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La retraite des mieux nantis et celle des autres

La pension n'est pas la loterie, ni un placement à la bourse, mais un consensus social qui permet à tous de vivre décemment les jours après la période du travail. Et non de s'enrichir. Et non un profit à cueillir après un certain nombre d'années de cotisations.
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«Vous aimeriez être millionnaire ? Vous rêvez de Liberté 55 ? Tant qu'à y être, pourquoi pas Liberté 46 ? Il y a une bonne manière d'y arriver : devenez pompier ou peut-être fonctionnaire à la Ville de Montréal. Ce n'est pas une blague...», écrivait Stéphanie Grammond dans la section Les Affaires de La Presse de samedi dernier.

Il fut un temps, pas si lointain, où la retraite se prenait à 65 ans. Beaucoup de gens de mon entourage mourraient dans les années suivantes. Les pensions étaient presque inexistantes. Tout au cours de leur vie, comme la maladie avait rogné les économies, la retraite pour nos parents et grands-parents était signe de pauvreté réelle. La petite pension fédérale à 65 ans arrivait à point. À moins d'avoir des enfants, aimants et hospitaliers, qui prenaient en charge de leurs vieux parents pour la durée de la retraite. Quand la santé devenait trop vacillante, on les «plaçait» à «l'hospice», ancêtre de nos CHSLD d'aujourd'hui. Cette période était généralement courte. Les lourdes séquelles d'une longue vie de travail ardu hypothéquaient la santé de nos vieux. Les centenaires étaient une exception de la nature et même les octogénaires.

J'ai été témoin des dures batailles pour inscrire une pension comme un bénéfice marginal, si décriée par les patrons, qui y voyaient là un coût exorbitant. De fil en aiguille, grâce au labeur des syndicats naissants et voués au développement social, les pensions d'après-travail se sont fait une niche. Grâce aussi à une assurance maladie universelle qui prémunissait devant les hasards de la maladie, nos parents amassaient dorénavant quelques minces économies pour les vieux jours.

Puis, les semaines de travail n'accaparèrent plus que six jours de la semaine, puis cinq jours. Et les journées de dix heures et plus devinrent des huit et neuf heures. Les syndicats étaient actifs pour assurer un minimum vital aux employés. Et les pensions de retraite lentement s'immisçaient dans les normes de travail des grandes entreprises. Alors qu'aujourd'hui un grand nombre d'ouvriers de la petite entreprise n'y ont pas encore accès. Et nous sommes en 2014, cinquante ans plus tard.

La syndicalisation de la grande fonction publique fit des gains importants. Simultanément, la longévité de la vie s'installa dans nos gènes. Vie active nécessitant un revenu supplémentaire qui allongea d'autant le nombre d'années à la pension lucrative des uns et à la pauvreté pour les autres.

Puis les négociations devinrent plus agressives autant dans la fonction publique que dans les grandes entreprises privées devant des patrons moins aguerris. Les gains pour les employés furent importants. Les patrons devant partager la note avec les employés, et parfois la plus grande part. On parla de plus en plus de Liberté 55 pour les mieux nantis et pas de liberté pour les moins nantis privés de conventions collectives.

Les petites entreprises n'ayant pas la même marge de manœuvre. Les négociations municipales ajoutèrent la Liberté 50 et même 46. Il ne suffisait que de travailler 25 ans pour jouir d'autant d'années de travail que de pensions largement rémunérées. La longévité n'étant plus de 70 ans, mais de 84 ans et même plus. Comme le suggérait la citation du début. Et voilà où nous en sommes rendus.

Au programme des mieux nantis, des années de loisirs ou des revenus d'un double emploi miroitaient pour une période drôlement allongée. Ce qui exigea une caisse suffisante pour absorber ce supplément. À défaut de quoi, il y a déjà une pénurie de dollars pour suffire à la nouvelle demande. Ce que conduit inexorablement à une faillite. Les intérêts des placements fluctuants ne suffisent plus à la tâche. Surviennent un trou, un manque à gagner qu'il faut combler. Mais comment ? Voilà le dilemme de l'actualité.

Qui paiera le déficit ? On parle ici de milliards de dollars. Les syndiqués qui ont profité largement du système et en profitent encore. Les syndicats exigent que le pouvoir public doive l'assumer en grande partie. Mais le pouvoir public signifie le grand public par ses taxes et impôts. Incluant les moins nantis privés de pension. Une dichotomie malsaine. Le gouvernement du Québec souhaite et statue une responsabilité à parts égales. Ce qui signifie que les employés doivent assumer leur part du déficit. Après avoir été les bébés gâtés du système, ils doivent payer pour leur trop-perçu.

Et les syndicats qui autrefois défendaient les moins nantis contre les plus nantis ont viré leur capot de bort en défendant les mieux nantis contre les moins nantis du monde du travail. En prônant le statu quo, et les droits acquis.

Pourtant, les règles du jeu ont changé. Ce qui signifie de revoir en profondeur tout le système avec une solution socialement acceptable.

Une pension ne doit-elle pas être versée à la fin d'une vie de travail afin d'en assurer une vie confortable et honnête ? Peut-être 60 ans, mais pas 46 ans. Ce n'est sûrement pas le nombre d'années au travail qui doit déterminer l'encaissement de la retraite, mais l'âge de la vieillesse. En se rappelant toujours pourquoi un jour on a souhaité une rémunération pour les pauvres devant la vieillesse. La pension n'est pas la loterie, ni un placement à la bourse, mais un consensus social qui permet à tous de vivre décemment les jours après la période du travail. Et non de s'enrichir. Et non un profit à cueillir après un certain nombre d'années de cotisations. La société doit établir les règles de revenus après la période normale de travail, quand cessent les revenus de ce travail. La société a ses droits qui doivent profiter à tous et non un groupe de privilégiés.

Lisez d'autres textes de Claude Bérubé en visitant son blogue Leptitvieux.com

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