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Dix réflexions à chaud sur une opération inachevée

L'opération israélienne à Gaza était prévisible, en fait inéluctable. Il n'est pas nécessaire d'être un chaud partisan de Binyamin Netanyahou pour lui donner raison lorsqu'il fait remarquer qu'aucun pays n'accepterait de laisser vivre une partie de sa population sous la terreur quotidienne des bombardements. Voici dix réflexions, à chaud, sur la situation actuelle et le déroulement des opérations à Gaza.
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Israeli soldiers count shells near the Israel Gaza Strip border, southern Israel, Wednesday, Nov. 21, 2012. The Israeli military has been pounding Gaza with at least 30 strikes overnight, hitting government ministries, smuggling tunnels, a bunker's empty villa and a Hamas-linked media office. Meanwhile, U.S. Secretary of State Hillary Clinton is meeting with Israeli and Palestinian officials trying to help negotiate a truce between Israel and the militant Hamas, which controls the Gaza Strip. (AP Photo/Tsafrir Abayov)
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Israeli soldiers count shells near the Israel Gaza Strip border, southern Israel, Wednesday, Nov. 21, 2012. The Israeli military has been pounding Gaza with at least 30 strikes overnight, hitting government ministries, smuggling tunnels, a bunker's empty villa and a Hamas-linked media office. Meanwhile, U.S. Secretary of State Hillary Clinton is meeting with Israeli and Palestinian officials trying to help negotiate a truce between Israel and the militant Hamas, which controls the Gaza Strip. (AP Photo/Tsafrir Abayov)

1. L'opération israélienne à Gaza était prévisible, en fait inéluctable. Il n'est pas nécessaire d'être un chaud partisan de Binyamin Netanyahou pour lui donner raison lorsqu'il fait remarquer qu'aucun pays n'accepterait de laisser vivre une partie de sa population sous la terreur quotidienne des bombardements.

2. Gratifier ce harcèlement du beau mot de "résistance" est abusif. Les tirs quasi quotidiens de roquettes sur les localités du sud du pays ne constituent pas une réaction au blocus imposé par Israël. C'est le contraire qui est vrai.

Quoi que l'on pense du blocus, de son efficacité et de ses implications politiques et morales, c'est lui qui fut imposé en réaction aux tirs de roquettes inaugurés par les organisations islamistes, Hamas en tête, dès le lendemain du "désengagement" d'Israël de la bande de Gaza à l'été 2005.

Il n'était pas fatal qu'il en fût ainsi. Le retrait unilatéral total, militaire et civil, d'Israël abandonnait ce territoire à la souveraineté palestinienne. Le Hamas, qui s'en est emparé par la force deux ans plus tard, en a fait une vaste rampe de lancement d'engins sur les localités israéliennes avoisinantes.

3. Le harcèlement de ces localités répond à un double objectif. Le premier est interne et relève de la dynamique du pouvoir dans un territoire exigu que se disputent les factions palestiniennes -le Hamas et le Fatah dans un premier temps, puis, après la défaite et l'expulsion de ce dernier, le Hamas et le Djihad islamique, enfin, ces deux-là et plusieurs bandes djihadistes qui ont pris pied dans le territoire après la révolution égyptienne et l'effondrement de l'autorité du Caire dans la péninsule du Sinaï. Le second, externe, vise à établir une sorte d'équilibre de la terreur entre le gouvernement islamiste et Israël.

4. L'intensité de l'affrontement est variable. L'intervalle entre les accès de fièvre aussi, mais le modèle est toujours le même: une phase de calme relatif; une opération israélienne contre une cellule terroriste ou une série de provocations qui attirent une riposte israélienne plus ou moins vigoureuse, dont l'intensité est déterminée par la gravité desdites provocations ainsi que par des considérations militaires et diplomatiques; des efforts de médiation, notamment égyptiens; le rétablissement d'une trêve, qui sera elle-même rompue par une nouvelle flambée de violence...

5. Dans le jeu à somme nulle entre le Hamas et Israël, chacun joue avec ce qu'il a. C'est un jeu asymétrique, dans lequel les adversaires n'obéissent pas aux mêmes règles. Tsahal utilise son énorme force de frappe pour neutraliser la capacité balistique de milices islamistes; ses cibles sont militaires, et les victimes civiles collatérales, insupportablement nombreuses voici quatre ans, bien moins aujourd'hui, sont dues à la proximité voulue des installations militaires -dépôts de munitions, rampes de lancement, quartiers généraux- et des populations civiles. Les islamistes, eux, prennent délibérément pour cible les populations civiles.

