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Avion disparu: ce que nous pouvons savoir ou non

La seule certitude que nous avons, c'est qu'un avion a disparu sans le moindre avertissement ou communication de l'équipage. Le fait que le crash n'ait pas eu lieu lors du décollage ou de l'atterrissage limite le champ des possibilités, qui restent cependant nombreuses.
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Patrick Smith est un pilote de ligne en activité, blogueur aviation et auteur. Son dernier livre a pour titre Cockpit Confidential: Everything You Need to Know About Air Travel: Questions, Answers, and Reflections. Cet article a été initialement publié sur son blog, www.askthepilot.com.

Il semble important, avant toute autre chose, de souligner un point précis: à moins d'une révélation surprenante dans les prochains jours, nous n'aurons aucune réponse rapide ou simple quant au destin du vol MH370 de Malaysia Airlines. Des semaines, voire même des mois, pourraient s'écouler avant qu'on ait une idée plausible de ce qui s'est passé.

Dans le même temps, l'une des pires choses à faire, aussi tentant que cela puisse paraître, c'est de se laisser aller aux conjectures et aux pressentiments. Presque à chaque fois dans de tels cas, les premières théories se révèlent au mieux incomplètes; au pire complètement fausses. Vu le peu que l'on sait à ce stade, toute spéculation n'est que pure devinette.

La seule certitude que nous avons, c'est qu'un avion a disparu sans le moindre avertissement ou communication de l'équipage. Le fait que le crash n'ait pas eu lieu lors du décollage ou de l'atterrissage -phases de vol au cours desquelles la plupart des accidents ont lieu -limite le champ des possibilités, qui restent cependant nombreuses. Le mobile peut aller du sabotage à un incendie en plein vol en passant par une défaillance matérielle catastrophique -ou, comme cela arrive souvent lors des catastrophes aériennes, une combinaison ou addition d'erreur humaine et/ou de dysfonctionnement matériel.

Permettez-moi de récapituler les informations que j'ai vues et entendues dans les médias...

Aucun message de détresse: quelle que soit la position d'un avion, l'équipage est toujours en contact avec la tour de contrôle et l'équipage au sol de la compagnie. Lors de vols lointains, cependant, il s'agit souvent d'un processus plus poussé que de juste décrocher un microphone et parler. Cela dépend de l'équipement compris dans l'avion, et des installations de contrôle aérien avec lesquelles vous travaillez. Lorsque l'on vole au-dessus de l'océan, même relayer un simple message peut passer par un processus en plusieurs étapes transmis par des appareils mobiles ou des radios à haute fréquence. En cas d'urgence, communiquer avec l'équipage au sol passe après la résolution des problèmes en présence. Comme le dit le vieil adage: vous avionnez, naviguez, et communiquez -dans cet ordre. C'est pourquoi le fait qu'aucun message ou signal d'alarme n'ait été envoyé par l'équipage n'est pas particulièrement surprenant ou indicateur de quoi que ce soit de spécifique.

Les passeports volés: Selon les informations, deux des passagers du vol 370 voyageaient avec des passeports volés. Voilà qui a surpris beaucoup de monde et entraîné les spéculations sur un possible attentat, une tentative de détournement ou autre sabotage. Cela vaut-il la peine qu'on s'y penche? Absolument. Mais c'est pareil pour le reste, de la météo au manifeste de fret en passant par l'historique de maintenance de l'avion. À mon avis, des milliers d'individus volent à travers la planète avec des documents volés ou falsifiés, pour tout un tas de raisons, mais ça ne fait pas d'eux des terroristes.

