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La laïcité et le nationalisme identitaire: réponse à Jocelyn Maclure

Pour assurer un équilibre entre l'unité et la diversité, il ne suffit pas de taper sur les doigts des Québécois et de leur imposer des gestes d'ouverture à l'égard des identités minoritaires. Nous avons aussi le devoir d'apporter des remèdes au problème d'affirmation nationale du Québec.
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Le psychodrame des accommodements raisonnables de 2007 était lié à la question identitaire nationale. C'est à tout le moins une idée que j'ai défendue à de maintes reprises depuis quelque temps.

À ce propos, le chroniqueur de La PresseVincent Marissal écrit:

«Chaque défaite électorale vient avec ses leçons. Pour le PQ, le constat était clair : l'Action démocratique de Mario Dumont lui a coupé l'herbe sous le pied en accaparant le dossier identitaire. Tout s'était passé très vite, au début de 2007 : le « code de vie » d'Hérouxville, l'éclosion publique de quelques accrochages avec des groupes religieux et la formation de la commission Bouchard-Taylor, le Québec était en plein psychodrame des accommodements raisonnables, et l'ADQ s'est faufilée.»

Autrement dit, les stratèges péquistes qui sont rompus à la politique, qui font un travail de terrain et qui prennent le pouls de la population sur une base quotidienne en sont venus à la conclusion que la question identitaire était liée à la problématique des accommodements et que le PQ avait commis l'erreur de laisser tout le terrain identitaire occupé par l'ADQ.

Vincent Marissal, qui est lui aussi un fin analyste politique, ne semble pas vouloir les contredire. Michel David et Francine Pelletier non plus. Le premier critique Philippe Couillard qui démontre «une insensibilité au malaise identitaire que ressentent les francophones et auquel les libéraux ne cherchent même pas à répondre». Francine Pelletier approuve elle aussi cette interprétation : «La vraie crise est ailleurs, comme l'a signalé le philosophe Michel Seymour à maintes reprises. Elle concerne le besoin de reconnaissance et d'affirmation chez les francophones.» Autrement dit, la problématique des accommodements, autant que celle de la laïcité, pose la question du vivre ensemble et donc de la question identitaire.

Ce sont aussi les règles du vivre-ensemble que les citoyens de Hérouxville ont de façon très maladroite cherché à mettre en place avec leur code d'honneur. Là aussi, c'était pour répondre au malaise identitaire vécu par la population.

Enfin, ceux qui ont visionné les témoignages des citoyens à l'époque des audiences de la Commission Bouchard-Taylor auront vu et entendu les citoyens répéter constamment quelles étaient les valeurs fondamentales des Québécois : l'égalité des hommes et des femmes, la langue française et la laïcité. Comme par hasard, ces trois thèmes renvoient aux trois chartes : celle des droits et libertés, celle de la langue française et celle de la laïcité.

En bref, les citoyens manifestaient un besoin criant d'affirmer les valeurs communes du Québec. Ils sentaient le besoin irrépressible de fixer les règles du vivre ensemble au Québec. Ils avaient un besoin d'affirmation nationale.

Mon collègue Jocelyn Maclure cherche à minimiser le lien entre le besoin d'affirmation nationale du Québec et la problématique des accommodements. Ainsi, il écrit : « Michel Seymour soutient pour sa part que la 'carence d'affirmation nationale' du Québec participe au malaise identitaire ressenti par plusieurs Québécois. Cette hypothèse n'est pas à sa face même évidente. »

Pour expliciter ce qui le gêne dans cet argument, il affirme tout d'abord que la postulation d'un tel lien est une hypothèse psychologique qui devrait faire l'objet d'une vérification empirique. Et pourtant, à la lumière des remarques précédentes, on peut difficilement demander plus. Ce lien a été exploité par l'ADQ, diagnostiqué après coup par les stratèges péquistes, entériné par les analystes politiques et constaté de manière récurrente lors des consultations publiques de la Commission Bouchard-Taylor.

C'est aussi le besoin de formuler les règles du vivre ensemble qui est à l'origine de la charte de la laïcité que le PQ a cherché à implanter. On entend régulièrement les citoyens répéter dans le contexte de ce débat qu'à Rome on fait comme les Romains et que les citoyens issus de l'immigration doivent s'intégrer à la société québécoise.

