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Faut-il abolir les partis politiques municipaux?

Avec tous les scandales de corruption touchant de près ou de loin la politique municipale, il m'apparaît tout à fait légitime de s'interroger sur la manière de fonctionner de nos administrations urbaines. Au Canada, le Québec et la Colombie-Britannique sont les seules provinces à avoir des partis politiques au niveau municipal. Mais ces partis sont-ils encore pertinents à l'échelle d'une ville?
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Avec tous les scandales de corruption touchant de près ou de loin la politique municipale, il m'apparaît tout à fait légitime de s'interroger sur la manière de fonctionner de nos administrations urbaines. Au Canada, le Québec et la Colombie-Britannique sont les seules provinces à avoir des partis politiques au niveau municipal. À Montréal, plusieurs voix se sont élevées ces derniers jours pour remettre en question la pertinence des partis politiques. Lors de la confirmation de sa candidature à la mairie de Montréal, Denis Coderre a affirmé que les partis politiques «ont fait leur temps au niveau municipal». Pour sa part, Mélanie Joly a soutenu ne «pas croire en la partisanerie», en rajoutant que le système partisan ne sert pas les intérêts des Montréalais. Le 9 mai, Union Montréal annonce sa dissolution, après avoir été éclaboussée par de nombreux scandales de corruption. Bref, les partis politiques sont-ils encore pertinents au niveau municipal?

Les partis politiques au fédéral, provincial et municipal

Dans un sens large, un parti politique peut être défini comme une organisation politique qui rassemble des membres autour d'un programme de politiques publiques, mène des campagnes de financement pour financer les campagnes électorales, sélectionne des candidats pour les élections et centre son organisation autour d'un chef de parti. Cela dit, les partis politiques voient leurs caractéristiques varier selon le palier gouvernemental.

Au Canada, le système des partis politiques est structuré par plusieurs clivages socioéconomiques et identitaires au niveau fédéral. En effet, le NPD, le Parti libéral et le Parti conservateur se distinguent principalement sur le plan des orientations économiques, sur un axe gauche-droite. Le Bloc québécois se démarque quant à lui par son orientation souverainiste et son militantisme en faveur de la séparation du Québec du reste du Canada. Par conséquent, différents groupes de la population canadienne s'identifient à différentes visions du Canada, incarnées dans le multipartisme.

Au niveau provincial, je pense que la partisanerie a également sa place. Au Québec, la question identitaire constitue un clivage important, incarné par le bipartisme PLQ-PQ. Dans les autres provinces canadiennes, on assiste également au moins à un certain bipartisme, avec un parti privilégiant davantage d'intervention de l'État que l'autre.

Mais qu'en est-il au municipal? Existe-t-il des clivages urbains suffisamment importants pour justifier la pertinence d'un multipartisme comme celui que l'on connaît à Montréal? Pour Peter Trent, le maire de Westmount, la réponse est non. Dans une entrevue accordée à Radio-Canada le 20 novembre 2012, Peter Trent compare le fonctionnement de la politique municipale à celui d'une entreprise de services au sein de laquelle la partisanerie n'a pas sa place. L'administration municipale serait en quelque sorte une grande entreprise de productions de services essentiels aux citoyens de la ville (déneigement, entretien des rues, cueillette des ordures, etc.).

Or, le maire de Westmount souligne que les partis politiques au municipal nuisent aux citoyens. En tant que membres d'un parti politique, les élus municipaux cherchent avant tout à prêter allégeance et à demeurer fidèles à leurs partis politiques plutôt qu'à la ville. Qui plus est, la présence de partis politiques crée une demande financement, ce qui favorise les retours d'ascenseur, le financement occulte et la corruption. Sans les partis politiques, Peter Trent pense que chaque élu municipal serait entièrement indépendant, ce qui favoriserait une meilleure administration municipale, étant donné que chaque élu se préoccuperait avant tout de ses concitoyens.

Les partis politiques comme véhicules d'une vision globale de la ville

D'autres analystes ne partagent pas le scepticisme de Peter Trent. Pour Serge Belley, Gérard Divay et Marie-Claude Prémont, professeurs titulaires à l'École Nationale d'Administration publique, les partis politiques ont encore leur raison d'être au municipal. Selon eux, les partis politiques municipaux «ont permis de développer des programmes d'idées sur le plan local qui favorisent l'expression démocratique de différents points de vue sur les orientations politiques et administratives de la ville». Ils rajoutent aussi que les partis politiques sont des lieux d'agrégation des intérêts des citoyens, et qu'ils fournissent des engagements électoraux pour l'ensemble de la ville .

D'un autre côté, Belley, Divay et Prémont soulignent que l'absence de partis politiques présente ses inconvénients. Leur principale critique tient au fait qu'une fois élus, les candidats indépendants travaillent avant tout à satisfaire les demandes et les intérêts des électeurs de leurs comtés respectifs, sans nécessairement ressentir le besoin de mettre de l'avant une vision globale de la ville.

J'ajouterais ici que, en l'absence de partis politiques de jure, les municipalités tendent à avoir au moins un parti politique de facto. Pour fonctionner, toute municipalité a besoin d'une vision politique globale. En effet, les élus, même indépendants, ne peuvent se contenter d'améliorer l'état des rues de leurs circonscriptions seulement et sans prendre en considération l'état global des rues de leur ville. C'est pourquoi, même en l'absence de partis politiques, une coalition d'élus municipaux se forme dans le but de travailler sur les orientations globales de la ville. Or, sans la présence de partis politiques, les grandes orientations de la ville tendent à être concentrées davantage entre les mains du maire, qui finit par incarner en quelque sorte le «parti d'une personne». Le maire monte alors autour de lui une équipe de travail composée d'élus lui étant fidèles, équipe de travail qui finit par incarner un parti politique de facto.

La clé réside dans les façons de faire

La présence et l'absence de partis politiques au niveau municipal présentent toutes les deux leurs avantages et leurs inconvénients. Qui plus est, je ne pense pas, contrairement au maire de Westmount, que l'abolition des partis politiques mettrait un frein aux retours d'ascenseur. Mon point est que, bien plus que la structure administrative, c'est avant tout la manière de fonctionner qui détermine l'efficacité de l'administration municipale. Si nous, citoyens et élus, faisons des efforts pour augmenter la transparence, réduire le financement occulte et la corruption, et accroître l'imputabilité de nos élus municipaux, la présence ou l'absence de partis politiques, en soi, exerce peu d'influence sur l'efficacité administrative. Ce n'est pas tant à la structure politique municipale que l'on doit s'attaquer, mais plutôt à la culture de la gouvernance.

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