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5 raisons pour lesquelles bannir l'islamophobie serait inutile

Je pense que l'adoption d'une loi visant à bannir l'islamophobie nuirait grandement aux grands débats d'idées essentiels à la démocratie.
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Plusieurs de nos élus ont débattu de la délicate question des discours haineux et de «l'islamophobie» dans la foulée de l'attentat de Québec. Non seulement le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, s'est montré extrêmement préoccupé par cet enjeu, mais la députée libérale Iqra Khalid a déposé à la Chambre des communes la motion M-103 visant à «condamner l'islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques».

Cette motion n'a aucune portée concrète sur le plan juridique, mais plusieurs s'inquiètent déjà de l'impact qu'elle pourrait éventuellement avoir. Avec raison, la plupart des observateurs qui s'y opposent tels que Fatima Houda-Pepin craignent qu'elle ait pour effet de restreindre la liberté d'expression en plus de servir les intérêts de groupes islamistes voulant rétablir le délit de blasphème dans notre société.

Je pense effectivement que l'adoption d'une loi visant à bannir l'islamophobie nuirait grandement aux grands débats d'idées essentiels à la démocratie.

Je pense effectivement que l'adoption d'une loi visant à bannir l'islamophobie nuirait grandement aux grands débats d'idées essentiels à la démocratie. Ceci dit, je pense aussi que ce genre de loi pourrait s'avérer contreproductive, voire inutile. Voici pourquoi.

1. Premièrement, la notion d'islamophobie pose grandement problème. Comme nous l'avons montré dans un ouvrage collectif publié cet automne, cette notion amalgame les concepts de race et de religion. Dans le discours populaire, puisque l'islamophobie désigne à la fois le racisme dirigé contre les Arabes et une critique légitime de l'islam ou de l'islamisme, le concept porte grandement à confusion. Pour qu'une loi soit efficace, encore faut-il que les termes qu'elle définit soient clairs et opérationnels.

2. Deuxièmement, l'interdiction de critiquer l'islam nuirait grandement aux musulmans eux-mêmes qui plaident pour une réforme ou une modernisation de leur religion. L'essayiste et consultant Hassan Jamali a évoqué cette question à maintes reprises: selon lui, l'islamophobie est une arme utilisée par les intégristes pour empêcher qu'il advienne une forme de Vatican II en islam.

3. Troisièmement, le climat d'intolérance qu'on dit vouloir éradiquer ne se limite aucunement au territoire canadien. Le gouvernement pourrait bien empêcher que des critiques trop sévères de l'islam soient émises dans les médias canadiens, mais il ne pourrait jamais empêcher que des critiques semblables soient émises dans d'autres pays et relayées ensuite au Canada, notamment par les réseaux sociaux. Pour enrayer l'islamophobie, il faudrait empêcher que les grandes chaines d'information retransmettent les discours de Donald Trump...

4. Quatrièmement, l'application d'une loi anti-blasphème pourrait contribuer à augmenter la fréquence des discours haineux, car elle renforcerait l'idée que les islamistes ont une influence directe sur la vie politique canadienne. Au lieu de détendre l'atmosphère, l'application de ce genre de loi créerait un sentiment d'injustice dans la population. Certains auraient aussi beaucoup de mal à accepter l'idée qu'une seule religion soit mise à l'abri de la critique dans un pays où sont pratiqués plusieurs dizaines d'autres cultes.

5. Cinquièmement, le fait d'encadrer juridiquement les discours sur l'islam pourrait fort bien produire l'effet contraire. Lors de l'épisode de la Charte des valeurs, plusieurs universitaires avaient affirmé que d'interdire le port du voile dans les institutions publiques encouragerait certaines femmes à commencer à le porter. Sans souscrire pleinement à cette analyse, une loi anti-blasphème pourrait avoir le même type d'effet: rendre subversive la critique de l'islam, au point d'en faire quelque chose de «cool», voire d'excitant.

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