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L'affaire de la nation cri de Beaver Lake montre les failles du processus d'examen environnemental

Deux exemples illustrent bien qu'il y a un problème fondamental dans le processus d'examen environnemental : le processus se contente d'examiner chaque projet de développement de façon individuelle. Mais en réalité, un seul puits ou un seul barrage n'est pas séparé ou isolé de son milieu - l'air, l'eau, les plantes et les animaux ne portent aucune attention aux frontières que nous leur imposons.
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Depuis les années 1980, l'Arctique est le point de mire des sociétés pétrolières. À cette époque, ces mêmes entreprises ont projeté de forer dans des régions écologiquement fragiles telles que le détroit de Lancaster. Le détroit est couvert de glace pour la grande majorité de l'année. Cependant, les mois d'été, quoique courts, offrent de longues journées ensoleillées ainsi qu'un habitat propice à l'épanouissement des oiseaux, des poissons et des mammifères. L'exploration et l'exploitation des combustibles fossiles mettraient en péril cet écosystème fabuleux.

Dans le cadre d'un épisode télévisé de The Nature of Things intitulé « Arctic Oil », je me suis entretenu avec le porte-parole de la société Panarctic, une des entreprises qui voulait forer dans cet environnement inhospitalier. En appuyant la mine de son crayon sur une carte de l'emplacement du site d'extraction prévu, le porte-parole de Panartic m'a expliqué que les conséquences néfastes sur l'environnement causées par un seul test de puits étaient négligeables ; inférieures à l'effet du point laissé sur la carte par la mine de son crayon. Peut-être n'avait-il pas tort.

Pour une émission sur le projet hydro-électrique Grande-Baleine au nord du Québec, le PDG d'Hydro-Québec m'a montré une carte tout en me présentant des arguments semblables : si l'on tenait compte de l'étendue massive du Nord qui est pratiquement inhabitée, ce n'était, en fait, qu'une petite région qui serait inondée, même si son étendue couvrait des milliers d'hectares. Encore une fois, il n'avait peut-être pas tort, d'une façon superficielle. Je voyais les choses autrement. Bien que la population humaine était dispersée, j'avais compris que la région était densément peuplée d'innombrables plantes et d'animaux qui avaient évolué et prospérés dans cet endroit précis, et que des gens habitaient la région depuis des millénaires.

Ces deux exemples illustrent bien qu'il y a un problème fondamental dans le processus d'examen environnemental : le processus se contente d'examiner chaque projet de développement de façon individuelle. Mais en réalité, un seul puits ou un seul barrage n'est pas séparé ou isolé de son milieu - l'air, l'eau, les plantes et les animaux ne portent aucune attention aux frontières que nous leur imposons.

Nous n'avons qu'une connaissance limitée de la manière dont chaque chose est harmonieusement liée l'une à l'autre sur terre. La Terre est un organisme d'interrelations. Supposons que des études environnementales aient été effectuées avant que nous épandissions du DDT sur les champs ou avant que nous utilisions des CFC dans nos bouteilles aérosol. Nous n'avons pris connaissance de la biomagnification ou de la diminution de la couche d'ozone que longtemps après que ces produits eurent été approuvés. Cela est un problème fondamental. Nous ne pouvons anticiper les conséquences à long terme de technologies majeures si nous ignorons comment le monde fonctionne et que nous sommes trop impatients pour investir le temps et faire l'effort d'élargir nos connaissances grâce à la recherche scientifique.

Une deuxième faille dans le processus d'examen environnemental est l'étude individuelle de chacun des projets, comme s'il n'y avait pas d'effets collectifs. En Alberta, des conseils d'examens en matière d'énergie approuvent avec leurs sceaux officiels des propositions de forage. Je répète : individuellement, chaque puits a peut-être un effet minime sur l'environnement, mais collectivement, les puits entraînent une panoplie de répercussions importantes, telles que des lignes sismiques, des fils électriques et des routes, qui plus tard attirent des chasseurs et des utilisateurs de véhicules tout terrain.

Une poursuite judiciaire intentée par la nation cri de Beaver Lake (N.C.B.L.), décrite dans un article de Carol Linnitt publié dans DesmogBlog illustre le problème. Les gens de Beaver Lake poursuivent les gouvernements fédéral et provincial pour avoir manqué au respect des droits des autochtones. Ces droits, droit de pêcher, chasser, piéger et de cueillir des plantes pour leur consommation ou la fabrication de remèdes, sont garantis par des traités et par la Constitution. La nation cri de Beaver Lake affirme que « l'effet cumulatif » des sables bitumineux de l'Alberta menace leur mode de vie traditionnel et que le gouvernement est légalement tenu de défendre le droit à ces activités.

La dimension du territoire de la nation cri de Beaver Lake est comparable à celle de la Suisse. Son territoire chevauche les sables bitumineux qui produisent maintenant 560 000 barils de pétrole par jour. Le secteur veut augmenter ce chiffre à 1,6 million. Aujourd'hui, il y a déjà 35 000 sites d'exploitation gazière et pétrolière sur le territoire de la N.C.B.L., 21 700 kilomètres de lignes sismiques, 4 028 kilomètres de pipelines et 948 kilomètres de système routier. Le territoire traditionnel et naturel a été morcelé, il est sillonné de routes, de tuyaux et de fils, qui menacent les animaux tels que le caribou des bois, une espèce qui ne peut s'adapter à cet empiétement.

Comme David Schindler et d'autres scientifiques nous le font remarquer, les programmes des gouvernements provinciaux et fédéraux chargés de mesurer l'effet des sables bitumineux sur l'atmosphère, l'eau et le sol manquent tellement de sérieux que l'information qu'ils accumulent est essentiellement inutile. Cela reflète le point de vue évasif avec lequel le gouvernement fédéral aborde le problème des changements climatiques. L'idée, semble-t-il, est que s'il n'y a pas d'études sérieuses pour mieux comprendre l'effet des sables bitumineux sur l'environnement, il est donc acceptable d'ignorer tous les problèmes qui en découlent. Cela ne peut continuer.

L'affaire judiciaire de la N.C.B.L. nous pousse à examiner l'effet du développement sous un angle cumulatif et holistique. Comme l'avocat de la N.C.B.L., Jack Woodward, l'a dit, le procès « est basé sur la protection de l'écosystème dans son entièreté ». Si nous n'adoptons pas cette approche, cela pourrait nous coûter l'élimination progressive par petites coupures de la fondation du système en entier.

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