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La minceur, ce diktat de mannequin qui a ruiné ma vie

«Espèce de monstre, tu crois que tu es mannequin? Tu n'es même pas belle! Tu es une sous-merde inutile, voilà tout!»
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KatarzynaBialasiewicz via Getty Images

Nikki DuBose, ancienne mannequin américaine raconte dans un témoignage bouleversant sa longue descente aux enfers dans l'univers de la mode. Déterminée à briser le silence, elle revient sur son parcours de Top Modèle qui a débuté à l'âge de 15 ans et en particulier sur les troubles alimentaires, les abus, les diktats de la minceur qui sévissent dans le monde du mannequinat. Elle partage entre autres sa douloureuse expérience et son long combat depuis l'enfance contre la boulimie. Extrait.

"Espèce de monstre, tu crois que tu es mannequin? Tu n'es même pas belle! Tu es une sous-merde inutile, voilà tout! Tu t'es ridiculisée tout à l'heure. Ils se moquaient tous de toi, tout le monde se moque toujours de toi. Je me revois enfant, essuyant les remarques acerbes de mon beau-père. Je me demande si j'ai jamais eu la moindre valeur aux yeux de quelqu'un. Le désespoir fouaille mes entrailles.

Je ne peux plus maîtriser mon envie irrépressible de nourriture. Mes sens me dévorent d'un feu toujours plus brûlant, tandis que les voix me parlent sur un ton plus doucereux, celui de la tentation : "Pense à ces nourritures délicieuses qui t'attendent dans la cuisine ; tu sais que tu ne pourras résister plus longtemps, plonge tes mains grasses dans ce festin ! Qu'est-ce qu'on s'en fout, puisque tu recracheras tout ensuite, comme tu le fais toujours..." Mon cœur cogne dans ma poitrine, sous le coup de l'excitation et de la peur ; je ne peux plus distinguer le vrai du faux, sortir de mon état de transe.

Plus rien ne fait obstacle à ma frénésie. J'engouffre par poignées des cookies et des gâteaux. Je suis méconnaissable une sauvage qui ne cherche qu'à se détruire. Je rampe jusqu'à ma chambre, allume la télévision tout en continuant de me goinfrer. Mais rien ne couvre le bruit de cette voix. "Finis cette bouffe... Maintenant C'est une véritable honte de ne pouvoir avaler tout ça, grosse truie ! Si seulement tu le pouvais... Dépêche-toi, va vomir !" Plus j'ai besoin de temps pour avaler ces énormes parts, plus la sueur dégouline le long de mon corps – plus mon cœur bat vite, plus mon estomac enfle, jusqu'à ce que ça devienne insupportable. J'arrive à peine à respirer. Je m'essuie la bouche du revers de la main, envoyant valser des miettes partout, sur mes vêtements et sur le tapis. Je reste un moment assise, vautrée dans ma honte, et zappe de chaîne en chaîne, jusqu'à m'arrêter sur un épisode d'Une nounou d'enfer. Maman a toujours ressemblé à Fran Drescher et, en admirant son sourire, je sens la tristesse m'envahir. Je veux être avec elle, la maman que j'ai connue, il y a si longtemps. Plus que tout, j'attends le jour où nous formerons une famille heureuse ; mais lorsque le générique défile, je sens ce rêve m'échapper et je m'endors.

Sorties de nulle part, les voix maléfiques me tirent du sommeil. "Réveille-toi ! Tu sais ce qui va t'arriver si tu t'endors ? Tu vas CREVER, voilà ce qui va t'arriver. Mon estomac est près d'imploser mon ventre, et vois que le bouton et la fermeture Éclair de mon pantalon ont craqué. "C'est parce que tu es GROSSE ! GROSSE, GROSSE, GROSSE !" Je ne supporte plus ces voix. J'ai envie de me fracasser le crâne contre le mur pour ne plus les entendre, mais au lieu de ça j'attrape une bouteille de trois litres de lait et commence à la descendre tout en me dirigeant vers la salle de bains. Je jette un coup d'œil vers le miroir : mon ventre dépasse d'un pantalon trop large. Le lait me donne la nausée, mais il me fait du bien aussi ; il calme le feu de ma gorge. Des sanies m'éclaboussent le visage, mais je m'en fiche ; je l'accepte avec joie. Je tire la chasse, m'empiffre, vomis... jusqu'à ce que toute preuve ait disparu.

Dans l'enfer du mannequinat – Une industrie qui détruit – Nikki DuBose.

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