Pour Maclure, les enjeux véritables de la laïcité renvoient plutôt à la place de la religion dans la société. Mais si tel était le cas, on discuterait alors autant des religions sikh, juive ou chrétienne que de la religion musulmane. Comment se fait-il que le débat sur la laïcité se soit progressivement concentré sur la question du foulard musulman? Pourquoi la kippa, la croix chrétienne ou le turban sikh n'ont pas fait l'objet d'autant de débats? Pourquoi cette fixation sur le foulard des musulmanes?

L'explication semble être la suivante. Le débat sur la laïcité a dérivé vers un débat centré sur les valeurs, incluant la laïcité, mais aussi le patrimoine. Puis il s'est concentré sur l'immigration et tout particulièrement sur l'immigration maghrébine et arabe. La peur de l'Autre, de l'étranger, explique la réaction identitaire. C'est aussi la raison pour laquelle on a entendu plus que jamais des propos racistes, xénophobes et islamophobes. Telle est la raison pour laquelle le voile s'est révélé au centre des débats. Il s'agit d'une réaction à l'immigration maghrébine dont le symbole est le port du foulard porté par les femmes musulmanes.

Maclure n'est pas d'accord. Selon lui, le problème n'est pas lié à l'immigration. L'intégration des Haïtiens ou des Vietnamiens ne soulève pas de problème. Ce serait donc la preuve que le débat ne concerne pas l'immigration. Le débat concerne selon lui la religion et il cite à ce propos Will Kymlicka: « We have witnessed a partial backlash against liberal multiculturalism, particularly in countries where Muslims form a clear majority of the immigrant population and hence are the focus of debates around multiculturalism».

Autrement dit, pour montrer que le débat ne concerne pas l'ethnicité et l'identité, mais bien la religion, il soutient que la multiethnicité provoquée par l'immigration n'est pas en cause, mais bien la religion musulmane. Et pourtant, la citation de Kymlicka ne vient pas vraiment renforcer son argument. Au contraire, Kymlicka montre bien que les autres religions ne sont pas en cause et que si la religion musulmane pose un problème, c'est bien parce que la majorité des immigrants dans certains pays est formée par des musulmans. Autrement dit, ce n'est pas la religion musulmane en tant que telle qui explique le backlash contre le multiculturalisme, mais bien le fait que l'immigration soit principalement musulmane. Les Turcs en Allemagne, les Maghrébins en France, les musulmans pakistanais et indiens en Grande-Bretagne créent des remous parce qu'ils forment le segment le plus important de la population immigrante.

Or, le problème n'est pas différent au Québec. Puisque nous sommes à la recherche d'immigrants parlant français, l'immigration maghrébine a augmenté en nombre. C'est donc bien une réaction face à l'immigration maghrébine et non face à la religion en soi qui est à l'origine du débat sur la laïcité. Une immigration principalement maghrébine ou arabe, ayant une religion différente de la majorité et ayant des signes distinctifs. Le débat autour de la charte de la laïcité ne serait pas survenu sans une immigration maghrébine accentuée. Le débat a donc dérivé vers l'immigration, puis tout particulièrement vers les immigrants musulmans, puis enfin vers le port du voile chez les femmes musulmanes.

Il existe un courant nationaliste conservateur au Québec. Mais ce courant n'aurait pas pu attirer un aussi grand nombre de Québécois dans son sillage si, d'une manière générale, il n'y avait pas eu de problématique identitaire qui soulève les passions au sein de la population. Il faut bien sûr prendre au mot les féministes, les républicanistes et les LGBT qui étaient en faveur du projet de loi 60 pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le nationalisme identitaire conservateur. Je ne voudrais certainement pas leur attribuer une fausse conscience. Mais dans toute cette affaire, il y a fort à parier qu'ils ont été instrumentalisés par les nationalistes conservateurs qui sont aussi parvenus à attiser les craintes identitaires au sein de la population en général.

Dans le même article que celui cité plus haut, Marissal confirme cette lecture des faits. Il écrit en effet que les nationalistes conservateurs sont à l'origine de la mise en place de la charte de la laïcité. Cela explique aussi pourquoi elle fut initialement une charte des valeurs et pourquoi aussi, sous plusieurs rapports, la charte en question fut une charte de la catholaïcité. Il s'agissait de ne pas faire disparaître les signes religieux patrimoniaux ayant une portée identitaire pour la majorité, mais bien ceux des minorités et parmi ceux-ci, les signes ostentatoires de la minorité issue d'une immigration récente. C'est la raison pour laquelle le foulard islamique a fait l'objet d'une discussion constante.

