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Le monde selon... Gilbert Rozon, juste pour rire?

Devions-nous rire en réaction aux propos de Gilbert Rozon, président du Festival juste pour rire, dans l'émissiond'Anne-Marie Dussault sur RDI, ce mercredi 23 mai 2012?En fait, je n'ai pas ri du tout! Ce n'étaient pas des blagues! C'est avec beaucoup de sérieux que M. Gilbert Rozon s'est exprimé sur la Loi 78, sur le conflit actuel entre les étudiants et le gouvernement, sur la jeunesse québécoise, sur les interventions de la police lors des manifestations. Nous avons eu droit à une vision très personnelle de la société québécoise.
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Devions-nous rire en réaction aux propos de Gilbert Rozon, président du Festival juste pour rire, dans l'émission 24 heures en 60 minutes d'Anne-Marie Dussault sur RDI, ce mercredi 23 mai 2012?

En fait, je n'ai pas ri du tout! Ce n'étaient pas des blagues! C'est avec beaucoup de sérieux que M. Gilbert Rozon s'est exprimé sur la Loi 78, sur le conflit actuel entre les étudiants et le gouvernement, sur la jeunesse québécoise, sur les interventions de la police lors des manifestations. Nous avons eu droit à une vision très personnelle de la société québécoise.

Ainsi, M. Rozon s'est fait le porte-parole de la Loi 78, convaincu du bien-fondé de cette dernière, estimant qu'elle « doit être respectée » et qu'elle est « même arrivée un peu tard ». Imaginons, a-t-il suggéré, dans quel monde nous vivrions si les lois n'étaient pas respectées! Effectivement, j'imagine, c'est le cas, il n'y a qu'à voir l'ampleur de la corruption dans notre belle province! Mais, j'imagine tout aussi facilement dans quel monde on vivrait si de telles lois coercitives contre la liberté d'expression, contre le droit de manifester - qui sont des droits nationaux et internationaux - devaient se généraliser... Je fais partie de ces gens qui pensent que les dictatures sont faites de petites lois...

En accord avec le gouvernement qui, selon lui, fait de « vrais compromis » et ne laisse pas pourrir la situation, M. Rozon a dénoncé la radicalité de l'attitude et des propositions des étudiants et de leurs porte-parole. La Loi 78 du gouvernement, ça doit être de la guimauve... Bref! D'après lui, nous avons, d'un bord, la décision de Jean Charest d'augmenter les droits de scolarité, « une vraie décision de chef d'État », dit-il, et de l'autre, des étudiants qui n'ont pas le sens des responsabilités : « Nous avons créé une société extrêmement gâtée, on n'a plus les moyens de se la payer, on veut mettre un peu d'ordre, mais nos enfants ne connaissent que ça, ils pensent que c'est comme ça, la vie, que tout est gratuit, que tout leur est dû et que les responsabilités, ben [ils considèrent que] ce n'est pas très grave! ».

Monsieur Rozon, permettez-moi de m'adresser directement à vous, car je crains de ne plus comprendre dans quel monde je vis : quelle est cette « société extrêmement gâtée »? De qui parlez-vous? Des dizaines de milliers d'étudiants qui n'ont pas le soutien financier de leurs parents, qui s'endettent de dizaines de milliers de dollars pour l'obtention d'un baccalauréat, qui doivent payer des loyers, des factures (Hydro par exemple...) qui augmentent de manière inconsidérée? Ou des autres qui ont la chance que leurs parents puissent subvenir à leurs dépenses? Ou encore des chefs d'entreprises - dont le salaire atteint 150 fois le salaire médian de leurs employés (contre 68 fois en 1998) - ou des recteurs et rectrices qui se payent des salaires astronomiques?