6. Depuis la dernière offensive majeure de Tsahal, l'opération dite "Plomb durci" de novembre 2008, le rapport des forces a peu changé. Certes, les islamistes ont depuis reçu des missiles iraniens Fajr 5, capables, comme nous l'avons vu, d'atteindre le cœur du pays. Pour autant, en termes purement militaires, le Hamas ne fait pas le poids face à Tsahal.

Mais un rapport de forces est rarement une affaire purement militaire. La capacité de dissuasion est au moins autant une question de politique, de diplomatie, voire de psychologie. En l'occurrence, le Hamas sait que des morts à Tel-Aviv signifieraient pour lui le déluge. Et Israël sait que, l'Egypte de Morsi n'étant plus celle de Moubarak, le coût diplomatique d'une élimination du Hamas risque de se s'avérer exorbitant.

7. Alors, quels peuvent être leurs buts de guerre? Pour le Hamas, assurer son emprise sur le territoire au détriment des milices islamistes concurrentes et survivre face à Israël en imposant à l'Etat hébreu un équilibre de forces aussi favorable que possible. Pour Israël, réduire la capacité de nuisance du Hamas en détruisant son potentiel militaire et en désorganisant sa chaîne de commandement, et imposer une période de calme aussi longue que possible le long de sa frontière méridionale.

C'est une ambition réduite a minima. Mais, coincé qu'il entre des voisins qui se trouvent tous, à un degré ou un autre, emportés par une vague islamiste qui semble irrésistible, il lui faut se contenter de ce qu'il peut obtenir.

8. A l'heure où je rédige ses lignes, ses chances d'y parvenir sont difficiles à évaluer. Au plan militaire, la destruction de la plupart des missiles de type Fajr 5, ainsi que des rampes de lancement, des entrepôts et des ateliers d'assemblage, porte sans conteste un coup dur au Hamas, tout en restaurant, à un degré malaisé à évaluer, la force de dissuasion de Tsahal. Ce fut une opération nécessaire.

En revanche, l'assassinat spectaculaire au tout début de l'opération d'Ahmed Jabbari, le chef de sa branche militaire, était assurément un exploit du Shin Beth, mais il peut s'avérer coûteux en vies humaines.

A n'en pas douter, l'homme n'était pas un Juste parmi les nations et il avait du sang israélien sur les mains jusqu'aux coudes. Mais l'environnement politique et diplomatique est très différent de celui qui prévalait lors de la première Intifada, quand l'élimination des chefs du Hamas a contribué à mettre un terme aux attentats suicides. Aujourd'hui, l'organisation islamiste est au pouvoir à Gaza, et les Frères musulmans dont elle procède sont au pouvoir au Caire.

9. Ce qui est vrai pour les assassinats ciblés l'est d'autant plus pour les opérations terrestres. Il faut espérer que le gouvernement d'Israël ne pas se laissera pas tenter par une invasion du territoire, dont on sait comment elle commence mais jamais comment elle finit. En effet, l'occupation à long terme de la bande de Gaza étant évidemment exclue, on voit mal ce qu'Israël aura à gagner d'une opération qui multipliera d'inévitables bavures et lui coûtera le peu de compréhension dont il bénéficie encore dans les chancelleries et les opinions publiques occidentales.

10. Le chef du gouvernement, Benjamin Netanyahou, et Ehud Barak, son ministre de la Défense, feraient bien de garder en mémoire cette vérité sans cesse vérifiée: toute guerre soude les peuples autour de ses leaders, et celle-ci ne fait pas exception à la règle. A en croire le dernier sondage, publié ce lundi 19 novembre dans Haaretz, 84% des Israéliens approuvent l'opération "Pilier de défense".

Mais ils ne sont que 30% à souhaiter une intervention terrestre. Il suffit de peu de chose, un bilan humain soudainement alourdi chez soi, une bavure plus monstrueuse que d'autres chez l'adversaire, un déboire diplomatique particulièrement mal venu, pour que le vent tourne et que la même opinion publique montre ses dents. Levitas popularis...

Surtout, ils devraient comprendre enfin qu'on ne peut à la fois étriller militairement le Hamas et politiquement l'Autorité palestinienne. Si l'on ne veut ni de l'une ni de l'autre, qui restera-t-il face à Israël? Al-Qaïda?

Voyez les photos de nos collègues américains

GRAPHIC WARNING: Israel And Gaza Tensions

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