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De la futilité des verbiages autour des signes religieux

De la futilité des verbiages autour des signes religieux
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'Rien n'est plus fluide que les rochers, si ce n'est les nuages.'' V. Hugo

''Cachez ces signes que je saurais voir, mais montrer moi votre sein, mon amour, en signe de l'affection que vous me portez...''

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Pour la sémiologie, science des systèmes de signes dans la vie sociale, un grand nombre de choses peuvent être considérées comme des signes, dans la mesure où tout est susceptible d'être interprété comme signifiant quelque chose : la douleur est un signe de la maladie; le sourire de la joie; l'angoisse sculpte l'expression faciale, le sentiment de sécurité l'apaise... Le signe signifie qu'il faut s'alarmer ou s'apaiser, au même titre que tel symbole signifie danger, tel le triangle jaune à l'arrière d'une machinerie agricole, qu'une hirondelle ne fait pas le printemps, que le goéland annonce une terre au marin perdu en mer. ..

Le signe n'est pas neutre, mais toujours chargé d'un message ou d'une évocation; il porte la sublimation d'un discours amoureux, de la douleur, de l'angoisse ou d'une manière dont vivent les hommes...

Dans un sens plus restreint, en linguistique, le signe est un indice ou une marque ayant une signification autre que la signification littérale; il porte l'idée que la chose (évocatrice) fait naître dans l'esprit... En littérature, le signe établit l'association d'un concept (appelé « signifié ») et d'une image évocatrice (appelée « signifiant »). Le signe unit le signifiant au signifié ; et, ce lien entre le signifiant et le signifié est à la fois contraignant et nécessaire : il introduit le lecteur à un schème de la pensée et de l'évocation, à un imaginaire...

Dans un sens quasi anthropologique, le signe incarne des normes, des valeurs, des appartenances, des rituels,.. Le signe porte alors un message symbolique et remplit des fonctions propres. Ce message peut être lu et déchiffré par ceux appartenant au groupe social. Le signe est donc rassurant, car il informe des intentions, des risques, des dangers, des liens de solidarité et de coopération. La cohésion du groupe et au sein du groupe dépend de l'éducation à un système de signes, l'information est en quelque sorte codée, et la clé des significations n'est accessible qu'à ceux qui appartiennent au groupe ou en acquièrent une connaissance savante. S'intégrer c'est donc consentir à entrer dans un cercle d'initiés et s'instruire des signes et des rites pour mieux contribuer à la cohésion du groupe et contribuer à sa propre sécurité. Une telle intégration libère de tensions et permet d'entrer dans une zone de plus de liberté... Ainsi, si vous êtes invité à participer à une cérémonie au sein d'un groupe de cannibales, il est essentiel de connaître les signes pour différencier entre deux intentions potentielles : vous manger ou vous inviter à partager leur repas... votre action et votre vie en dépendent...

Une foule de manifestations de troubles sociaux, psychosociaux, moraux ou identitaires produisent leurs propres systèmes sémiologiques. Empruntons à ce cadre sémiologique pour reconnaître la nature d'un mal que traverse la société québécoise...

Ainsi, la crise morale que traverse la société occidentale produit son lot de signes singuliers, dont peut-être ceux issus du nihilisme dont une forme est si probante au Québec : la crainte d'affirmer la mémoire vive d'une culture et préférer l'annihiler que de l'assumer... J'y lis une forme de problème d'estime de soi collectif exacerbée par la méconnaissance de son histoire et de la résilience formidable de générations besogneuses et courageuses. Cette attitude est néfaste, car elle donne un signal de non- intégration, donc de plus de tensions sociales... Elle donne le signal que les revendications mèneront à des gains puisque l'hôte trop mou cède et ne transmet même pas sa langue identitaire à l'ensemble des nouveaux arrivants. L'évocation de la liberté individuelle n'est alors qu'un paravent servant à camoufler la mollesse et le trop de mou...

Le signe établit un lien visible et palpable entre l'invisible et le visible, il porte sur l'essence d'une recherche des individus pour établir et entretenir une relation communicative avec ses semblables, d'une recherche de solidarité au-delà de la solitude individuelle.

Le signe permet d'accéder à la beauté de l'âme qui définit la beauté de l'être. Un peu à la manière russe, la beauté que j'évoque ici est celle de l'âme. Les êtres sont beaux parce qu'ils ont une belle âme. Qui ne voudrait pas avoir une belle âme?? Mais aujourd'hui la beauté est trop réduite à une expression superficielle du corps, à ce qui est sexy, provocant. Mais, sans dentelles le corps est déjà moins beau, un vers nu.

«Le bonheur dépend de l'âme...» selon Cicéron et «Une âme saine dans un corps sain», enseigne la maxime de l'Antiquité grecque.

Les âmes angoissées

Un grand nombre de personnes se font tatouer un petit quelque chose pour l'esthétisme de la chose. L'esthétisme n'est pas fortuit, le lien qu'il établit traduit le sens du beau. Mais, qu'est la beauté? Quels en sont les traits ineffables et intemporels? La toile humaine plissera, assurément !

Plus souvent qu'autrement le tatouage traduit une deuxième intention, une forme de recherche identitaire. L'appartenance à un groupe social permet d'espérer un apaisement d'états d'âme. Le TATOUAGE constitue une partie importante de la culture métal ou gothique. Cela sont des modes qui ne dureront pas, car ils sont le reflet d'un état d'âme particulier d'un moment trouble de la société. Ce qui demeure, c'est l'intention d'une recherche d'harmonie, de rééquilibre, d'apaisements d'angoisses... Un dialogue entre le visible et l'invisible doit s'articuler; une communion entre les individus doit s'établir là où la solitude et l'isolement seraient intolérables... Un réflexe primitif de survie prend le dessus...