Monsieur Rozon, quelle jeunesse se moque des responsabilités? Les étudiants qui respectent le vote démocratique dans leurs associations, qui risquent leur avenir, leur session scolaire, qui sont en grève depuis plus de 100 jours, qui ont fait plus de 250 manifestations, dont plus de 30 de nuit, et trop souvent sous les coups de matraque? Ou les autres qui ne se sentent aucunement responsables de leur prochain, et parce qu'ils ont assez d'argent se permettent de poursuivre en cour les étudiants grévistes pour préserver avant tout leurs intérêts privés?

Comme si ses propos contre les étudiants n'étaient pas suffisants, M. Rozon insiste un peu plus sur leur prétendue légèreté de conscience en ciblant directement un de leurs porte-parole : « On a un Gabriel Nadeau-Dubois qui a l'air de presque s'amuser dans cette histoire-là. » Pour avoir observé attentivement ce jeune homme sur les plateaux de télé et pendant les manifestations, j'avoue ne l'avoir jamais vu rigoler ou même faire une blague... Je le regrette quasiment d'ailleurs!

La version qu'a présentée M. Gilbert Rozon de l'attitude de la police dans ce conflit est encore plus surprenante. Certes, il y a des abus des deux côtés et nous pouvions nous attendre à un peu de nuance, juste un peu, mais, au lieu de cela, nous avons pu l'entendre dire ceci au sujet du préavis de huit heures imposé aux étudiants pour fournir l'itinéraire avant leur manifestation: « je trouve que la police est très délicate... » Qu'il se rassure, la police est désormais beaucoup moins délicate, car elle déclare toutes les manifestations illégales! Voici ce qu'il déclare à propos du déroulement des manifestations : « Le soir arrive et c'est une sorte de happening et comme la police intervient avec beaucoup de délicatesse, il y a de l'exagération [de la part des manifestants]. »

Une autre question, Monsieur Rozon : parliez-vous de l'intervention des policiers qui réprimandent certaines personnes qui sortent complètement saoules des terrasses en fin de soirée dans le Quartier des spectacles lors du Festival juste pour rire? Ou parliez-vous des arrestations de masse de la population en colère, dont Amnistie internationale, tout autant que les médias sociaux, dénonce la violence avec tant de preuves à l'appui?

Enfin, lorsque la journaliste relève que les étudiants se sentent stigmatisés et méprisés dans les médias ou par le gouvernement, qu'ils disent n'être ni des « casseurs », ni des « terroristes », ni des « extrémistes », etc., Monsieur Rozon, vous répondez : « je n'ai jamais entendu ça! »

Monsieur Rozon, sincèrement, habitez-vous un autre monde ou êtes-vous payé pour dire cela? Est-ce humainement possible d'être à ce point en symbiose avec le discours de droite, en l'occurrence celui du Parti libéral, qui est en campagne pour diaboliser une partie de sa population qui n'en peut plus de la hausse de coût de ses services publics alors que d'autres s'enrichissent de façon éhontée?

Certes, comme l'a fait remarquer avec justesse la journaliste lors de l'émission, bon nombre de vos amis font partie du gouvernement qui subventionne à gros montants d'argent votre festival. Nous connaissons aussi vos liens privilégiés avec André Desmarais, propriétaire de La Presse, qui vous a accordé un prêt de 500 000 $ sans intérêts sur cinq ans en vous vendant une de ses propriétés. Dans les médias, une autre information indique que le président de la Fraternité des policiers, Yves Francoeur, cherche à élargir son mandat et aspire à remplacer le maire Tremblay avec vous comme colistier.

Ainsi, nous comprenons mieux d'où viennent vos opinions dès lors que l'on vous sait au cœur des pouvoirs politiques, médiatiques et financiers de droite. Nous ne savons que trop que votre monde existe, mais, s'il vous plaît, ne venez pas nous dire que le nôtre n'existe pas! Reste à savoir ce que vous pensez des artistes qui s'impliquent auprès des étudiants en grève et si les artistes que vous employez partagent votre vision du monde... Est-ce que ceux qui ne la partagent pas seront également exclus de votre monde parce que cela fait VOTRE affaire ?...

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