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La raison d'État vs la liberté des citoyens

La société dite de l'information est mise à rude épreuve par le récent scandale du réseau d'espionnage de l'Europe mis en place par les Américains. «Pris la main dans le sac», les principaux intéressés, ne cessaient pourtant de montrer du doigt les pratiques d'espionnage commercial de la Chine.
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La société dite de l'information est mise à rude épreuve par le récent scandale du réseau d'espionnage de l'Europe mis en place par les Américains. Les principaux intéressés, «pris la main dans le sac», n'avaient de cesse de montrer du doigt depuis belle lurette les pratiques d'espionnage commercial du géant chinois. Depuis les révélations de l'ancien employé de la CIA, Edward Snowden, les internautes prennent conscience de l'étendu des dispositifs de captation, d'analyse et de brouillage des communications Internet et téléphoniques qui sont, désormais, pleinement opérationnels des deux côtés de l'Atlantique.

Pourtant, nous savons depuis belle lurette que les géants des médias sociaux vendent nos informations privées à des firmes de marketing, quand ce n'est pas aux renseignements généraux de l'Oncle Sam. Rien de nouveau sous le soleil, sauf que les dispositifs d'espionnage informatique s'étendent, désormais, aux gouvernements amis. La National Security Agency (NSA) aura été jusqu'à espionner les communications électroniques de l'Union européenne, en utilisant le désormais tristement célèbre programme Prism.

Deux poids, deux mesures

On comprendra la levée de boucliers chez un nombre grandissant de députés européens, lesquels demandent que soient stoppées illico toutes les négociations du futur accord de libre échange entre l'UE et les USA. Les ténors de Wall Street et leurs alliés au sein de l'«État profond» réclamant toujours moins de réglementation et plus d'ouverture des marchés, il devenait impératif d'aller prendre le pouls de la classe politique européenne alors que se déroulent les plus importantes tractations portant sur le libre échange de l'histoire contemporaine.

La découverte du subterfuge donne froid dans le dos, puisqu'elle nous force à nous rappeler certains moments peu reluisant de l'histoire du XXe siècle. En effet, les pires régimes totalitaires ont invariablement mis en place des dispositifs sophistiqués de fichage et d'espionnage des faits et gestes de leurs commettants, tout en opérant leurs tractations dans l'ombre.

Viol de l'intimité au quotidien

Les manigances de la NSA sont loin d'être surprenantes, alors que certains projets des agences de renseignement de l'Empire ont déjà mis en place des dispositifs très élaborés de surveillance des conversations téléphoniques des simples quidams. Rappelons, à titre informatif, que le réseau Échelon existe depuis belle lurette et permets aux principaux intéressés d'intercepter et d'écouter la majorité des télécommunications transmises par satellite. Tous ces dispositifs et réseaux d'espionnage seraient, de l'avis des plus hautes autorités, destinés à prévenir les actes terroristes et à protéger la société contre l'infiltration d'idéologies dangereuses pour nos démocraties. Mais, au fichage et à l'écoute électronique, il faudrait ajouter les cartes à puce - incluant l'arrivée du nouveau passeport canadien à puce - et les imposants dispositifs d'identification biométrique des aéroports.

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La traçabilité

Les agences de renseignements veulent écouter vos conversations, savoir comment vous vous déplacez, avec qui vous vous déplacez et où vous allez. Désormais, les procédures de cueillettes des renseignements menées par les Agences de placement, et autre officines gouvernementales, permettent de mettre en forme un portrait détaillé des citoyens. Certaines formules de consentement permettent d'aller enquêter - simultanément - sur votre passé judiciaire, médical, professionnel, psychologique, médical, social et de crédit. Il est patent que certaines agences de vérifications des antécédents de travail sont de mèche avec les agences de renseignement américaines. Ici même, au Québec, c'est une compagnie américaine qui est mandatée pour mener les investigations en question et son formulaire de consentement se retrouve dans le bureau d'un nombre croissant de départements des ressources humaines.

Il s'agit de prévenir avant toute chose... curieux parti-pris dans un système néolibéral où les économistes sont incapables de prévoir quoi que ce soit !

Nous retournons au paradigme du «deux poids, deux mesures», alors que la traçabilité s'applique aux individus et non pas aux produits alimentaires, à titre d'exemple. Ainsi, le gouvernement Harper, qui est préoccupé au plus au point par les questions de sécurité domestique, refuse toujours d'imposer l'étiquetage concernant les OGM. Même chanson au niveau de la sécurité dans les aéroports et autres espaces de transports, alors qu'un passager ne peut pratiquement plus rien apporter avec lui, sauf ses sous-vêtements ! Pendant ce temps, avec la bénédiction de nos gouvernements, les multinationales de l'armement obtiennent le feu vert pour livrer des munitions à des groupes de terroristes dûment subventionnés par des régimes «amis».

Vols d'identité

À l'heure où les gurus de l'information vantent les mérites des systèmes Open Source et de la transparence tout azimut en matière de transactions commerciales, il est pathétique de réaliser à quel point les renseignements personnels des occidentaux font l'objet d'obscures tractations commerciales et ... policières. Jusqu'aux entreprises de télécommunication ou les banques qui vendent nos renseignements personnels à des entreprises de marketing ou d'autres officines d'ingénierie sociale. Il s'agit de «manufacturer le consentement» sous toutes ses formes et Noam Chomsky n'a fait que mettre le doigt sur un phénomène qui remonte à plus d'un siècle déjà. Le vol d'identité servant de modus operandi à cette fabrication d'un consentement qui est à la base de notre démocratie frelatée.

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La raison d'État vs la liberté des citoyens

Mon collègue blogueur Pierre Luc Brisson a fait allusion à la philosophe Annah Arendt au chapitre des mécanismes de la «raison d'État». J'aimerais compléter son intervention en précisant que la philosophe allemande a passé une partie importante de sa carrière à étudier le phénomène de la réification, soit la perte de valeur au niveau des échanges humains. De fait, son maître à penser, Martin Heidegger, a développé une analyse fine de l'essence de nos sociétés «technicistes». Selon lui, «la liberté régit ce qui est libre au sens de ce qui est éclairé, c'est-à-dire dévoilé. L'acte du dévoilement, c'est-à-dire de la vérité, est ce à quoi la liberté est unie par la parenté la plus proche et la plus intime».

Edward Snowden, bien plus qu'un lanceur d'alerte, nous a aidés à prendre conscience de tout un appareillage de domination qui se cache sous la prétendue «raison d'État». Il a dévoilé des secrets d'État de prime importance et ne peut plus retourner chez les siens. Celui qui espionnait pour le compte de ses maîtres a jeté son masque pour que la lumière inonde la scène. Reste à savoir si nous, les citoyens spectateurs, aurons la détermination de requérir de nos gouvernements qu'ils mettent au pas ces fameuses agences de renseignement qui nous espionnent quotidiennement. Il faudra en faire un enjeu électoral déterminant et - à moins que nous soyons tous qualifiés de terroristes - nous devrons mettre tout notre poids dans la balance pour que cesse cet abus de pouvoir. Aurons-nous ce courage?

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