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Protection des animaux: au-delà de l'indifférence

Célèbre en Amérique du Nord comme étant le « royaume des usines à chiots », le Québec a un long historique d'indifférence à l'égard du bien-être animal. À l'heure où le racisme sous toutes ses formes est condamné avec raison, le « spécisme » règne en maître. Il est encore périlleux de s'ériger ici en défenseur des droits des animaux sans s'exposer au ridicule.
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Alors que les refuges québécois pour animaux domestiques sont débordés et doivent procéder à l'euthanasie systématique des chats et des chiens abandonnés, l'organisme Animal Legal Defense Fund (ALDF) diffusait le 10 juillet dernier son classement des lois canadiennes de protection des animaux. Pour la seconde année consécutive, le Québec s'y retrouve en queue de peloton, tout juste devant le Nunavut, ce qui lui vaut le titre de «meilleure province pour les agresseurs d'animaux».

Un nouveau projet de loi

En toute justice, cette évaluation ne tient pas compte des dernières modifications apportées en juin dernier par le projet de loi 51 à la Loi sur la protection sanitaire des animaux, notamment à l'égard du pouvoir d'ordonnance du ministre et du montant des amendes maximales susceptibles d'être imposées au propriétaire ou au gardien d'un animal qui en compromet la sécurité ou le bien-être.

Elle demeure néanmoins pertinente pour bien des aspects comme la limitation de nombreuses mesures de protection aux seuls chats et chiens, l'absence de disposition obligeant les vétérinaires à déclarer un mauvais traitement et la nécessité pour les inspecteurs d'obtenir des mandats de perquisition pour pénétrer dans une habitation. Étant donné que le Québec ne dispose, et ce depuis à peine deux ans, que de 41 inspecteurs sur tout son territoire pour appliquer la loi et qu'il n'existe pas de coordination avec les policiers chargés d'appliquer le Code criminel, on peut de plus certainement s'interroger sur l'impact réel qu'auront en pratique les nouvelles mesures pénales.

L'indifférence des bien-pensants

Célèbre en Amérique du Nord comme étant le « royaume des usines à chiots », le Québec a un long historique d'indifférence à l'égard du bien-être animal. À l'heure où le racisme sous toutes ses formes est condamné avec raison, le « spécisme » règne en maître. Il est encore périlleux de s'ériger ici en défenseur des droits des animaux sans s'exposer au ridicule. Il se trouve toujours un démagogue pour clamer que l'on devrait plutôt s'occuper des enfants battus ou des vieillards malades; comme si on ne pouvait pas être à la fois compatissant envers les humains et les autres animaux.

Curieusement, cette insensibilité est caractéristique d'une certaine intelligentsia qui se plait pourtant à clamer son attachement aux valeurs environnementales. La dernière controverse entourant l'application systématique de l'abattage halal par l'industrie alimentaire fut à cet effet particulièrement révélatrice. Plutôt que de dénoncer le fait que des entreprises comme Olymel, l'abattoir Avicomax de Drummondville et Maple Lodge détournent la finalité de l'exception prévue pour les rites juifs et musulmans au Règlement de 1990 sur l'inspection des viandes du Fédéral afin d'abaisser les normes pourtant déjà très faibles liés aux souffrances des animaux abattus, les tenants de la rectitude politique se sont ligués pour pourfendre le « racisme » de ceux qui s'indignaient contre cette pratique rétrograde.

Comme s'il suffisait d'apposer l'étiquette « religion » à une superstition pour en justifier l'existence dans le cadre d'une société démocratique, ces bien-pensants ont ridiculisé l'idée même qu'on puisse invoquer une réduction de la souffrance des animaux destinés à être abattus. Dans l'esprit de ces intellectuels pourtant toujours prêts à promouvoir la science lorsqu'elle traite de changements climatiques, des études comme celles publiées par le Farm Animal Welfare Council (FAWC), un organisme de vétérinaires relevant du gouvernement britannique, qui statuent que le rituel d'abattage juif ou musulman « entraîne une douleur et une détresse très significatives avant que l'insensibilité ne survienne », et que « l'abattage sans étourdissement préalable est inacceptable » , n'ont même pas trouvé droit de cité. (Report on the Welfare of Farmed Animals at Slaughter or Killing, part 1, 2003, p. 35, # 195; part 2, 2009, p.32, # 205, p.33, # 209; Ibid., part 1, 2003, p. 36, # 201)

Une éducation déficiente

Le motif de cette indifférence n'est pas facile à expliquer. Faut-il en voir l'origine dans l'héritage catholique qui a si longtemps marqué le Québec? Après tout, l'enseignement de Jésus de Nazareth, qui s'inscrit dans le courant judaïque, est très pauvre en ce qui concerne le respect des animaux. En fait, dans tout le christianisme, seul François d'Assise se démarque à cet égard. Pourtant, les Canadiens des autres provinces, qui eux se sentent plus concernés, se définissent encore eux aussi en majorité comme des Chrétiens. L'Alberta et la Saskatchewan, où se trouve la plus grande densité de créationnistes se retrouvent même en meilleure position que le Québec au palmarès de l'ALDF.

Faut-il plutôt chercher du côté de la formation académique québécoise dont le programme en sciences naturelles, écrasé entre les sciences pures et la technologie, est d'une faiblesse affligeante? Combien de jeunes Québécois obtiendront-ils leur diplôme secondaire sans avoir la moindre notion des grandes périodes géologiques, de l'évolution de la vie sur terre et des relations phylogénétiques entre l'humain et les autres primates? Lorsqu'on ignore les liens qui nous unissent au règne animal, on finit par croire que toutes les autres formes de vie sont au service de l'humanité, conformément à ce qui est écrit au premier chapitre de la Genèse...

Je cherche encore la réponse.

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