Il semble donc que j'aie raison de lier la question identitaire au projet de charte de la laïcité. En interprétant la conjoncture actuelle comme posant essentiellement le statut de la religion au sein de la société québécoise, Maclure propose une lecture superficielle qui ne tient pas la route.

Il invoque toutefois à sa rescousse un autre argument. Les problèmes que nous vivons ne sont pas l'apanage du Québec. Ces débats surviennent dans plusieurs autres sociétés à l'échelle internationale, y compris dans des États souverains. Il ne faut donc pas penser que si le Québec était un pays, le problème disparaîtrait. Il convient de le citer au long sur ce point:

«L'aménagement de la diversité morale, spirituelle et religieuse est l'un des grands défis des régimes démocratiques contemporains. Des pays souverains aux cultures politiques très variées comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne et les pays scandinaves -- sans parler de la Tunisie, de la Turquie, de l'Inde, etc. -- cherchent laborieusement à adapter leur modèle particulier de laïcité ou de relation État-religion aux exigences de l'époque contemporaine.

Tous ces pays sont souverains. On peut plausiblement inférer de ce constat qu'une meilleure reconnaissance du Québec, l'adoption d'une constitution interne ou même la souveraineté complète du Québec ne dissiperaient pas le questionnement et les désaccords profonds au sujet de la place et du statut de la religion.

Les athées critiques des religions, les républicains qui tiennent à une séparation étanche entre le public et le privé et les féministes qui considèrent que les religions en général, ou l'islam en particulier, sont incompatibles avec l'égalité entre les hommes et les femmes ne seraient pas apaisés par l'indépendance du Québec. »

Autrement dit, peu importe le remède que l'on apporte au malaise identitaire, la question de la laïcité va toujours se poser, et ce, même dans le contexte d'un État souverain du Québec, car elle se pose en effet dans plusieurs sociétés qui disposent pourtant d'une pleine souveraineté. C'est bien la preuve, selon Maclure, que le malaise identitaire n'existe pas en tant que tel ou en tout cas qu'il ne s'explique pas par un besoin d'affirmation nationale.

Cet argument présuppose toutefois que la problématique de l'identité nationale n'existe pas dans ces autres pays et qu'elle n'est pas mise en cause par la problématique de la laïcité. Or, comme l'indique la phrase citée de Kymlicka plus haut, le problème se pose dans tous les pays qui sont aux prises avec une immigration musulmane importante. Cela montre encore une fois que ce n'est pas la religion en général qui pose problème, mais bien la religion musulmane. Et c'est la religion musulmane parce que l'immigration y est principalement musulmane et que l'on postule un envahissement de l'islamisme radical. Si l'immigration musulmane et le l'envahissement islamique posent un problème, c'est bel et bien parce que l'identité nationale est en cause. C'est la raison pour laquelle on assiste à une remontée des partis national-populistes ainsi qu'à des propos xénophobes et tout particulièrement islamophobes.

Des pays tels que la France et la Grande-Bretagne se posent à eux-mêmes la question de leur propre identité nationale et il n'y a rien de surprenant à ça. Il est normal que les questions identitaires soulevées par les identités minoritaires issues de l'immigration se répercutent sur la problématique identitaire de la communauté nationale.

Sur le plan normatif, on ne peut pas non plus en toute cohérence se préoccuper du sort des groupes minoritaires et de leur identité tout en prétendant que la question de l'identité nationale de la communauté d'accueil n'est pas en cause. On ne peut pas être soucieux de l'identité religieuse des groupes minoritaires et être indifférent à l'égard de l'identité de la communauté d'accueil. Il faut juste éviter d'apporter des mauvaises réponses à ces bonnes questions. Malheureusement, la charte de la laïcité péquiste est une mauvaise réponse à ces bonnes questions.

Dans toutes les sociétés, souveraines ou non, il faut trouver un équilibre entre l'unité et la diversité. C'est aussi le cas au Canada. C'est d'ailleurs le défi que la Cour suprême du Canada a voulu relever dans le renvoi de 1998 sur la sécession du Québec. Mais alors, si la question de l'identité nationale se pose dans les sociétés formant des États souverains et que tous les pays, y compris le Canada, tentent de résoudre le problème de l'unité et de la diversité, pourquoi en serait-il autrement pour le Québec ? Comment le Québec pourrait-il ne pas se poser avec encore plus d'acuité de telles questions alors qu'il n'est même pas un État souverain ?

