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Donner des contraventions à des personnes itinérantes ne sert à rien

On donne des contraventions de 77$, 100$, en rafale, à des personnes pauvres. Personne ne semble se préoccuper de cette démesure, dans un contexte où les personnes itinérantes n'ont pas d'argent. Quelle aberration sociale!
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Je suis une proche d'une personne itinérante, qui a passé 20 ans à la rue, puis a été en rétablissement pendant 18 mois, et qui, actuellement, est dans un processus de retour à la rue. Les personnes itinérantes qui ont un problème de consommation vivent d'immenses souffrances. C'est à elle-même plus que personne d'autre que cette personne itinérante fait mal : effets délétères sur sa santé psychologique et physique à tous les niveaux. Est-ce que ce proche fait les bons choix? Non, mais en même temps, la société non plus : niveaux de revenus d'aide sociale insuffisants à l'extrême qui créent une multiplicité de problèmes, gestion de l'itinérance par la prison (toutes les études disent que la prison produit de l'itinérance), logements inabordables, longue liste d'attente pour Dollard-Cormier, etc.

Dans une table sur la sécurité publique en itinérance sur laquelle j'ai siégé (à Ahuntsic) et qui regroupait députés provinciaux, fédéraux, conseillers municipaux, police de quartier, paroisse et pastorale sociale, organismes communautaires et CLSC, les policiers étaient les premiers à dire qu'on devrait offrir autre chose aux personnes itinérantes qu'une gestion policière. Pourtant, avec les contraventions, on leur donne ce rôle : un bloc-notes de papier pour gérer les incivilités!

Depuis son retour à la rue, ce proche cumule les contraventions : flânant gisant ivre (77$), avoir crié (149$), s'être assis par terre (il semble que ça existe comme motif de contravention!), etc. Juste pour les quatre derniers mois, il en a plus d'une dizaine. Ce proche avait cumulé au fil des années 38 000$ de contraventions (s'il avait dû rembourser avec des travaux compensatoires, il en aurait eu pour 1000 heures). Pourquoi pas 200 000$ tant qu'à faire? Personne ne semble se préoccuper de cette démesure, dans un contexte où les personnes itinérantes n'ont pas d'argent. On donne des contraventions de 77$, 100$, en rafale, à des personnes pauvres. Quelle aberration sociale!

Deuxième chose, c'est l'inutilité complète de ces contraventions. Qu'est-ce que ça change? RIEN. Donner des contraventions à des personnes itinérantes ne donne rien. Pire, elles enfoncent davantage les personnes itinérantes qui se sentent souvent impuissantes à s'en sortir. Parce qu'accumuler de telles dettes les plonge dans l'insécurité: il y a un moratoire pour l'incarcération des personnes à Montréal à défaut de non-paiement de contraventions, mais pas dans les autres villes, mais elles ne savent pas toujours ce qu'il en est ou ce qui pourrait arriver. Deuxièmement, de telles sommes représentent pour elles une montagne insurmontable. Si l'objectif de la SPVM et de la STM est d'aider les personnes itinérantes, alors vraiment, là, ils sont en contradiction avec leur discours. Qu'on soit clair ici : donner des contraventions à des personnes parce qu'elles vivent dans la rue, c'est de la répression.

Comme proche qui s'est beaucoup impliquée dans le rétablissement d'une personne itinérante, ces contraventions sont une insulte. Si le maire Coderre, le chef de police de la SPVM avait un frère, une conjointe, un père, un proche itinérant, il agirait certainement autrement. D'ailleurs, certains policiers pour qui j'ai beaucoup de respect ne lui donnent pas de contravention. Celles-ci sont porteuses d'ignorance crasse par rapport à la souffrance de l'itinérance. Elles véhiculent certainement des préjugés sur la dangerosité. Alors quand une fonctionnaire du dossier d'itinérance de la Ville de Montréal me dit que ce sont de vraies infractions (pour lesquels on donne des contraventions), je me dis qu'on n'a encore rien compris.

Enfin, je voudrais saluer le travail exceptionnel de la Clinique Droits Devant qui réellement respecte les personnes (et ne contrôle pas) à toutes les étapes, et permet de vivre le processus comme une réussite pour les personnes itinérantes qui se reprennent en main (une seule fois dans leur vie). Ceci dit, cette Clinique démontre aussi l'absurdité des contraventions aux personnes itinérantes et à terme, il serait important d'aller à la source : l'abolition de telles contraventions pour les personnes itinérantes.

Un message spécial aux commandants des postes de police de quartier et à tous les policiers du SPVM et agents de la STM: ARRÊTEZ DE DONNER DES CONTRAVENTIONS! Comme proche, on a aussi besoin de savoir que cette personne qu'on aime - qui est très vulnérable, par ailleurs, est respectée, même si on sait que sa consommation dérange.

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