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La débâcle Marc Nadon: quelle surprise?

Lorsque la Cour suprême a déclaré le juge Marc Nadon inéligible à l'un de ses sièges pour le Québec, le gouvernement Harper aurait dû mettre en œuvre un plan pour combler le siège vacant depuis août dernier. Malheureusement, les déclarations du premier ministre et du ministre de la Justice suite du rejet de leur candidat sont à la fois confuses et contradictoires.
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Lorsque la Cour suprême a déclaré le juge Marc Nadon inéligible à l'un de ses sièges pour le Québec, le gouvernement Harper aurait dû mettre en œuvre un plan pour combler le siège vacant depuis août dernier afin d'assurer la représentation nécessaire du Québec à la plus haute instance du système judiciaire canadien. Malheureusement, les déclarations du premier ministre et du ministre de la Justice suite du rejet de leur candidat sont à la fois confuses et contradictoires.

Premièrement, le gouvernement se dit «vraiment surpris par la décision», suggérant que ce résultat n'était pas prévisible. Pourtant, en demandant des avis juridiques sur la question - et en modifiant rétroactivement la Loi sur la Cour suprême pour permettre la candidature de Nadon - le gouvernement fait lui-même l'aveu que la question n'était pas claire. De toute évidence, la possibilité de l'inéligibilité de Marc Nadon était présente à l'esprit du gouvernement pendant le processus. Le gouvernement a néanmoins a pris le risque d'aller de l'avant avec son plan, et n'a en conséquence que lui-même à blâmer.

Or, la controverse se poursuit avec la déclaration cette semaine du premier ministre lui-même : « Évidemment, c'est une grande surprise de découvrir qu'il y a une règle tout à fait différente pour le Québec que pour le reste du Canada ». Il m'apparaît difficile de parler de « grande surprise » alors que la Loi sur la Cour suprême contient depuis 1875 une disposition unique et spécifique aux juges québécois, articulée à la section 6, intitulée «Représentation du Québec». C'est aussi par le biais d'un communiqué de presse du premier ministre annonçant la nomination du juge Nadon qu'on a appris que des avis juridiques quant à son éligibilité avaient été sollicités.

Le ministre de la Justice a pour sa part fait écho à Stephen Harper en faisant état de sa « grande surprise » tout en ayant pourtant déclaré auparavant que « aucun juge provenant du Québec n'est passé directement de la Cour fédérale à la Cour suprême du Canada ».

Lors d'une période de questions en Chambre cette semaine, le premier ministre a déclaré que « pendant les consultations, tous les partis de la Chambre étaient d'accord avec l'idée qu'on pouvait nommer un Québécois de la Cour fédérale à la Cour suprême ». Un fait doit ici être souligné : s'il faisait référence aux travaux du comité de sélection, il faut noter que ces travaux sont confidentiels : ni le premier ministre ni moi n'y ayant participé, comment aurions-nous pu savoir ce qui s'y est passé ? L'apparence d'une violation de cette confidentialité risque de politiser le processus et l'entacher, et on devrait pouvoir s'attendre à mieux du premier ministre et du ministre de la Justice.

Si la déclaration du premier ministre fait plutôt référence à l'audience ad hoc où le juge Nadon a répondu aux questions de parlementaires - du nombre duquel j'étais - il n'est pas question de parler d'unanimité : il n'y a pas eu de vote - et il ne devait pas y en avoir. Si on veut suggérer de quelque manière que ceux et celles qui avaient des réticences ou des réserves devaient les émettre lors de cette audience (alors que la candidature avait déjà été annoncée par le ministre de la Justice), la politisation qui découlerait de tel cas ne ferait que ternir l'excellente réputation de la Cour suprême, ce contre quoi le ministre de la Justice a lui-même mis les membres en garde au début de l'audience

Les propos les plus confus et contradictoires sont peut-être la déclaration que « le gouvernement va respecter la lettre et l'esprit de cette décision » alors que le gouvernement refuse de dénier la possibilité de renommer le juge Nadon. Il demeure possible que le gouvernement le nomme à la Cour supérieure du Québec, par exemple, pour ensuite le porter candidat à la Cour suprême du Canada.

Il est en outre difficile de concilier le respect de « la lettre et l'esprit de cette décision » avec les déclarations ultérieures du ministre de la Justice voulant que la décision crée « un double standard » et que sa publication au cours d'une élection au Québec est critiquable. Les états d'âme du gouvernement quant à la décision ou le moment où elle a été rendue sont stériles : la loi, c'est la loi, et le gouvernement doit respecter les travaux et décisions de la Cour, plutôt que de s'engager dans le type de politisation qu'il dénonce pourtant si facilement chez l'opposition.

En ce qui me concerne, la seule surprise est que, deux semaines après la décision de la Cour, le gouvernement n'a toujours pas annoncé ce que sera la procédure pour qu'un nouveau juge soit nommé - et puisse siège - avant le 14 avril, date du début de la session de printemps de la Cour. S'il ne le fait pas, les Québécois auront été sous-représentés à la Cour suprême pendant une année entière, jusqu'à la session d'automne, qui débute en octobre.

Heureusement, il existe des Québécoises et Québécois hautement qualifiés - et éligibles - pour occuper le siège et servir le plus haut tribunal du Canada - et le pays entier - avec grande distinction.

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Avril 2018

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