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Abou Bakr al-Baghdadi, le calife de la terreur

Abou Bakr al-Baghdadi est bel et bien devenu l'homme le plus dangereux du monde. Comme Ben Laden avant lui, il faut accorder crédit à ses déclarations publiques, car elles seront toujours suivies d'effet.
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AFP

Abou Bakr al-Baghdadi est bel et bien devenu l'homme le plus dangereux du monde. Comme Ben Laden avant lui, il faut accorder crédit à ses déclarations publiques, car elles seront toujours suivies d'effet. Le 29 juin, il s'est proclamé «calife» d'un «État islamique» qui n'est plus rattaché à «l'Irak» et au «Levant» de son EIIL. Il ne faut voir là ni astuce de forme ni forfanterie de seigneur de la guerre. Baghdadi annonce haut et fort que son territoire d'intervention est la planète entière. Cette nouvelle devrait selon lui être «le rêve de tout musulman» et combler «le souhait de tout jihadiste».

Si notre monde n'était pas devenu aveugle et sourd aux défis les plus évidents, une telle déclaration devrait déclencher une mobilisation générale pour endiguer la menace jihadiste pendant qu'il en est encore temps. Il y a déjà un mois, je m'efforçais de tirer dans ces mêmes colonnes les leçons de l'arrestation de l'auteur présumé de la tuerie du Musée juif de Bruxelles.

Je me permets de vous les rappeler:

  1. La non-intervention en Syrie a aggravé la menace jihadiste qu'elle prétendait justement endiguer.
  2. L'EIIL (État islamique en Irak et au Levant) prépare de nouveaux attentats en Europe.
  3. Ce défi de sécurité collective ne peut être relevé à l'échelle de la France, mais bien de l'Europe, et si possible de l'ONU.

Une semaine jour pour jour après cette tribune, les partisans de Baghdadi s'emparaient de Mossoul, la plus importante ville du nord de l'Irak. Ils progressaient sans rencontrer de résistance particulière jusqu'aux portes de Bagdad, où les milices chiites levaient l'étendard de la résistance pour suppléer à l'effondrement de l'armée gouvernementale. On aurait pu penser qu'un tel basculement géopolitique aurait fait taire les querelles et les ambitions des uns et des autres. Que nenni: Nouri al-Maliki, le premier ministre irakien, directement responsable d'une telle déroute par sa politique sectaire, se tourne désormais vers la Russie pour compenser l'abstention de Washington. Quant à Bachar al-Assad, il surjoue sa partition de «rempart contre Al-Qaida», alors que les trois années écoulées de passivité internationale n'ont fait qu'alimenter l'hydre jihadiste.

Les peuples de Syrie et d'Irak ont déjà payé au prix fort l'incapacité des puissances occidentales à comprendre que l'horreur ne connaît pas de frontière. Il est infantile de croire que le réveil de tels monstres va demeurer confiné au Proche-Orient. Il ne s'agit plus de sauver les populations civiles qui peuvent encore l'être, mais bel et bien de la sécurité de la région la plus explosive du monde, donc de la sécurité de ce monde. L'Afghanistan était un cul-de-sac stratégique et il a pourtant enfanté le 11 septembre. La terre de jihad du Levant est un carrefour de toutes les dérives terroristes et elle accueille déjà des milliers de «volontaires» prêts à tout, car programmés en ce sens par une organisation totalitaire: l'État islamique d'Abou Bakr al-Baghdadi.

En 2006 déjà, le prédécesseur d'Abou Bakr, Abou Omar al-Baghdadi s'était proclamé «calife» dans une cérémonie baroque, diffusée sur Internet. «L'État islamique», ainsi que s'appelait dès lors la branche irakienne d'Al-Qaida, espérait par cette manœuvre amortir l'hostilité des tribus sunnites coalisées contre ce qu'elles percevaient comme une «occupation» jihadiste de leur terre d'Irak. Abou Omar, tombé dans une embuscade en 2010, n'avait jamais pu tirer le bénéfice de ce «califat» virtuel. Abou Bakr al-Baghdadi a médité les leçons de ce fiasco et il n'a fait mouvement qu'une fois ses arrières assurés.

À la différence de 2006, l'exclusivisme chiite de Maliki a rejeté dans l'opposition les tribus autrefois ralliées contre Al-Qaida. Abou Bakr al-Baghdadi est désormais à la tête d'une alliance certes hétérogène, mais dont les récents succès militaires prouvent la redoutable efficacité. «L'État islamique» dispose depuis la débâcle des forces de Maliki d'un arsenal sans précédent, avec armes lourdes, blindés, et même hélicoptères. Rien qu'à Mossoul, ses commandos se sont emparés de près d'un demi-milliard de dollars. À titre de comparaison, l'ensemble de la planification et de l'exécution des attentats du 11 septembre a coûté un demi-million de dollars, de l'aveu même de Ben Laden.

Le «califat» qu'Abou Bakr al-Baghdadi (littéralement «de Bagdad») prétend rétablir est celui de l'âge d'or de l'islam, le califat abbasside basé en Irak de 750 à 1258. Ce califat sunnite s'est effondré face aux invasions mongoles, avec le sac de Bagdad, une partie de la communauté chiite ayant alors imprudemment collaboré avec les envahisseurs. Rien de plus simple aujourd'hui, malheureusement, que d'agiter les spectres des «Mongols» occidentaux et des «hérétiques» de l'islam. Le niveau misérable de culture islamique des jihadistes modernes les amène à endosser la fable homicide d'une alliance universelle contre l'islam sunnite, de la part d'Israël, de l'Iran, de l'Amérique, de l'Europe et de l'ONU.

Il n'est sans doute pas trop tard pour espérer échapper à la catastrophe annoncée. Mais il importe de poser les enjeux de sécurité dans toute leur clarté. Si nous voulons préserver le pouvoir des Assad et des Maliki, soyons certains que nous aurons à la fois les jihadistes et les dictateurs, car les uns ne vont plus sans les autres. Une seule force a su jusqu'à présent s'opposer à «l'État islamique», voire en refouler les unités: il s'agit de la coalition révolutionnaire en Syrie, qui a pu, malgré un rapport de forces écrasant en sa défaveur, et des bombardements ravageurs de l'armée d'Assad, repousser «l'État islamique» hors d'Alep et d'Idlib depuis janvier 2014.

Répétons-le une fois de plus: l'heure n'est plus aux débats sur l'intervention «humanitaire» au profit de populations abandonnées aux massacreurs depuis trois longues années. Il s'agit de prévenir l'irruption sur le continent européen de la terreur que le calife auto-proclamé d'Irak va, n'en doutons pas une seconde, tenter d'y semer.

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