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Flic et confidences

Pour la période estivale, je reviens à mes premiers amours : Flic et confidences. De petites histoires de police.
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Pour la période estivale, je reviens à mes premiers amours: Flic et confidences. De petites histoires de police.

1980

Je suis maintenant sergent depuis quelques jours.

Un flic du centre-ville dans Westmount!

Assis à mon bureau, je contemple le bel escalier en marbre qui mène au second étage, celui de la cour municipale. Il n'y a pas si longtemps, les policiers n'y avaient pas accès. Ils devaient passer par l'escalier de secours situé à l'arrière de la bâtisse. Le grand François, un des francophones du groupe, vient s'asseoir à mes côtés.

-Pis le sergent tu t'habitues?

-Moi oui, eux, pas sur!

Quand je dis «eux», je parle de quelques officiers anglophones qui malgré leur affabilité me trouvent menaçant. En fait, ce n'est pas seulement ma présence, mais la présence de plusieurs francophones, qui depuis l'intégration viennent perturber la paix sociale. Westmount, le poste 23 de la C.U.M. englobe maintenant une partie de Saint-Henri et pour ces beaux messieurs qui ne se rendaient pas jusque là, c'est difficile à prendre. Dès mon arrivée, un vieux sergent était venu m'expliquer comment ne pas faire de vagues, pauvre lui, il venait de frapper le mauvais gars.

Dès mon arrivée, un vieux sergent était venu m'expliquer comment ne pas faire de vagues, pauvre lui, il venait de frapper le mauvais gars.

-Ils ne sont pas ben méchants...

-On verra!

Ici, le matin, c'est encore la levée du drapeau avec des musiques exotiques, des trucs comme le God save the Queen, accompagné du salut militaire. Mon lieutenant avec qui j'ai travaillé au poste 4 de l'époque est lui aussi un peu mal à l'aise avec tout ça, mais comme il veut monter dans l'échelle sociale, il ne va pas en faire un plat.

Tiens, voilà Maurice, faut prononcer Morisss ! Maurice, c'est un gros chat tigré jaune. C'est la mascotte du poste. Il a été recueilli par des citoyens qui l'on amené au poste de police. Depuis ce temps, Maurice fait la loi dans cette bâtisse. La preuve, c'est que lorsqu'il monte se coucher sur le bureau du juge, les procès s'arrêtent. Aussi bête que ça!

Maurice est déjà un aristocrate, il ne s'arrête pas pour les flics, juste les mémés et les gens de la haute. Il a déjà compris que nous n'étions que de la piétaille.

Mon lieutenant arrive du grand bureau, celui du directeur.

-T'as l'air de t'ennuyer ! Veux-tu aller sur la route et apprendre à connaître

le secteur.

-Si tu veux, ici c'est comme pas très occupé.

Bonheur et joie, me voici sur la route à découvrir mon nouvel univers. Tiens, un appel intéressant. Un homme violent près de la rue Sherbrooke. Je cours assister. À mon arrivée, les deux policiers y sont déjà, deux grands bonshommes anglophones, mais francophiles, des gars qui aiment travailler. Ils me regardent descendre de l'auto avec un sourire complice.

-Une chance que tu arrives sergent, on avait de la misère avec lui.

Lui, c'est un ivrogne de cinquante kilos tout mouillé, il vient d'être expulsé d'Alexis Nihon, le centre d'achat du moment. Pas très drôle d'être clochard de l'autre côté de la rue Atwater. Ici, pas de cloche, pas de mendicité, ça fait déplacé.

-On va aller le reconduire à l'armée du Salut, boss.

-C'est ok...

Gentille façon de régler le problème, il n'embaumera pas les cellules aseptisées et les gens là-bas sauront quoi faire avec lui.

Je fais signe à mes gars allez, vous êtes de grands garçons, on a autre chose à faire. Justement, un autre appel, wow! C'est occupé dans ce secteur. Les policiers du vrai secteur Westmount demandent l'aide de leur sergent. Ce doit être important. Cette fois, je grimpe tout au haut de la montagne, chez les gens riches. Les constables attendent un peu en retrait de la maison.

-Oui les gars?

-C'est pas facile sarg ! Ça fait une couple de fois qu'on va là.

Là c'est une maison de quelques millions de dollars. Mes hommes se font appeler régulièrement par les proprios et pour à peu près tout. Les gars veulent tester leur sergent, voir comment il va s'en sortir.

-Bon, on va aller voir !

Nous voici donc à la porte. Je vois bien que quelqu'un veut ouvrir, mais que c'est difficile. Finalement, une dame plutôt jolie dans une robe vaporeuse vient à notre rencontre par une porte dérobée.

-Désolée, j'ai dû passer par la porte des domestiques et comme elles

sont en congé, je ne sais pas comment ouvrir la mienne.

La jolie dame aux seins pointus dans sa robe claire nous raconte ses malheurs, son mari est parti pour quelques jours aux É.-U. et un homme vient tous les matins se stationner devant la porte, avec derrière lui, un camion de la Brink's. L'homme veut acheter la maison et tous les jours il vient avec l'argent dans le camion.

-Ben... je vais vous laisser ma carte et donnez-la-lui, s'il veut acheter

ma maison, il n'aura pas à se déplacer avec un camion.

La pauvre, me regarde d'un air outré, je crois qu'elle se rend compte que je ne la prends pas très au sérieux.

-Nous avons droit à notre intimité, c'est agressant ça me fait peur, je

suis seule ici depuis des semaines avec les domestiques, je demande

que des policiers soient ici en permanence et que vous avisiez cet

homme de ne plus nous importuner.

-Madame, il n'y aura pas de policiers en permanence et s'il revient on

lui cause, ça vous va ?

Bien sur que ça n'ira pas, elle se plaindra au directeur, qui me fera gronder par le lieutenant. Je commençais ma vie de sergent.

Pas facile d'être riche hein ?

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