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Des chats en ligne

Au début de l'Internet, avant même l'existence des, les chats étaient déjà un sujet récurrent: certains lecteurs se rappelleront du temps où les réseaux sociaux n'existaient pas et que des listes d'envoi du début du XXIe siècle nous invitaient à protester contre la pratique des "chatons bonsaï", une soi-disant coutume japonaise qui consisterait à mettre en flacon des petits chats pour les maintenir comme objets décoratifs à la maison.
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Le 31 janvier 2013, un jeune Marseillais était arrêté pour avoir jeté violemment un chat contre un mur et posté ensuite une vidéo de son geste sur Internet. En moins d'une semaine, la mobilisation d'internautes avait battu son plein et obtenu le retrait du film et de la page Facebook qui le présentait, avant que l'enquête de la police n'aboutisse. De quoi confirmer la croyance collective provenant des profondeurs du World Wide Web affirmant que "l'Internet est fait de chats" et que l'on pourrait cartographier l'extension du réseau en unissant toutes les vidéos de chats apparues sur YouTube.

Et de fait, aujourd'hui, le web est composé d'une importante population féline qui ne cesse de croître avec les clics de millions de personnes autour du monde. Ils partagent, reproduisent, éditent et transforment les vidéos, les photos, les GIF animés, et les centaines de milliers de "mèmes" rassemblés en des blogues thématiques et sur les réseaux sociaux ayant les chats comme protagonistes principaux. Cette prolifération a largement contribué à l'expansion du réseau.

Les LOLCats, des chats très mignons, mais avec un très mauvais niveau d'orthographe, se trouvent parmi les mèmes les plus populaires réussissant à attirer le plus d'internautes. Néanmoins, au début de l'Internet, avant même l'existence des LOLCats, les chats étaient déjà un sujet récurrent: certains lecteurs se rappelleront du temps où les réseaux sociaux n'existaient pas et que des mailing lists du début du XXIe siècle nous invitaient à protester contre la pratique des "chatons bonsaï", une soi-disant coutume japonaise qui consisterait à mettre en flacon des petits chats pour les maintenir comme objets décoratifs à la maison. À ces félins, s'ajoutent d'autres animaux devenus mondialement célèbres: des rockstars (Keyboard cat), un chat animé volant (Nyan Cat), un chat obsédé par les caisses en carton (Maru) et tant d'autres exemples de chats acrobates ou tout simplement mignons.

Ainsi, les chats ont été les mascottes préférées des internautes depuis les débuts même de l'expansion de cette technologie de la communication qu'est le Net. Cependant, ce penchant pour les félins n'est pas une coïncidence: les chats ont toujours été une espèce que l'humanité a détestée et adorée tout au long de son histoire, des anciens Égyptiens jusqu'à leur adoption comme l'animal domestique préféré dans les grandes villes où l'espace d'habitation est réduit. Aussi, la fascination humaine pour la reproduction de belles images peut-elle remonter aux commencements de la photographie, où nous pouvons retrouver dans les registres des photographies sympathiques de chats domestiques.

La culture Internet, construite par des communautés dispersées, horizontales et transfrontalières, est directement liée à notre nécessité de partager et de tout communiquer, (même, ou spécialement, les choses insignifiantes), à notre tendance hyper moderne d'hyperconsommation des informations, de photographies et de vidéos, et surtout, à l'amour que nous cultivons collectivement pour les chats.

Depuis quelques années, nous avons été témoins d'un nouveau phénomène viral de cette culture Internet: la matérialisation des personnages les plus aimés du web qui apparaissent en dehors des écrans de nos ordinateurs, comme à la télévision ou dans les magazines, par exemple. Ils passent du monde virtuel au monde réel.

Certains des protagonistes des mèmes les plus viraux ont été contraints d'accepter leur célébrité spontanée et involontaire, ou au contraire, de la repousser catégoriquement. D'autres, comme les maîtres du Grumpy Cat, se sont simplement servis de l'inespérée célébrité de cette chatte grognonne pour créer un grand empire commercial, qui, bien qu'il puisse sembler éphémère, leur a déjà généré des revenus importants.

