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Alzheimer: la croisée des chemins

Les réalités humaines et sociales de cette maladie longtemps méconnues ou reléguées aux confins de nos préoccupations, trouvent progressivement une place au cœur de la cité. Cette évolution est encore partielle et laisse en jachère nombre d'espaces encore trop éloignés des avancées observées dans le parcours du soin, les soutiens de proximité et l'hospitalité de l'accueil en institution.
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William Utermohlen / Galerie Beckel Odille Boicos

En cette année d'achèvement du plan Alzheimer 2008-2012, un premier bilan peut déjà être proposé à partir de l'observatoire que constitue l'Espace national de réflexion éthique sur la maladie d'Alzheimer (Erema). Les réalités humaines et sociales de cette maladie longtemps méconnues ou reléguées aux confins de nos préoccupations, trouvent progressivement une place au cœur de la cité. Cette évolution est encore partielle et laisse en jachère nombre d'espaces encore trop éloignés des avancées observées dans le parcours du soin, les soutiens de proximité et l'hospitalité de l'accueil en institution. Toutefois s'imposent clairement aujourd'hui des principes et des pratiques en rupture avec un passé que l'on espère révolu. Ils contestent en effet les mentalités et les inerties d'hier, promeuvent d'autres valeurs, d'autres approches en termes de respect et de dignité en acte.

Il convient d'accompagner cette mutation d'autant plus précieuse qu'elle prend une signification au-delà de la maladie d'Alzheimer, dans le contexte des maladies neurologiques et plus globalement des maladies chroniques. Plus tard, pour autant qu'on y consacre le sérieux d'un engagement maintenu, ces avancées pourront être comparées au renouveau rendu possible à l'époque par les militants du sida. C'est ainsi que s'est progressivement élaborée l'idée de démocratie sanitaire reprise dans l'esprit de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Cette politisation des questions de santé publique ne s'est pas contentée des résolutions incantatoires. Elle a provoqué les concertations indispensables, la redistribution des légitimités, des modes opératoires distincts de ce qui se faisait jusqu'alors : une conscience différente de nos obligations.

Nos responsabilités à l'égard des personnes vulnérables dans ce qui les éprouve face à la maladie, doivent être pensées en des termes politiques et déclinées avec un souci de loyauté et de transparence afin que la hiérarchie des choix soit connue et reconnue. Le temps des expressions compassionnelles, des semblants, des apparences, des résolutions solennelles qui détournent de l'impératif d'action semble révoqué. Nos malades expriment le besoin d'être respectés dans leurs droits propres, dans cette envie de vivre parmi nous, estimés pour ce qu'ils sont, considérés dans leur citoyenneté. Ils n'acceptent plus les négligences consenties au prétexte de logiques réfractaires au changement, de dispositifs réglementaires rigides qui détermineraient l'ordre des choses, de contraintes gestionnaires obsédées de rentabilité ou du manque d'intérêt pour une cause que certains estimeraient indigne de considération. Cela d'autant plus que les mesures du plan Alzheimer 2008-2012 qui ont favorisé plus de justesse dans la compréhension, l'approche et l'accompagnement dès l'annonce de la maladie et tout au long d'un parcours incertain, marquent une rupture dont les effets apparaissent dès à présent dans nos représentations de la maladie.

Nous voilà peut-être à la croisée des chemins. Ces dernières années sont jalonnées de repères parfois éphémères, de controverses, d'ajustements, d'analyses, de statistiques et d'anticipations d'où émergent de manière bien souvent approximative, paradoxales et parfois quelque peu idéologique des conceptions contrastées de la maladie d'Alzheimer.

Peu de certitudes en fait, nombre de controverses, et l'inquiétante sensation de l'impuissance à maîtriser la montée en puissance d'un phénomène dont les conséquences suscitent le désarroi quand ce n'est pas l'effroi. Saurons-nous penser et assumer en société les responsabilités si particulières sollicitées auprès d'une personne affectée en ce qu'elle est par une maladie qui abrase progressivement son identité et l'entraîne inexorablement vers une forme de dépendance extrême ? Quelle position politique tenir dans un contexte si délicat qui engage à ce point les valeurs de la démocratie ?

Nous n'échapperons pas à ces questions à la fois délicates et graves tant elles conditionnent nos choix dans ce domaine et dans combien tant d'autres. Un Espace national de réflexion éthique sur la maladie d'Alzheimer a peut-être aussi pour vocation de solliciter le débat, d'en favoriser les conditions, y compris lorsque d'autres urgences peuvent nous en détourner.

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