L'expérience du pilote: Un facteur important? Peut-être, mais sûrement pas. Le capitaine avait à son actif 20 000 heures de vol, un total non négligeable. D'un autre côté, le premier officier (le copilote) avait moins de trois mille heures derrière lui. Les pilotes en Amérique du Nord -en tout cas ceux qui, comme moi, travaillent dans le civil- doivent en général voler plusieurs milliers d'heures avant de décrocher un poste dans une compagnie de renom. Nous gravissons l'un après l'autre les échelons dans l'industrie, tout en construisant notre expérience. On ne verrait jamais un copilote de Boeing 777 avec à son actif un si petit nombre d'heures. Dans d'autres régions du monde, le processus est souvent différent. Les pilotes sont souvent sélectionnés à travers des soi-disant programmes de sélection, triés par transporteur à un jeune âge et entraînés dès le départ à voler avec des avions de ligne. On peut discuter du danger de cette méthode, mais j'ai tendance à penser que ce n'est rien de plus qu'une information complémentaire au désastre. Par ailleurs, les heures de vol en elles-mêmes ne sont pas nécessairement un bon moyen de juger des compétences d'un pilote ou de ses performances sous pression. Et tout pilote, quelles que soient ses heures d'expérience et quelle que soit sa compagnie, doit répondre à des standards de formation rigoureux avant de pouvoir voler dans un 777.

Le Boeing 777: Je ne vois pas pourquoi les médias continuent à nous rabâcher l'accident d'Asiana à San Francisco, avec un 777. Le fait que le même modèle d'avion ait été impliqué dans les deux accidents a peu ou pas de signification.

La fièvre Air France?: Dans le même registre, il n'y a aucune bonne raison de tracer des parallèles entre le crash de Malaysia Airlines et celui du vol Air France 447 cinq ans plus tôt. Même si les deux accidents impliquaient un avion sombrant en plein vol dans l'océan, ce n'est qu'une coïncidence sans signification, surtout lorsque l'on considère les multiples causes possibles. Et aussi rares que soient les catastrophes aériennes, il est nécessaire de souligner que les annales de l'aviation civile font état de nombreux incidents similaires en surface, mais très différents dans les détails.

Et dans certains cas, ces détails restent à jamais inconnus. Nous apprendrons sûrement la triste histoire du vol Malaysia 370 au complet, mais il se peut aussi que cela n'arrive jamais. Une bonne partie des informations concernant le sort du vol Air France 447 reste du domaine du mystère. Pensons aussi au crash du South African Airways 747 dans l'océan Indien en 1987. Les enquêteurs pensent qu'un incendie en soute est responsable, mais officiellement le désastre reste irrésolu, les débris ayant sombré à des milliers de mètres de profondeur, dont ils ne sont jamais revenus.

Quel que soit la personne ou l'objet responsable, cette tragédie ne doit pas masquer le fait que les voyages aériens restent remarquablement sécurisés. À travers le monde, des efforts réguliers ont été fournis pour améliorer l'équipement, au point que l'année dernière a été la plus sûre dans l'histoire entière de l'aviation commerciale. Un certain nombre d'accidents cependant -aussi malheureux soient-ils- sera toujours inévitable. Espérons que ce nombre continue à diminuer.

Malaysia Airlines a été créée au début des années 1970 après que son prédécesseur, Malaysia-Singapore Airlines (MSA), s'est divisé pour devenir Singapore Airlines et Malaysia Airlines. Les deux compagnies sont renommées pour leur service au passager exceptionnel, et ont d'excellents historiques de sécurité. Le personnel à bord porte le modèle légendaire de batik "Sarong Kabaya" -adaptation de la traditionnelle blouse kebala de Malaisie.

Le logo de Malaysia Airlines, figurant sur la carlingue de ses avions depuis le début, est un cerf-volant indigène connu sous le nom de Wau. Histoire vraie: en 1993, je me trouvais dans la ville de Kota Bahru, une ville islamique conservatrice du nord de la Malaisie, près de la frontière thaï, lorsque nous avons vu un groupe d'enfants jouant avec des cerfs-volants wau. À cette époque je ne savais pas d'où venait le logo de la compagnie, mais j'ai tout de suite reconnu le dessin. C'était un de ces moments où culture et aviation se croisaient, dont nous, aérophiles, sommes friands.

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