contrer la banalisation de la violence sexiste et sexuelle, une problématique parfois explicite, mais bien souvent insidieuse et tolérée socialement.
En tant que personnes du milieu socioculturel, nous choisissons de nous opposer à la culture du viol et nous engageons à créer, produire et diffuser du contenu n'encourageant pas les mythes, les croyances et les stéréotypes qui l'entretiennent. En tant que personnes créatrices de sens, nous reconnaissons notre part de responsabilité et nous engageons pour contrer la banalisation de la violence sexiste et sexuelle, une problématique parfois explicite, mais bien souvent insidieuse et tolérée socialement.
Nous avons le pouvoir de transformer notre culture.
Ça suffit!
Ce texte est cosigné par:
Pénélope McQuade, chroniqueuse
Virginie Fortin, Humoriste
Vanessa Pilon, animatrice et chroniqueur culturel
Marie-Andrée Labbé, autrice et scénariste
Martine Delvaux, autrice
Laïma A. Gérald, chroniqueuse
Rose-Aimée Automne T. Morin, rédactrice en chef du magazine URBANIA et chroniqueuse
Mélanie Ghanimé, humoriste
Rosalie Vaillancourt, humoriste
Les soeurs Boulay, autrices, compositrices et interprètes
Ariane Zita, musicienne
Anaïs Damphousse Joly, actrice
Widia Larivière, autrice, réalisatrice et militante pour les droits des peuples autochtones
Marianne Prairie, autrice et productrice
Maïtée L.-Saganash, chroniqueuse, autrice et militante pour les droits des peuples autochtones
Julie Artacho, photographe
Nancy B. Pilon, enseignante, auteure et directrice littéraire du collectif "Sous la ceinture - unis pour vaincre la culture du viol".
Ines Talbi, artiste multidisciplinaire
Marie-Claude Marquis, illustratrice
Léa Stréliski, humoriste
Sabrina Halde, musicienne
Melyssa Elmer, productrice
Catherine Chabot, comédienne et autrice
Manal Drissi, Chroniqueuse
Melissa Mollen Dupuis, artiste et militante autochtone
Amel Zaazaa, travailleuse culturelle et administratrice de la Fondation Paroles de Femmes
Je suis indestructible (OBNL)
Québec contre les violences sexuelles (mouvement citoyen)
Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS)
La Fédération des femmes du Québec (FFQ)
Centre d'éducation et d'action des femmes de Montréal (CÉAF)
Lili Boisvert, animatrice et autrice
Gab Joncas, réalisateur, producteur, monteur et chroniqueur
Guillaume Wagner, humoriste
Fred Dubé, humoriste
Louis T, humoriste
François Tousignant, humoriste
Catherine Thomas, humoriste
Projet Stérone (Anne-Marie Dupras, Catherine Hamann, Anna Beaupré Moulounda et Lise Martin), humoristes
Coco Belliveau, humoriste
Colin Boudrias, humoriste
Jean-François Provençal, humoriste et comédien
Julien Corriveau, humoriste, comédien, compositeur et auteur
Sèxe Illégale (Mathieu Séguin, Philippe Cigna), humoristes
Jo Cormier, humoriste
Richardson Zéphir, humoriste
Les Pic-bois (Maxime Gervais, Dom Massi), humoristes
Rafaël Ouellet, réalisateur, directeur photo, producteur et monteur
Marie-Christine Lemieux-Couture, autrice
Marielle Jennifer Couture, chroniqueuse et co-créatrice du festival Virage
Mauvaise herbe, plateforme médiatique
Lily Thibeault, comédienne et auteure
David Goudreault, écrivain et travailleur social
Vincent Bolduc, auteur et scénariste
Marie Ayotte, autrice
Jules Falardeau, réalisateur et scénariste
Emily Laliberté, Artiste multidisciplinaire
Elisabeth Massicolli, journaliste
Gabrielle Lisa Collard, journaliste
Mélina Desrosiers, Artiste multidisciplinaire
Théo Dupuis-Carbonneau, journaliste
Elisabeth Dubois, chroniqueuse
Mathieu Charlebois, auteur et chroniqueur
Emmanuelle Lippé, cinéaste
Sandrine Ricci, autrice et chercheuse
Kharoll-Ann Souffrant, travailleuse sociale et étudiante à la maîtrise en travail social avec option en études féministes, Université McGill
Marilou Craft, autrice et conseillère dramaturgique
Myriam Daigneault-Roy, enseignante et chroniqueuse
La revue L'Esprit libre
Simon Boulerice, auteur et metteur en scène
Mélissa Blais, enseignante
Kesnamelly Neff, RQOH et sexologue
Maude Bergeron, illustratrice, autrice et militante féministe
Dominic Laperrière-Marchessault, autrice
Geneviève Bédard, comédienne
Benjamin Déziel, comédien
Janick Sabourin Poirier, Artiste en maquillage et coiffure
Rose-Anne Déry, comédienne et créatrice
Marie-Noëlle Voisin, comédienne
Natasha Kanapé Fontaine, poète et artiste multidisciplinaire