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Pour qui la Fédération des femmes du Québec parle-t-elle?

Quand seulement 50 membres sur 610 se présentent à l'assemblée générale annuelle, on est en droit de se demander qui la Fédération des femmes du Québec représente-t-elle au juste. Pas moi, pas mes amies, et certainement pas mes filles. Pourtant, nous sommes toutes des féministes dans l'âme et dans l'action, même si le mot est devenu ringard et gèle dans ma bouche. Surtout quand des extrémistes se l'approprient.
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Quand seulement 50 membres sur 610 se présentent à l'assemblée générale annuelle, on est en droit de se demander qui la Fédération des femmes du Québec représente-t-elle au juste. Pas moi, pas mes amies, et certainement pas mes filles. Pourtant, nous sommes toutes des féministes dans l'âme et dans l'action, même si le mot est devenu ringard et gèle dans ma bouche. Surtout quand des extrémistes se l'approprient.

À chaque fois que la FFQ prend le micro au nom de nous toutes, je suis convaincue, archiconvaincue que la majorité des Québécoises ne s'identifient pas au discours néo-marxiste de la Fédération. La lecture de n'importe quel document de la FFQ promet tous les mots-clés du vocabulaire imposé par la gauche plateaupithèque: on y va à grands coups de mondialisation néo-libérale, de capitalisme néo-libéral, de résistance néo-libérale, d'islamophobie renforcée par les médias, de femmes racisées (?), d'hétérosexisme, d'oppression, d'écoféminisme, d'impérialisme et de colonialisme!

Qui a mis le cadran à 1968? La réalité c'est que la Fédération des femmes du Québec est devenue l'aile féminine de Québec Solidaire, un parti pour qui très très très peu de Québécois votent, rappelons-le. La présidente actuelle, Alexa Conradi, était présidente de Québec Solidaire avant de prendre la direction de la FFQ. Elle en serait toujours membre bien que la Charte de la FFQ précise que c'est un organisme non partisan.

Toujours au service de l'information de qualité, je dois ajouter que 64 groupes de femmes membres, sur 184, ont participé à la dernière assemblée générale annuelle, en plus des 50 membres individuelles citées au début de ce blogue. Ça vient des derniers documents de la FFQ disponibles.

La fondatrice de la FFQ en 1966, feue madame Thérèse Casgrain, doit se faire aller comme les palles d'un ventilateur dans sa tombe. Madame Casgrain, une grande bourgeoise montréalaise a été candidate pour le Parti Libéral du Canada avant de passer au NPD dont elle fut la chef au Québec. Vers la fin de sa carrière, Pierre Elliot Trudeau l'a nommée sénatrice, ce qui l'a ravie. Elle n'avait rien des seules militantes marxico-lénifiantes qu'on semble retrouver aujourd'hui au coeur de cette association historique. J'ai déjà rencontré Thérèse Casgrain -- 40 ans de métier, c'est utile. Je crois qu' elle serait horrifiée par la situation actuelle à la FFQ. Oui, c'était une femme de gauche -- y'a rien de mal à ça -- oui, une féministe avant l'heure, oui une femme engagée qui a milité pour la paix au cœur de la Guerre froide en se rendant à Moscou. Mais c'était une femme qui laissait la parole à tous. Une femme d'inclusion. Et surtout une femme tournée vers demain. Je l'imagine mal communier à la chapelle de Sainte-Victimite féministe incurable, une tare dont on a du mal à se débarrasser.

Le problème avec tout organisme militant, lorsque le problème est réglé, l'organisme devrait cesser d'exister. Ce qui est fâcheux pour certains. Je ne prétends pas que les problèmes des femmes ont tous été résolus, bien au contraire. Mais ils sont trop nombreux et trop importants pour l'ensemble de la société pour laisser à des activistes d'extrême gauche la besogne de les régler. It takes a village...

Pour ce blogue, j'ai aussi parlé à une féministe pionnière, madame Marie-Claire Kirkland-Casgrain, première femme députée au Québec (1961) et première femme ministre (1962). Aujourd'hui âgée de 87 ans, elle se dit moins touchée par les revendications féministes actuelles: «Les femmes ont obtenu une grande partie de ce qu'elles souhaitaient» m'a-t-elle dit. «Maintenant, c'est pour tout le monde qu'il faut demander. Pour les vieux, pour les jeunes, pour les garçons. Nous avons tous besoin de demander des grâces».

Si un Martien débarquait sur terre, ou une Martienne dans ce cas-ci, et qu'elle passait du temps sur le site (drabe) de la FFQ, elle pourrait penser que toutes les femelles québécoises de l'espèce sont des femmes battues, humiliées, exploitées, pauvres ou avec des 'limitations fonctionnelles'. On ne pourrait pas parler un peu des femmes qui réussissent et qui sont un modèle pour les plus jeunes? Par exemple, fédérer des femmes entrepreneures ou des cadres supérieures comme le fait le YWCA avec son programme de mentorat en affaires? Je pense que c'est pas demain qu'on va voir Lise Watier ou Isabelle Hudon entrer à la Fédération des femmes du Québec. Une représentante de la FFQ a déjà dit à un copain qu'elle était «pas mal contre les emplois dans le secteur privé». Pendant ce temps, la Chine compte le plus grand nombre de femmes entrepreneures milliardaires au monde. Y'a des marxismes qui évoluent plus vite que d'autres.