Autrement dit, l'argument de Maclure part d'une prémisse fausse. Il suppose que la problématique de l'identité nationale est étrangère aux débats soulevés par l'immigration musulmane dans des pays comme la France, la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, pour ne prendre que ces quelques exemples. Or, c'est tout le contraire qui est vrai. La droite nationale populiste a pu faire ses choux gras en France en se servant de la problématique de la laïcité. C'est bien la preuve que la question identitaire est au cœur des débats qui sont les nôtres. Tous les pays sont confrontés à la remise en question de leur identité et le Québec ne fait pas exception à la règle.

Maclure propose toutefois un autre argument :

«Les nationalistes conservateurs considèrent ainsi que le Québec souffre effectivement d'une carence d'affirmation nationale; une carence que seule l'indépendance politique complète du Québec, doublée d'un retour à une politique de « convergence culturelle » en vertu de laquelle les nouveaux immigrants doivent s'assimiler au groupe culturel majoritaire, peuvent combler. Mais pourquoi penser que les nationalistes qui partagent une sensibilité conservatrice feraient preuve d'ouverture au regard des demandes d'accommodement des membres des minorités religieuses une fois le déficit d'affirmation nationale comblé ?»

Maclure a raison. Les nationalistes conservateurs ne seront pas contents dans un Québec indépendant si les minorités issues de l'immigration ne s'assimilent pas à la majorité. Mais est-ce une raison pour ignorer le problème d'affirmation nationale du peuple québécois? Maclure reconnaît l'existence d'un lien entre la problématique de la laïcité et celle de l'identité nationale, mais il soutient que c'est un lien qui existe seulement dans l'esprit des nationalistes conservateurs. S'il a raison, la conclusion qu'il faut tirer est que la laïcité doit être détournée de la problématique identitaire.

Ceux qui souscrivent au diagnostic que je pose peuvent être tentés de tirer la même conclusion. Ils m'accorderont que l'intensité des débats autour du foulard islamique ne peut s'expliquer que par les liens entremêlés qui existent entre la laïcité et la question identitaire. Mais ils seront tentés de tirer la conclusion que le coupable est le nationalisme identitaire. Ils verront dans la question nationale une sorte de maladie dont il faut certes guérir, mais le remède ne consiste pas dans des mesures visant à canaliser l'affirmation nationale d'une manière qui ne heurte pas les minorités. Le remède doit plutôt consister dans l'évacuation du malaise identitaire. On ne guérit pas le nationalisme en lui reconnaissant une certaine légitimité. On le guérit en l'évacuant tout simplement ou en le faisant disparaître. Je ne dis pas que telle est la position de Maclure surtout en ce qui a trait à la question constitutionnelle et des rapports que le Québec entretient avec le reste du Canada. Mais son argumentaire a quand même pour effet de minimiser l'importance de la question nationale dans le débat autour de la charte de la laïcité, sauf pour la confiner au nationalisme conservateur défendu par certains.

C'est à mon sens la plus grande tragédie. Les Inclusifs font pour la plupart disparaître à toutes fins utiles totalement la question nationale de leur écran radar, alors que les partisans de la charte sont tous nationalistes, mais critiques à l'égard des politiques de pluralisme culturel. Je défends pour ma part les politiques de pluralisme culturel et je suis en même temps nationaliste. La question nationale ne doit pas être laissée dans les mains des nationalistes conservateurs. Il faut être sensible à l'égard de l'identité nationale et être soucieux de la préserver tout en développant des politiques généreuses à l'égard de la minorité anglophone, des peuples autochtones et des citoyens issus de l'immigration.

Les nationalistes conservateurs ont beau avoir eu une influence importante depuis quelque temps auprès du gouvernement Marois. N'empêche, jusqu'à récemment, le nationalisme québécois n'a pas été dominé par ce courant conservateur. Le nationalisme de René Lévesque, de Gérald Godin et de Jacques Couture est relayé à notre époque par celui de Québec solidaire, celui des indépendantistes pour une laïcité inclusive et celui de personnalités bien en vue telles que Gilles Duceppe, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard. Si on cherche à apporter des remèdes qui tiennent compte du besoin d'affirmation nationale, c'est justement pour ne pas que ces questions soient prises en charge par le courant conservateur. Nous avons la responsabilité de résoudre la problématique identitaire par d'autres voies que celle proposée par le PQ de Pauline Marois.

