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Abandonner la recherche sur les lacs n'a aucun sens

Le développement est important, mais lorsqu'il est centré sur une seule industrie polluante, au détriment d'autres priorités économiques et de l'environnement, il n'a aucun sens. Que l'industrie et le gouvernement prennent des mesures si extrêmes afin d'encourager un intérêt à court terme et limité est une insulte aux traditions démocratiques que les Canadiens et les Canadiennes de toutes allégeances politiques ont bâties au fil des ans.
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Nous ne pouvons vivre sans eau potable. Le Canada a la chance de posséder des lacs et des cours d'eau en abondance et il a la responsabilité, vis-à-vis du reste du monde, de bien s'en occuper. Mais si nous voulons vraiment protéger les réserves d'eau douce ainsi que les écosystèmes dont elles sont la base, nous devons d'abord comprendre comment l'activité humaine et les perturbations naturelles les affectent.

Depuis 1968, le centre de recherche Région des lacs expérimentaux du sud de l'Ontario, reconnu mondialement, remplissait ce mandat en servant de laboratoire à ciel ouvert. En manipulant et en étudiant les conditions de 58 petits lacs et de leurs bassins hydrographiques, les scientifiques ont fait bon nombre de découvertes à propos des effets des perturbations naturelles et de l'activité humaine sur les écosystèmes d'eau douce et sur les poissons. Au cours des 45 dernières années, ils nous ont renseigné sur les conséquences des pluies acides, de la pollution au mercure, des nanoparticules, des surcharges d'azote, des changements climatiques, de la pisciculture et de bien d'autres problèmes.

C'est bientôt terminé. Le gouvernement fédéral a annoncé qu'il fermerait cet établissement unique en 2013. C'est une décision douteuse, d'autant plus qu'il n'en coûte annuellement qu'à peine 2 millions de dollars pour l'exploiter -- un dixième des coûts reliés à la sécurité personnelle du premier ministre Stephen Harper et à peu près le même montant que le gouvernement a dépensé lors du Sommet du G20 à Toronto pour y construire un centre touristique et un faux lac. Pire encore, les contribuables devront verser 50 millions de dollars pour fermer les portes de cet établissement!

Dans une lettre ouverte au gouvernement, les principaux scientifiques indiquent que « la recherche faite dans la Région des lacs expérimentaux a aidé à définir la politique et les lois en matière d'environnement, et ce, autant au niveau national qu'international ». Ils notent aussi que « les scientifiques de l'établissement ont été lauréats de nombreux prix nationaux et internationaux, et les connaissances scientifiques leur étant attribuées sont impressionnantes -- plus de 1000 articles, thèses et livres ». On entend souvent parler de comment le Canada « gère » ses ressources naturelles, mais comment pouvons-nous faire cela sans avoir une compréhension solide de la complexité du cycle de l'eau?

Le moment choisi est, lui aussi, douteux. On ferme la Région des lacs expérimentaux en même temps que le gouvernement, avec son projet de loi omnibus sur le budget, sabre les ressources ainsi que les lois et règlements visant à protéger les habitats marins et d'eau douce. Faisant partie de cette loi sont des changements ou des coupures à la Loi sur les pêches, à la Loi sur la protection des eaux navigables, à la Loi sur les espèces en péril, et à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ainsi qu'une épuration et une réécriture de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Les changements proposés à la Loi sur les pêches sont particulièrement troublants. La protection des habitats a été retirée, et l'importance est maintenant donnée aux pêches autochtones et économiquement viables uniquement. Ceci inquiète certains ministres des Pêches précédents. Dans une lettre au premier ministre, les conservateurs Tom Siddon et John Fraser ainsi que les libéraux Herb Dhaliwal et David Anderson ont écrit : « Les Canadiens et les Canadiennes ont le droit de savoir si ces changements ont été écrits, ou fortement encouragés, par le ministre des Pêches ou par des groupes d'intérêt externes au gouvernement. Si on parle de groupes, quels sont-ils exactement? »

C'est une préoccupation légitime. Postmedia a obtenu des documents gouvernementaux démontrant que Enbridge, l'entreprise derrière le projet des deux oléoducs Northern Gateway, a beaucoup fait pression sur le gouvernement avant que les changements ne soient introduits. Des documents indiquent aussi que des pressions par Enbridge ont été en partie responsables du retrait du gouvernement d'un plan conjoint de gestion maritime de la Côte-Nord du Pacifique entre l'industrie, les Premières nations, des groupes de citoyens, et des organismes de conservation.

On ne peut que remarquer que les dernières coupures et les derniers changements ciblent les programmes, les lois, ou les entités pouvant nuire à l'expansion rapide des sables bitumineux et des oléoducs vers l'ouest et le sud, sans oublier la vente massive de nos ressources et de l'industrie des ressources à des entreprises appartenant, entre autres, au gouvernement chinois. Toutes recherches ou conclusions ne s'alignant pas aux plans économiques fondés sur les combustibles fossiles du gouvernement semblent être contestées.

La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, par exemple, a soulevé que de ne pas se préoccuper des changements climatiques aurait des conséquences autant d'un point de vue économique qu'environnemental. Le gouvernement a aussi mis la hache dans cet organisme autonome, prétextant faire des économies de 5,5 millions de dollars par année.

Le développement est important, mais lorsqu'il est centré sur une seule industrie polluante, au détriment d'autres priorités économiques et de l'environnement, il n'a aucun sens. Que l'industrie et le gouvernement prennent des mesures si extrêmes afin d'encourager un intérêt à court terme et limité est une insulte aux traditions démocratiques que les Canadiens et les Canadiennes de toutes allégeances politiques ont bâties au fil des ans.

Écrit à l'aide de contributions du spécialiste des communications et d'éditions de la Fondation David Suzuki, Ian Hanington.

Consultez www.davidsuzuki.org pour en apprendre davantage.

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