Tardar Sauce est le vrai nom du Grumpy Cat, une chatte qui vit dans l'Arizona, aux États-Unis, et qui souffre d'un mal congénital qui donne l'impression qu'elle est tout le temps irritée. Le frère de Tabatha Bundesen, sa propriétaire, a mis en ligne en 2012 une photo de Tardar Sauce sur reddit.com.

Résultat: Grumpy Cat a été le mème le plus utilisé de 2012 et du début 2013. Elle est aimée puisqu'elle représente l'épitomé félin de l'être arrogant qui ressent du mépris pour tout les autres êtres vivants (ou pour n'importe quelle autre chose). Les mèmes du Grumpy Cat la montrent généralement répondant avec un "non" sec aux suggestions gentilles et inoffensives.

Le phénomène Grumpy Cat a traversé les murs virtuels d'Internet pour s'insérer dans le monde réel. Tardar Sauce a été invitée à poser pour la revue américaine Time , elle a aussi été "interviewée" dans des programmes magazines comme Good Morning America et The Today Show, ainsi que dans des programmes d'actualité internationaux comme en Australie, où elle a même provoqué le fou rire d'un journaliste.

Grumpy Cat est un produit fort prospère. Les propriétaires de Tardar Sauce ont participé à sa création et ils ont intelligemment réussi à le capitaliser. Aujourd'hui, Tabatha et son frère Bryan ont construit une industrie non si petite de marchandisation de l'image du Grumpy Cat qui inclut une vaste ligne de produits élaborés par des commanditaires et des marques établies fabriquant des t-shirts, aimants, tasses à café, calendriers et même du cappuccino glacé et des apps pour téléphones intelligents. Les Bundesen ont su profiter de la médiatisation donnée par l'oisiveté de millions de personnes qui surfent le web pour exploiter la popularité de leur mascotte, qui reçoit aujourd'hui l'attention de médias sérieux comme la revue Time Magazine mais aussi des offres d'exploitation d'image de marque (Tardar Sauce est l'image de la marque de nourriture pour chats Friskies)

Le phénomène initialement virtuel traverse les frontières informatiques et revient sur le modèle traditionnel de la célébrité télévisée éphémère d'il y a quelques décennies, voire de la star d'un seul film, puisqu'un long métrage mettant en scène le chat est lancé. Ainsi, les masses qui n'utilisent pas internet dans une optique de divertissement et d'humour, elles sont aussi exposées à ses personnages célèbres. Cela fait partie d'un phénomène complexe où c'est désormais Internet qui alimente en majorité les autres médias, et non l'inverse comme cela a pu être le cas. Ainsi, certains médias papiers ou digitaux écrivent des articles sur "ce dont on parle sur Twitter", et l'on voit les listes de popularité musicale se baser sur les clics des vidéos YouTube.

La commercialisation du Grumpy Cat illustre parfaitement comment la culture internet s'est progressivement imposée dans notre quotidien, en touchant une large partie de la population et non plus seulement des geeks ou des utilisateurs trop intensifs. Elle montre aussi que sur internet les animaux deviennent à leur tour des "people". Leur image publique en fait des stars. Mais leur célébrité repose sur l'exposition d'une intimité. Si bien que le Grumpy Cat est différent de la plupart des LOLCats, dont la célébrité repose sur le fait d'être affublé d'accessoires. Sa seule apparence et son environnement ont suffi à construire une personnalité. Notre regard sur les animaux évolue grâce à ces héros ordinaires qui prennent le relais de ces figures rendues familières par le cinéma et la télévision: Rintintin, Rex ou les Chats de Disney. Nous les considérons aujourd'hui comme des êtres doués d'intelligence. Nous leur accordons des droits et des protections. Nous voyions en eux toujours plus, des porteurs de sens.

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