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Trentième anniversaire de la charte: la prophétie britannique

Par une chaude journée d'avril, il y a trente ans jour pour jour, la loi constitutionnelle de 1982 était officiellement proclamée au cours d'une cérémonie grandiose sur la colline parlementaire. La charte des droits était née, malgré l'absence de René Lévesque...et en dépit d'un orage mêlé de grêle venu frapper au beau milieu des célébrations. Mais il y avait aussi un autre absent, Margaret Thatcher, qui avait décliné l'invitation de Pierre Trudeau.
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Par une chaude journée d'avril, il y a trente ans jour pour jour, la loi constitutionnelle de 1982 était officiellement proclamée au cours d'une cérémonie grandiose sur la colline parlementaire. La charte des droits était née, malgré l'absence de René Lévesque...et en dépit d'un orage mêlé de grêle venu frapper au beau milieu des célébrations.

Mais il y avait aussi un autre absent, Margaret Thatcher, qui avait décliné l'invitation de Pierre Trudeau. Elle avait pourtant appuyé son initiative de rapatriement de bout en bout, malgré une forte opposition provinciale et en dépit de la réticence de plusieurs parlementaires à Westminster. Mais la charte était pour elle un embarras. Les festivités célébrant son entrée en vigueur ne l'intéressaient pas. La guerre des Falkland lui a fourni l'excuse parfaite pour éviter le voyage.

Sa réaction reflétait le malaise qui existait au sein de la classe politique à Westminster. Si les parlementaires voulaient tous que le Canada devienne un pays complètement indépendant, ils étaient troublés de devoir voter un projet de loi portant atteinte à la souveraineté du parlement. Leurs doutes constituaient autant d'avertissements pour notre pays, à la veille de son entrée dans l'ère de la charte.

L'argument le plus fort en faveur de l'implantation de celle-ci consistait à dire que les Canadiens allaient enfin obtenir leurs libertés. Comment? Grâce à l'intervention des juges qui, en interprétant la charte, allaient pouvoir invalider les lois votées par les élus du peuple au nom du respect des droits.

Thatcher pensait que cette approche était mauvaise. Au cours de l'un de ses premiers discours comme première ministre, elle avait expliqué sa détermination «à revenir à l'un des principes fondamentaux de notre vie politique...la primauté du parlement dans la défense des droits fondamentaux ». Cela voulait dire deux choses. D'abord les droits ne sont pas absolus. En l'absence d'incendie un homme ne peut crier au feu dans un cinéma et invoquer ensuite sa liberté d'expression pour se justifier. Il y a toujours une limite aux droits et la Dame de Fer pensait que les élus étaient mieux placés que les juges pour tracer la ligne. Elle croyait aussi que les parlementaires étaient meilleurs à définir et protéger les droits, grâce au débat politique, à coup d'argument et de contre-argument. Il revenait ensuite au peuple lors des élections de décider quel parti était le meilleur défenseur de ses droits.

Tel était le système qui existait au Canada avant 1982. Il fonctionnait bien, mais n'était pas parfait. Le sort réservé à la minorité japonaise durant la 2e Guerre mondiale constitue un exemple d'un dérapage dramatique. Mais les choses ne sont pas différentes aujourd'hui. Il y a quelques années, en pleine guerre au terrorisme, les juges armés de la charte n'ont pu empêcher la déportation de Maher Arar en Syrie afin qu'il soit torturé. Ils n'ont pas été davantage capables de le ramener au pays. Mais quand sa situation a provoqué une tempête au parlement suivie d'une indignation dans l'opinion publique, Ottawa a soudainement réussi à le ramener au pays, s'est excusé et lui a versé 10 millions de dollars.

Margaret Thatcher a donc bien anticipé que la charte ne protégerait pas mieux les droits. D'autres étaient aussi sceptiques, notamment John Ford, l'ambassadeur britannique à Ottawa. Le diplomate, dont le frère et la sœur avaient émigré au Canada, était préoccupé. Au moment de quitter le pays en 1981, il envoyait un avertissement à Londres quant aux dangers de la charte. « Si elle était adoptée, la constitution de M. Trudeau semble destinée à créer des procédures judiciaires sans fin et porteuses de division ». Selon Ford, le Canada était « le pays le plus sur-gouverné du monde », ce qui créait une distance entre le gouvernement fédéral et les Canadiens ordinaires. Cette approche faisait l'affaire des bureaucrates, « qui ont intérêt à ce que le pouvoir fédéral s'accroisse». Elle interpellait aussi « l'esprit des académiciens, des médias et, particulièrement, des anglo-francophones de Montréal qui se voit comme la véritable élite », mais tout cela au détriment des citoyens. Selon Ford, « la réalisation du rêve de Trudeau pourrait entraîner la mise en place d'une standardisation forcée et arbitraire qui va aliéner encore plus la population. Déjà le multiculturalisme plutôt que le biculturalisme est devenu le concept à la mode au sein du gouvernement ».

Le message de Ford a été très bien reçu à Londres et trente ans plus tard les événements ont confirmé leur acuité. Alimenté par des groupes de pression souvent financés à même les fonds publics, les tribunaux se sont lancés dans une vaste entreprise de réingénierie sociale. Grâce au multiculturalisme et à la discrimination positive, nos traditions sont éradiquées et des privilèges sont octroyés à des lobbies politiquement corrects au détriment de l'égalité de tous devant la loi. Par exemple le fait de porter un couteau à l'école est devenu un droit humain. Même chose pour le turban, puisque les policiers jouissent de la liberté fondamentale de le porter durant leur travail, faisant ainsi du prosélytisme religieux alors qu'ils sont en service, une violation flagrante du principe de la séparation de l'État et de l'Église.

Ces décisions autoritaires prises par l'élite judiciaire libérale du pays a créé un profond ressentiment parmi les Canadiens ordinaires. Ceux-ci croient toujours qu'il revient aux immigrants de s'adapter à la culture et aux traditions des gens de leur nouveau pays plutôt que l'inverse. Ils comprennent aussi intuitivement qu'une communauté a besoin de valeurs communes pour exister et que les règles doivent être les mêmes pour tous. Dans un pays où existaient déjà de fortes tensions régionales, la charte devait nous donner un nouveau sens d'appartenance. Elle a plutôt ajouté aux divisions qui existaient déjà en transformant le pays en un assemblage intéressé de groupes de pression. Ceux-ci utilisent la constitution pour transformer leurs objectifs politiques en droit et faire des gains aux dépens de l'ensemble. Ce résultat est diamétralement opposé à l'objectif visé. La prophétie britannique est devenue réalité.

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