Le problème n'est pas à chercher du côté de la question identitaire. Le problème est plutôt que la défense de la question identitaire a pris la forme du national-populisme. Or, le nationalisme peut tenir compte de la question identitaire sans verser dans le national-populisme. Il peut être inclusif au lieu de manifester un repli identitaire et d'entraîner l'exclusion. Il peut être progressiste au lieu d'être conservateur. Et il peut être tourné vers le futur au lieu que de se cantonner dans le ressentiment à l'égard des défaites passées.

L'erreur à ne pas faire serait de passer à la trappe la question identitaire sous prétexte que, dans sa forme actuelle, sa prise en compte est celle du national-populisme. Car ce serait là jeter le bébé avec l'eau du bain. On peut admettre que le débat autour de la laïcité soulève des préoccupations véritables à caractère identitaire, en particulier en ce qui a trait aux demandes d'accommodements. Il faut être disposé à répondre à ces inquiétudes, pas nécessairement parce que de véritables problèmes d'accommodement existent, mais bien parce qu'il existe un réel besoin d'affirmation nationale. Les deux commissaires Bouchard et Taylor avaient bel et bien identifié eux aussi la présence d'un malaise identitaire dans leur rapport. Mais ils ont réduit ce malaise à rien d'autre qu'une perception erronée de la volonté des immigrants de s'intégrer. On peut s'accorder à dire que dans une très large mesure (et nonobstant les problèmes réels d'intégration linguistique et d'intégration sur le marché du travail), cette perception est erronée, parce que la très vaste majorité des immigrants ne demandent qu'à s'intégrer. Mais l'erreur des commissaires est d'avoir réduit le malaise identitaire à une telle perception erronée. Le malaise identitaire traduit à mon sens un réel besoin d'affirmation nationale.

On peut instaurer un cours d'histoire obligatoire au cégep. On peut insister sur le renforcement de la langue française, sur l'adoption d'une Constitution interne et d'une citoyenneté québécoises. Tout cela est possible et même essentiel dans une société qui veut et doit vivre avec les accommodements raisonnables, l'interculturalisme et la laïcité ouverte, car c'est seulement au prix de trouver un équilibre entre l'unité et la diversité qu'une société peut éviter les dérapages et les dérives.

L'argument ultime de Maclure est que même si le Québec était un État souverain, des républicanistes, des féministes et des LGBT militeraient en faveur de mesures laïcistes additionnelles. Il espère ainsi nous convaincre du fait qu'il faut détacher la problématique identitaire de la question de la laïcité. Car peu importe le statut constitutionnel du Québec, la question de la laïcité va toujours se poser. À vrai dire, ce que son argument démontre, c'est tout au plus que la recherche d'un équilibre entre l'unité et la diversité est perpétuelle et jamais terminée. Elle se pose certes autant pour les peuples avec États que pour les peuples sans État. Mais cela ne démontre pas que la thématique de la laïcité est indépendante de l'identité nationale. Cela démontre plutôt que l'équilibre entre les identités est en perpétuel changement.

Sous prétexte de mettre de côté les enjeux constitutionnels et notamment la place du Québec dans le Canada, certains intellectuels bien en vue sont tentés de mettre de côté la problématique identitaire québécoise elle-même dans le débat autour de la laïcité de nos institutions. On a l'impression que la question nationale est pour eux un sujet tabou. Est-ce parce qu'ils estiment que dans les circonstances, l'identité publique commune du Québec est déjà bien établie ? Croient-ils que la charte de la laïcité est inutile parce qu'elle peut être déduite à partir des principes déjà affirmés dans la charte des droits et libertés ? Ont-ils peur de voir poindre à l'horizon une crise constitutionnelle à l'échelle du Canada entier, étant donné l'incapacité viscérale du Canada anglais à reconnaître la spécificité québécoise ? Chose certaine, il semble que les enjeux soient politiques. On craint comme la peste de voir le Québec se donner la constitution de son choix.

Je m'inscris en faux contre cet immobilisme politique. Pour assurer un équilibre entre l'unité et la diversité, il ne suffit pas de taper sur les doigts des Québécois et de leur imposer des gestes d'ouverture à l'égard des identités minoritaires. Nous avons aussi le devoir d'apporter des remèdes au problème d'affirmation nationale du Québec.

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