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Lettre à mon vieil ami Chavez

La vie est mal faite. Et bizarre à la fois. Hier matin, j'ai eu envie de t'écrire cette lettre, peut-être que j'ai eu un pressentiment. Ceci dit, j'aurais préféré que cette lettre soit pour te souhaiter prompt rétablissement. C'est pour ça que la vie est mal faite. Même si on ne s'est jamais rencontré, je te considérais comme un ami, comme un camarade. Je pleure ta mort, comme j'ai pleuré celle de mon propre père, probablement comme un Noir-américain a pu pleurer celle de Malcolm X.
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A man writes a note in a book of condolence at the embassy of Venezuela in Berlin, Germany, Wednesday, March 6, 2013, to honor deceased President of Venezuela, Hugo Chavez. (AP Photo/Michael Sohn)
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A man writes a note in a book of condolence at the embassy of Venezuela in Berlin, Germany, Wednesday, March 6, 2013, to honor deceased President of Venezuela, Hugo Chavez. (AP Photo/Michael Sohn)

La vie est mal faite. Et bizarre à la fois. Hier matin j'ai eu envie de t'écrire cette lettre, peut-être que j'ai eu un pressentiment. Ceci dit, j'aurais préféré que cette lettre soit pour te souhaiter prompt rétablissement. C'est pour ça que la vie est mal faite. Même si on ne s'est jamais rencontré, je te considérais comme un ami, comme un camarade. Je pleure ta mort, comme j'ai pleuré celle de mon propre père, probablement comme un Noir-Aaméricain a pu pleurer celle de Malcolm X, comme un Latino-américain celle du Che, comme un Palestinien celle de Yasser Arafat, comme un Congolais celle de Lumumba.

Je crois que ce n'est pas nécessairement la joie à tous les jours au Vénézuela mais personne ne peut nier ta contribution dans le réveil de ton peuple. Un réveil contagieux qui s'est propagé dans toute l'Amérique Latine. Les gens qui te critiquent ici, aux États-Unis ou en France, sont faciles à remettre à leur place, soit parce qu'ils ne connaissent rien, soit parce qu'ils se fient aux mensonges des mercenaires du monde des médias, soit parce qu'ils sortent toujours les mêmes arguments vides. «C'est un dictateur». Mais encore... «Il est populiste». So what, c'est ça ton argument? «Reporter sans frontières dit ceci». «Human Right Watch dit cela». De toute façon Hugo, tu sais déjà ce que j'en pense de RSF ou de Human Right Watch, ou de n'importe quelle désinformation à la sauce Fox News. Et l'ultime argument imbécile: «le développement économique». Alors quoi? Le développement économique était mieux avant Chavez? Pinochet a aidé le développement économique, pas de son peuple, mais des compagnies minières américaines... Et Hitler aussi a relevé l'économie de son pays. Est-ce que c'est une preuve de bonté le «développement économique»? Soyons sérieux.

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Ces gens oublient, volontairement ou par ignorance, que tu as réussi à faire de grandes réformes dans le pays, d'abord en nationalisant la compagnie pétrolière principale et en faisant profiter les pétrodollars, au peuple vénézuélien plutôt qu'à une poignée d'oligarques à la solde de Washington. Ils oublient de dire qu'en 10 ans, tu as fait passer la pauvreté de 48,6 % de la population à 27,8 %, et la pauvreté extrême de 22,2 % à 10,7% ( selon le rapport de la Commission économique pour l'Amérique Latine de 2010). Ils oublient de dire que tu as permis une plus grand accessibilité aux études supérieures, augmentant le nombre d'inscription à l'université de 300 % depuis ton accession au pouvoir. En 2010, l'UNESCO a même déclaré que le Vénézuela était maintenant le 5e pays au monde pour le nombre d'étudiants universitaires. Et que dire du constat de l'Organisation des Nations Unies pour l'Agriculture sur les progrès du Vénézuela en cette matière. Que dire des missions et des micros-crédits. Que dire d'un «dictateur» qui permet que les barrios aient enfin accès à l'eau potable et à l'électricité.

Tu en auras traversé des épreuves mon ami et tu seras resté droit jusqu'au bout. Du coup d'état manqué de 2002 financé par la CIA, à la grève pétrolière l'année suivante, c'est finalement un minuscule cancer qui a eu ta peau. Je me rappellerai toujours de ton sens de l'humour désarmant, mélangé à ta paire de couille en béton, ça donnait Hugo Rafael Chavez Frias, le grand leader vénézuélien digne tributaire de Bolivar. Je me rappellerai toujours quand tu avais été à l'ONU, et que tu avais parlé du passage de Georges W. Bush en disant: «le diable était ici, ça sent encore le souffre». Je me rappellerai toujours lorsque tu as offert le livre Les veines ouvertes de l'Amérique Latine à Barack Obama.

Ta famille est en deuil, ton peuple est en deuil. Dans le monde entier, aussi au Québec, il y a des gens en deuil. Et tu sais quoi, je ne crois pas tellement au coïncidence quand j'y pense. Quand je pense que Lumumba a été assassiné, que Salvador Allende, que Malcolm X, que Martin Luther King, que Thomas Sankara ont été assassiné et que, on s'en doutait mais on aura la confirmation d'ici 5 ou 10 ans, Yasser Arafat a été assassiné lui aussi. Quand je pense que la CIA a voulu assassiné Castro avec un cigare empoisonné, un «coquillage bourré d'explosifs» ou en lui offrant un «costume de plongée dont l'intérieur fut contaminé par un champignon qui provoquait une maladie chronique de la peau et dont l'appareil respiratoire fut infecté par le bacille de la tuberculose», en 1963 (Rapport de la Commission Church sur les activités de la CIA, p.242). Nous sommes en 2013. Ils pourraient bien être capable d'inoculer le cancer, ça ne surprendrait personne. Surtout quand on sait que ton pays était l'un des premiers exportateurs de pétrole.

Je t'ai tellement défendu dans le passé qu'aujourd'hui plusieurs personnes m'ont contacté pour m'offrir leurs condoléances comme si j'avais perdu un proche. Cette fois c'est un vieil ami que j'ai perdu. Un ami que je n'ai jamais rencontré, mais un ami quand même. Tu t'es tenu debout dans un monde où plusieurs plient les genoux. Merci pour tout camarade. En passant, je ne suis pas très spirituel, mais lorsque tu arriveras en haut, va prendre une bière avec mon paternel, je suis sûr que vous aurez des discussions intéressantes.

Salut camarade. Salut mon vieil ami. Le combat continue.

Nous vivrons. Nous vaincrons.

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