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Lettre ouverte à Margaret Wente

Dans les mots de Wente, les étudiants dans les sciences sociales d'aujourd'hui «sont les baristas de demain». Quel dommage pour ces diplômés en science politique ou sociologie, dont le plus grand accomplissement de carrière sera de servir des soya-cappucino décaf à des clients comme Margaret Wente.
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Je n'ai jamais été d'accord avec vous Margaret Wente. Que ce soit lorsque vous avez comparé l'intimidation sur un lieu de travail à une activité « émotionnellement enrichissante » ou quand vous avez tenté de nous convaincre que le mouvement SlutWalk n'était qu'un divertissement pour des étudiantes ennuyées. Je ne ressens pas particulièrement le besoin de faire une critique de ces articles remplis de généralisations, de sophismes et d'arguments raccourcis. Vous excellez à offusquer. Ça, on le savait déjà.

Par contre, dans votre article portant sur la grève générale illimitée, vous avez franchement dépassé toutes mes attentes. Vous affirmez avec une arrogance singulière que « les étudiants québécois vivent sur une autre planète », que nous chialons le ventre plein et qu'au lieu d'être insatisfaits avec notre gouvernement, nous devrions êtres choqués contre tous les adultes, coupables de nous avoir dissimulé que tout parcours académique autre que la science, le droit et la finance, ne mène pas plus loin qu'une carrière dans un Starbucks.

Dans les mots de Wente, les étudiants dans les sciences sociales d'aujourd'hui « sont les baristas de demain ». Quel dommage pour ces diplômés en science politique ou sociologie, dont le plus grand accomplissement de carrière sera de servir des soya-cappucino décaf à des clients comme Margaret Wente.

De la bière et des cafés j'en ai servi. En sortant de mon baccalauréat en développement international, j'ai travaillé dans le domaine de la restauration pour rembourser ma dette et pour financer la maîtrise qui allait suivre. Est-ce que je regrette d'avoir servi de la bière et des cafés en sortant de mon bac? Pas du tout. Est-ce que j'aurais préféré dénicher un emploi dans la coopération internationale? Sûrement. Il est tragique qu'un si grand nombre de diplômés éprouve autant de difficulté à trouver une profession liée à leur champ d'études. La plupart doivent passer par le stade du stage non rémunéré, devenu presque obligatoire pour tout étudiant qui désire infiltrer le marché du travail. Plutôt exagérée comme attente, surtout lorsqu'on considère le niveau d'endettement d'étudiants récemment diplômés.

C'est justement une telle situation que le mouvement étudiant dénonce. On questionne les inégalités sociales, l'écart entre les riches et les pauvres, les politiques néolibérales, le manque de transparence, la corruption et la déresponsabilisation du gouvernement face à une crise sociale qui ne cesse de s'exacerber. Ce sont justement les cours de science politique, d'économie et d'histoire qui nous amènent à examiner de tels fléaux sociaux et qui peuvent nous diriger vers une solution. Un système d'éducation exclusivement composé d'étudiants en science et en comptabilité, ça correspond à une société qui périt par son vide de disciplines encourageant l'esprit critique et la pensée autonome. Suggérer qu'on serait mieux dans un monde démuni de matières vouées à ce type d'analyse suppose que les leaders de demain n'auraient besoin de rien d'autre qu'un petit bac en finance. Alors si j'ai bien compris, mener un pays c'est comme « runner » une business? Compte tenu de la manière dont le gouvernement Charest prend certaines de ses décisions (autour d'un spaghetti sauce bolognaise et d'un membre de la mafia), on est pas mal parti pour ça

Et quelle serait votre solution au juste, Wente? Une grève générale illimitée contre les méchants profs d'éducation et choix de carrière qui ont eu le culot de nous laisser croire que c'est l'intérêt, pas le salaire qui devrait guider nos choix? Une manifestation contre toutes les mamans et les éducatrices de maternelle qui ont osé nous transmettre la confiance de poursuivre nos propres passions? En nous suggérant qu'il serait plus sage d'être mécontents contre eux plutôt qu'être insatisfaits avec notre gouvernement, vous transmettez un message franchement condescendant à une génération qui en a déjà marre de se faire infantiliser.

Par ailleurs, n'est-il pas étrange que vous ayez omis le fait que vous êtes détentrice non seulement d'un bac, mais d'une maîtrise en littérature anglaise? Gageons que ces études « frivoles » ont un petit quelque chose à voir avec votre salaire à six chiffres.

Alors si vous croyez toujours que les étudiants vont avoir un choc en apprenant cette dure « vérité » que vous vous donnez le plaisir de nous délivrer, moi aussi j'ai une petite révélation à vous faire. Les baristas suréduqués savent lire. Et puisque selon vous, ce seront eux qui vous serviront votre prochain cappuccino grande (le prix auquel vous comparez la hausse justement), j'y penserais deux fois avant de le boire. Considérant l'amplitude de votre insulte à leur égard, votre café risque d'être exactement comme le financement du gouvernement libéral : douteux.

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