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Les juifs ultra-orthodoxes et le nouveau défi d'Israël

Pendant des décennies, les enjeux de sécurité d'Israël se sont résumés à la défense territoriale, à la lutte contre le terrorisme, et à la question des territoires occupés. Mais voilà qu'aujourd'hui, une population juive ultra-orthodoxe, longtemps perçue comme marginale et minoritaire, prend de plus en plus d'importance au plan démographique.
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Le 7 juillet 2013, le gouvernement israélien votait une loi mettant fin à l'exemption au service militaire obligatoire dont bénéficient les juifs ultra-orthodoxes depuis 1948. Même s'ils constituent encore une minorité en Israël (10% de la population), les haredis représentent une force politique et une population de plus en plus importantes, à un point tel qu'il en est devenu un fardeau pour l'armée israélienne que d'exempter annuellement près de 10 000 juifs haredis du service militaire obligatoire. En effet, la loi mettant fin à ce privilège s'inscrit dans un souci d'égalité du partage du fardeau militaire, selon le premier ministre Benjamin Netanyahu. L'objectif de la loi est d'intégrer les ultra-orthodoxes au service militaire, ainsi que sur le marché du travail.

Or, cette loi rencontre une vive opposition au sein de la communauté haredim. En mai dernier, entre 15 000 et 30 000 haredis ont manifesté devant le bureau de recrutement de l'armée israélienne pour protester contre la réforme du service militaire. Après la promulgation de la loi, des représentants de la communauté haredim ne se sont pas retenus pour exprimer leur colère, accusant le gouvernement d'Israël de «vouloir détruire la Torah» et affirmant préférer «aller en prison plutôt que de capituler devant la loi».

Les ultra-orthodoxes contre le sionisme

Ayant vu le jour en Europe centrale vers la fin du 19e siècle, le sionisme est un mouvement nationaliste et un projet de modernisation qui vise à convertir l'identité transnationale juive religieuse en une identité nationale, et à déplacer les juifs de leurs pays d'origine vers la Palestine pour y établir un contrôle économique et politique.

Dès les premiers balbutiements intellectuels du sionisme, l'opposition juive au sionisme se fait sentir dans plusieurs cercles intellectuels juifs, tout comme chez les membres de plusieurs communautés. Les sources de l'opposition du judaïsme au sionisme sont nombreuses et complexes. On peut cependant noter que les opposants au sionisme nient l'existence d'une nation juive, et soutiennent que les juifs doivent s'intégrer aux nations dont ils sont citoyens. Cette opposition à la création d'un État juif prend ses racines dans le Talmud de Babylone qui contient trois serments prêtés lors de l'Exode : «ne pas acquérir une autonomie nationale, ne pas rentrer en masse et d'une façon organisée dans la Terre d'Israël même avec la permission des nations, ne pas se rebeller contre les nations». Par conséquent, le sionisme est considéré par plusieurs juifs, dont les ultra-orthodoxes, comme une révolte contre la Torah.

Lors de la fondation de l'État d'Israël en 1948, Ben Gourion conclut un accord avec les haredis, les exemptant du service militaire obligatoire. Par cet accord, Ben Gourion «achète la paix» et évite de provoquer des révoltes chez les juifs ultra-orthodoxes, qui voient la proclamation de l'État d'Israël comme une révolution du judaïsme. 65 ans plus tard, Netanyahu vient d'ouvrir une boîte de pandore.

Sionistes, non-sioniste et antisionistes

Malgré leur opposition au sionisme, plusieurs juifs ultra-orthodoxes ont fini par accepter l'existence d'Israël a posteriori, en tant qu'un État comme les autres, qui offre des services sociaux et qui collecte des impôts. Cependant, certains groupes de juifs antisionistes, dont le Neturei Karta, militent activement pour le démantèlement pacifique de l'État d'Israël, affirmant que cet État cause un préjudice au judaïsme dans son ensemble.

Une grande partie des haredis et des opposants au sionisme se qualifient plutôt de «non-sionistes», dans la mesure où leur rejet des idées sionistes ne les empêche pas d'accepter l'État d'Israël, en tant que structure politique temporaire. À ce titre, ils ont plutôt recours, dans la mesure du possible, à des institutions indépendantes de l'État, telles que les arbitres rabbiniques communautaires au lieu du système juridique israélien. Cependant, la loi mettant fin à l'exemption au service militaire obligatoire pour les juifs ultra-orthodoxes représente un coup dur pour une grande partie de cette communauté, la participation au service militaire étant une activité formelle de soutien au projet sioniste.

Le nouveau défi d'Israël

Pendant des décennies, les enjeux de sécurité d'Israël se sont résumés à la défense territoriale, à la lutte contre le terrorisme, et à la question des territoires occupés. Mais voilà qu'aujourd'hui, une population juive ultra-orthodoxe, longtemps perçue comme marginale et minoritaire, prend de plus en plus d'importance au plan démographique. La communauté haredim, dont une grande partie des membres profitent des services de redistribution sociale d'Israël sans contribuer à l'économie de l'État, devient un bourbier social de plus en plus important pour ce pays. Pour plusieurs commentateurs politiques, dont Nehemia Shtrasler, la rupture grandissante entre les communautés juives ultra-orthodoxes et laïques représente aujourd'hui l'un des plus grands défis à la stabilité politique d'Israël.

Une étude publiée en mai 2012 par des chercheurs de l'Université de Haifa souligne le fait les ultra-orthodoxes affichent le plus haut taux de reproduction de la population juive, et on prévoit que d'ici 2030, les ultra-orthodoxes représenteront 15% de la population d'Israël. La loi mettant fin à l'exemption au service militaire obligatoire s'inscrit dans l'esprit d'intégrer cette communauté ultra-orthodoxe au reste de la société. Cependant, les dirigeants israéliens ne peuvent plus aujourd'hui fermer les yeux sur l'opposition d'une grande partie de cette communauté au projet sioniste, opposition qui incarne un nouveau défi pour l'État d'Israël et qui touche à ses origines intellectuelles d'existence.

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