Dans le dernier bulletin Info féministes (mars 2012), on apprend que les trois dossiers prioritaires de la FFQ sont :

- l'augmentation des frais de scolarité (contre)

- la menace qui plane sur les régimes de retraite (ce que la grande majorité des femmes n'ont pas, à moins d'être dans la fonction publique)

- la taxe santé (contre)

C'est ça un agenda féministe rassembleur en 2012?

Pas plus féministe à mes yeux que la position controversée de la FFQ sur le port du voile islamique pour les employées de la Fonction publique, soit «ni interdiction, ni obligation». Autrement dit, elles sont pour. La brillante et incisive Djemila Benhabib qui a fait connaître cette décision à l'ensemble du Québec («sans ma lettre J'accuse, cela aurait passé comme du beurre», croit-elle) et qui n'en revient toujours pas deux ans plus tard, croit que la FFQ s'est discréditée par elle-même auprès de l'opinion publique qui sait maintenant qu'elle ne défend plus des principes comme l'égalité.

Madame Benhabib était sur place quand la FFQ a voté cette motion: elle a vu de ses yeux vus dans la salle une délégation de femmes islamistes, qu'elle connaît personnellement, et qui avaient été amenées sur les lieux par des autobus de la FFQ. L'extrême gauche, partout dans le monde, entretient des liens inquiétants avec l'extrême droite musulmane. La FFQ n'y échappe pas, semble-t-il.

Prenons le cas de l'ex-candidate NPD dans Bourassa, Samira Laouni. Elle siège présentement au comité d'orientation de Féminisme dans tous ses états, une grande réflexion d'orientation organisée par la Fédération. Alors qu'elle était candidate, madame Laouni a eu pour directeur de campagne le 'célèbre' Haydar Moussa, l'auteur d'un poème sur les Québécoises nous dépeignant comme des putes saoûles qui vont d'un mâle à l'autre -- il m'a déjà traînée devant le Conseil de presse pour l'avoir dénoncé.

Sans compter les liens de madame Laouni avec le Congrès islamique canadien, un organisme islamiste téléguidé à partir de l'Arabie saoudite. S'étonne-t-on qu'elle porte non seulement le voile mais aussi une grande tunique genre Abri Tempo dans de jolis tons de noir?

Je suis pour la multiplicité des voix -- ce blogue en est un plaidoyer -- mais comment quelqu'un qui ne partage pas la vision majoritaire de l'égalité homme-femme de notre société peut-elle faire avancer le débat? Chose certaine, avec des leaders comme ça, les efforts de la FFQ et de Québec Solidaire pour faire disparaître Israël de la carte ne sont pas prêts de perdre de la virulence.

J'insiste sur la position pro-voile de la FFQ parce que des féministes algériennes ont demandé mon aide. Il y a cinq ans, je suis allée en Algérie, invitée par l'ACDI, pour rencontrer des femmes journalistes et des intellectuelles. Lors d'une rencontre avec un groupe de syndicalistes féministes à l'université d'Alger, elles m'ont fait part de leur incompréhension face à notre tolérance au voile islamique: «Madame Ravary, s'il vous plaît, quand vous retournerez chez vous, dites aux féministes qu'elles nous font du tort. Ici, les imams nous disent 'de quoi vous plaignez-vous avec le voile? Regardez, au Québec, y'a pas de problème!»

C'est moche d'avoir à écrire un blogue comme ça le 8 mars, me direz-vous. Mais tout n'est pas négatif. J'ai déjà proposé l'abolition du Conseil du statut de la femme. Je ne prône pas la disparition de la Fédération des femmes du Québec. Il y a tant à faire, le 8 mars comme tous les autres jours. Mais je dénonce que l'organisme qui estime représenter les femmes du Québec ne soit pas plus représentatif de la femme de la classe moyenne. C'est à dire de la majorité des femmes et de leurs aspirations légitimes.

Puis-je aussi demander que l'organisme qui dit nous représenter ne nous demande pas de découper une centaine de petits carrés en papier à coller avec de la colle en bâton sur deux grandes feuilles à mettre au mur pour retracer l'histoire des femmes depuis 20 ans? Ça ne s'invente pas. C'est dans le document de préparation des États généraux.

Dans sa présentation à la Commission Bouchard-Taylor, la FFQ affirmait que «nous dénonçons l'utilisation et la récupération par la droite du discours féministe sur l'égalité entre les femmes et les hommes afin de diviser les femmes et la population québécoise et de justifier un discours raciste.» (Raciste ???)

Alors si on se place au centre ou à droite, on n'a pas le droit d'être féministe? Et si c'était: «Nous dénonçons l'utilisation et la récupération par la gauche du discours féministe», je parie que la Fédération des femmes du Québec hurlerait à la mort.

De toute façon, quand nous aurons terrassé le monstre américain, nous serons tous sous domination chinoise. Pourquoi s'inquiéter?

Bonne journée du «Nous la femme»!

PS -- Groupes masculinistes extrémistes, votre opinion ne m'intéresse pas.

PPS -- Oui, je sais que le ciel du féminisme d'État va me tomber sur la tête.

PPPS -- Que pense la FFQ des filles qui font des pipes à des gars en public dans des bars de Laval?

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