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La grande solitude du Hamas

Il n'y sans doute pas de cause à effet entre le nouveau comportement arabe à l'égard de Gaza et la réaction timorée de la communauté internationale. Mais les deux ont créé un climat politique qui encourage Benjamin Nethanyahou à être sensible et attentif à son extrême droite qui lui demande de profiter de cette fenêtre pour en finir avec le Hamas
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Alors que les israéliens préparent leur troisième guerre contre Gaza et les palestiniens leur troisième intifada, force est de constater la grande faiblesse de la diplomatie mondiale pour arrêter ce qui s'apparente à une sanglante fuite en avant. Les Israéliens bombardent aveuglément la bande de Gaza. Les morts se comptent par dizaines. Les Palestiniens du Hamas ripostent par des tirs de roquettes qui installent la terreur au cœur d'Israël. Timides,les grandes puissances se livrent à un exercice minimum. Quand elles ne reconnaissent pas à Israël le droit de se défendre contre des attaques terroristes, elles appellent les partenaires de cette confrontation enflammée à plus de retenue.

Cet apparent désintérêt, même si le conseil de sécurité a tenu une réunion extraordinaire sur la question suivie d'un appel au cessez-le-feu, trouve ses origines dans la nouvelle équation politique que vit la région depuis la vague des printemps arabes qui a vu l'ascension et la chute des frères musulmans en Égypte voisine et dans les pays du golfe. Cette nouvelle donne impose au Hamas une terrible solitude. Il est donc très difficile d'imaginer le président égyptien Abdelafattah Sissi qui pourchasse sans pitié les frères musulmans en Égypte voler au secours de sa filiale palestinienne le Hamas. Il est aussi aussi impensable d'imaginer des pays du golfe exiger une solidarité avec le Hamas et son agenda. L'Arabie saoudite avait bruyamment décrété les frères musulmans comme organisation terroriste et donc tous ses sympathisants comme infréquentables.

L'Égypte de Abdelafattah Sissi se trouve malgré elle dans l'œil de cyclone qui frappe Gaza. La réaction timide du nouveau Président égyptien lui a valu de violentes critiques de la part de ses plus fidèles soutiens. Tous l'incitaient à sortir de son silence et exprimer une position de solidarité avec le peuple de Gaza qui reflète le sentiment de la rue égyptienne. Il faut dire que c'est la première grande crise sécuritaire avec Israël que le nouveau président égyptien aura à gérer. Lui, le militaire droit dans ses bottes, qui a bâti toute sa fortune politique sur la guerre contre les frères musulmans égyptiens rencontre manifestement une difficulté à trouver l'expression politique pour accompagner ce grand tournant.

Les pays du golfe auront aussi à subir l'impact d'un tel conflit si la communauté internationale n'arrive pas à obtenir un cessez-le-feu et à remettre la relations israélo-palestinienne sur des rails plus pacifiques. Le risque est que les réverbérations d'une telle violence contre la bande de Gaza et la lourde facture humaine que les civils palestiniens paient face à ces attaques israéliennes peuvent acquérir avoir un énorme impact. Certains pays arabes, Égypte en tête , peuvent avoir à payer leur incapacité à montrer une solidarité avec les victimes palestiniennes.

L'autre rupture dont souffre terriblement le Hamas concerne sa relation avec la Syrie et par extension politique avec l'Iran. Bachar Al Assad avait longtemps assuré gîte et couvert aux plus intrépides de chefs du Hamas. La crise syrienne a obligé le Hamas à se positionner et faire des choix. Après un grand tiraillement interne, le Hamas a fini par se ranger auprès de l'opposition syrienne. Cela fut exprimé par sa célèbre tirade lancée au Caire au peuple syrien : "Je salue le peuple héroïque de Syrie qui aspire à la liberté, la démocratie et la réforme". Ce qui fut interprété comme un grand coup de poignard et d'ingratitude à l'égard du régime de Bachar El Assad.

Le Hamas se trouve donc privé de l'aide et de la sympathie de l'Égypte officielle de Abdelfattah Sissi et celle politique et diplomatique de l'Arabie saoudite prompte dans le passé à tirer les sonnettes d'alarme internationale pour obliger Washington et les capitales européennes à modérer leur soutien à l'opération israélienne. Le Hamas est privé aussi du soutien public de Damas et de Téhéran même s'il est difficile de savoir dans quelles mesures les deux puissances ont diminué ou pas leurs aides militaires et logistiques à l'organisation palestinienne.

Ces nouvelles positions sont sans aucun doute à l'origine du silence officiel arabe à l'égard du drame qui se joue à Gaza. Certains pays comme le Maroc ou les Émirats arabes unis ont tenté de le combler par l'octroi d'aides matérielles et financières aux Gazaouis qui souffrent sous les bombes israéliennes, d'autres comme le Koweït ont tardivement demandé la tenue d'une réunion d'urgence de la ligue arabe au niveau de ses ministres des affaires étrangères. D'ailleurs, à lire les réactions tièdes de certaines capitales arabes directement concernées par cette crise, la question de savoir ce que ces ministres peuvent prendre comme décisions qui dépassent le stade de l'indignation verbale, acquiert une dangereuse pertinence.

Il n'y sans doute pas de cause à effet entre le nouveau comportement arabe à l'égard de Gaza et la réaction timorée de la communauté internationale. Mais les deux ont créé un climat politique qui encourage le premier ministre israélien Benjamin Nethanyahou à être sensible et attentif à son extrême droite qui lui demande de profiter de cette fenêtre où le Hamas semble être lâché par ses parrains et ses alliés pour en finir avec lui. D'où le comportement de défi adopté par le premier ministre israélien qui non seulement intensifie les bombardements sur Gaza avec des incursions des forces spéciales, mais menace de se livrer à une opération d'invasion terrestre à la recherche des militants du Hamas.

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