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Jeune gouvernement minoritaire, vieil enjeu à négocier: le français

L'élection d'un gouvernement minoritaire le 4 septembre dernier a rapidement conduit les analystes à comprendre que le gouvernement Marois devra négocier avec l'opposition pour faire voter certains éléments de son programme. Selon Michel David du Devoir, «le PQ ne sera pas en mesure de mettre en œuvre la 'gouvernance souverainiste'. Il faudra oublier la 'nouvelle loi 101' tout comme la citoyenneté québécoise, sans parler du référendum d'initiative populaire» (RIP).
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L'élection d'un gouvernement minoritaire le 4 septembre dernier a rapidement conduit les analystes à comprendre que le gouvernement Marois devra négocier avec l'opposition pour faire voter certains éléments de son programme. Selon Michel David du Devoir, «le PQ ne sera pas en mesure de mettre en œuvre la 'gouvernance souverainiste'. Il faudra oublier la 'nouvelle loi 101' tout comme la citoyenneté québécoise, sans parler du référendum d'initiative populaire» (RIP).

Les exemples de la gouvernance souverainiste et du RIP vont de soi, car le gouvernement aura devant lui une majorité de députés fédéralistes. Il en est de même pour une loi 101 qui serait profondément «revue, corrigée, augmentée», comme diraient les éditeurs. Ce serait beaucoup trop demander à l'opposition.

Par contre, le gouvernement ne se trouve pas dans une impasse complète. Il suffit de consulter le programme de la Coalition avenir Québec (CAQ) - qui détient la «balance du pouvoir» sans l'apport de Québec solidaire -, pour trouver dans «Un Québec fort, fier, confiant», d'importantes similitudes avec le programme gouvernemental :

  • Mettre fin à «la pratique des écoles passerelles»;
  • Augmenter les «ressources pour l'intégration des immigrants à la majorité francophone»;
  • Renforcer le «rôle de l'Office [québécois] de la langue française» (OQLF).

On pourrait en effet se mettre rapidement d'accord pour empêcher l'accès à l'enseignement public en anglais via les écoles privées non subventionnées appelées «passerelles». Par contre, le renforcement de l'OQLF et l'augmentation des ressources vouées à l'intégration des immigrants est une affaire de gros sous. Il y a fort à parier que la CAQ exigera «de faire le ménage» ici et là, notamment à Hydro Québec, afin de récupérer des fonds publics qu'elle juge mal investis.

De plus, étendre «la portée de la Charte [à] toutes les entreprises de plus de 10 employés» pourrait s'avérer aux yeux de la CAQ beaucoup trop coûteux. Suffirait-il, comme le propose la CAQ, de doubler le budget de l'OQLF? Quant à l'admissibilité aux cégeps, aux écoles de formation professionnelle et à l'éducation des adultes de langue anglaise, il faut rappeler que même les souverainistes ne s'entendent pas là-dessus.

L'effet domino de l'immigration sur la population montréalaise

Par delà les programmes électoraux des partis politiques, d'autres aspects ont déjà attiré l'attention. Normand Cusson et Louis Balthazar ont souligné, entre autres, la question de l'étalement de la population francophone de Montréal dans le 450. Le premier suppose «que les francophones abandonnent Montréal de guerre lasse, incapables qu'ils ont été d'y poser leur empreinte après un demi-siècle de Révolution tranquille».

Quant à notre collègue Balthazar du Huffington Post Québec, il note fort à propos que «[d]ans la mesure où les immigrants se retrouvent entre eux [...], il y a bien peu de chances qu'ils s'intègrent». D'où la question pertinente suivante : «Comment voulez-vous que les immigrants s'intègrent à la majorité si cette majorité n'est plus visible autour d'eux?»

On a donc très vite débordé le cadre de la loi 101 pour identifier un facteur démographique très lourd. Or, contrer l'étalement de la population autour de Montréal-Laval-Longueuil, ne se ferait pas en claquant des doigts. Tâche d'autant plus herculéenne, compte tenu de l'effet domino de l'immigration internationale sur la population montréalaise.

Lors d'un séminaire tenu à Montréal en 1994, le sociologue Raymond Breton (professeur émérite, Université de Toronto) a traité de la réaction des populations d'accueil à l'arrivée de nouveaux venus (1). Il a illustré son propos en faisant un parallèle avec le monde des affaires :

«Si une entreprise [...] recrute plusieurs nouveaux membres, [...] il est fort possible que les nouveaux soient définis comme étrangers et même comme usurpateurs par les 'anciens' qui en étaient venus à considérer l'entreprise [...] comme leur entreprise. Ceci pourrait se produire même si les nouveaux sont par ailleurs vus comme une main-d'œuvre dont l'entreprise a besoin. S'ils sont nombreux relativement aux anciens, leur seule présence risque de remettre en question la culture d'entreprise et la façon d'organiser le travail (p. 246-247)».

Fort de ces observations dans les milieux de travail, M. Breton a poursuivi ainsi :

«cette description s'applique aux relations entre immigrants et natifs dans un milieu social quelconque. Si les natifs se sentent menacés dans leurs habitudes, leurs façons d'utiliser les institutions et les espaces publics, d'éduquer leurs enfants, bref, s'ils se sentent 'envahis', ils chercheront à laisser ce milieu : ils déménageront en banlieue, ils changeront de travail, ils placeront leurs enfants dans une école privée, etc. (p. 247)».

Face à un tel constat, d'aucuns suggèrent d'implanter une politique ayant pour but de contrer l'étalement de la population montréalaise vers ses banlieues. Or, depuis la publication de ma monographie abordant ce sujet (1999), je n'ai pas encore vu l'ombre d'un commencement d'une politique à cet égard. Pas plus d'ailleurs que notre politique de régionalisation de l'immigration qui m'a toujours semblé un vœu pieux.

Reste le nombre d'immigrants que le Québec accueille annuellement. À ce propos, la CAQ a proposé de faire passer le nombre d'immigrants de plus de 50 000 qu'il est, à 45 000 pour les deux prochaines années. J'ai fait valoir en novembre 2011 qu'«un taux de 0,5 %, soit 40 000 immigrants par année, devrait être exceptionnel». D'autant plus exceptionnel, qu'à mon avis, aucun gouvernement du Québec ne s'est donné les pleins moyens de sa politique afin de s'assurer de l'intégration des immigrants à tous égards. Même les dimensions économique et linguistique auxquelles on pense en premier lieu, font défaut. Que dire alors du social et du culturel?

(1) Raymond Breton, «L'appartenance progressive à une société : perspectives sur l'intégration socioculturelle des immigrants», Gouvernement du Québec, Actes du Séminaire sur les indicateurs d'intégration des immigrants, Montréal, 1994, p. 239-252.

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