La mode des tatouages - des piercings et de mutilations corporelles- observée dans la société québécoise est représentative d'un certain mal de vivre, de difficultés d'estime de soi qui dans une société traditionnelle trouverait leur résolution dans le respect de rites traditionnels et religieux, dans une ferveur religieuse chrétienne. Mais les traditions et la foi d'un temps perdu se transposent par des recherches autres, sans liens avec une communion solidaire de l'ensemble des valeurs issues du patrimoine, des ''ancêtres'', des Aïeux...

La recherche d'un temps perdu, de ce qui a sombré dans le puits de l'oublie et de l'ignorance -puisqu'on n'enseigne ni n'éduque plus que l'essentiel des valeurs fondamentales-, resurgit alors sous la forme de tatouages et de piercings comme la peste transperçait jadis en plaies bucoliques les corps malades...

S'il y a malaises, il y a nécessairement signes de la maladie inavouée... Le tatouage fait alors fonction d'exutoire, d'incantation, de prière symbolique ... sans référence à quelconque absolu, sinon l'absolue évidence que les marques, les trous et les encres demeureront ineffables, donc d'une pérennité déjà plus rassurante que le vide existentiel...

Le tatouage anthropologique

Les âmes angoissée dont le regard nous donne la lecture plus encore que le tatouage, dont témoigne la littérature -( je pense ici au harponneur tout tatoué de Moby Dick, à Mardi de Robinson Crusoé...) est le fait de cultures singulières. ( rappelons que ces récits relèvent d'expériences de l'auteur H. Melville ... il est fait prisonnier de cannibales qui le prennent et l'engraissent. Mais les hommes sont amicaux, et les femmes nues. À part l'incertitude d'être mangé, Melville coule de beaux jours, chez les cannibales. Le péché n'existant pas pour eux, ces sauvages ont une grâce, une beauté plus grande (Larousse Encyclopédie). Il décidera de s'évader entretenant des doutes sur les intentions véritables et à long terme de ses hôtes!!!) ... Ainsi, le décryptage des codes verbaux et non verbaux n'étant pas acquis par le fait d'une intégration imparfaite malgré des effort,s un réflexe de survie amène l'auteur à fuir.

Le tatouage incarne alors l'âme d'un peuple : il est significatif et signifiant. Il n'est pas fortuit, il suit des règles, il raconte une histoire ou évoque, mais doit être vrai et normatif... l'aléatoire et la non-croyance ne font pas partie de l'art et de la pratique du tatouage ...

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L'empire des signes : entre esthétisme, érotisme et œuvre d'art

Le tatouage inuit, Tradition et survivance dans le monde contemporain

La pratique du tatouage par les Inuits est en lien avec les croyances et les légendes de ce peuple. (mythologie et rites), mais également avec l'histoire de l'individu et de sa famille.

Les tatouages symbolisent alors un dialogue avec l'invisible et l'âme. Le tatouage peut aussi avoir une fonction médicale. L'esthétisme du tatouage est donc régi, normatif... Dans tous les cas, ils incarnent une substantifique essence profondément ancrée dans la culture même du peuple.

Les Inuits habitant le Canada et l'Arctique, leurs signes appartiennent à notre espace traditionnel ; ils nous enrichissent de leur patrimoine culturel...

placer ici le Harponneur tatoué de Mooby Dick

En définitive : On aura compris que ... le signe est une manifestation de l'espace social, de tous les temps... et les signes religieux n'en feraient pas exception. Bannir les signes serait comme être à contre nature...

Ce n'est donc pas le signe qu'il faille craindre, mais son absence qui tait l'intention, et camoufle une pensée intégriste sous-jacente au discours. Rien ne porte plus à risques que ce qui est tu...

... Tchador, voile... : ce ne sont pas ces signes extérieurs qu'il faut craindre, mais les attitudes et les intentions revendicatrices de personnes qui les portent... Notre culture communique à visages découverts, l'expression faciale se donne en lecture ouverte, même en visages tatoués de la culture inuite. Le message facial est net, sans masque ...

Il y a quelques fois parmi la gent récente de l'immigration ''à portes ouvertes'' des manifestations évidentes d'attitudes de non-intégration, de revendications : ces quelques nouveaux arrivants nous méprisent alors... À qui la faute, sinon en partie à la société d'accueil, canadienne ou québécoise, qui n'a peut-être pas été claire quant aux exigences d'intégration, de respect des traditions et des valeurs et de l'ensemble des signes significatif du patrimoine culturel et des institutions... Ce n'est pas en récusant notre tradition, dont religieuse, que nous porterons un message utile. Le nihilisme n'est pas l'avenir des peuples minoritaires, et nous le sommes, francophones et Premières Nations, au sein du Canada. C'est en s'affirmant davantage, car on ne respecte que ceux qui imposent le respect...

Ainsi, les signes (religieux) ne doivent pas être interdits ou contraints outre mesure, et les signes de la tradition et du patrimoine religieux doivent retrouver toute leur place naturelle et normale, selon l'ordre des choses. Ce sont les attitudes de non-intégration à la langue française, aux traditions, à la culture religieuse patrimoniale qu'il faille écarter, et que des pratiques de recrutement, de sélection et d'intégration claires et normales d'une politique d'immigration auraient dû et devraient clairement préciser et faire valoir...

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