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Les «nourritures d'impressions» qu'on sert à nos enfants

Si nous parvenons à être un peu plus présent dans ce que vit « réellement » notre enfant et non sur nos propres réactions et interprétations subjectives de ses expériences, on préserve son apprentissage et on l'autorise à se développer dans son unicité, sans lui imposer notre coloration subjective, nos propres peurs.
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Les petits enfants - je parle ici des enfants de moins de 5 ans - sont comme des feuilles blanches, totalement vierges et donc, on le sait tous, sensibles à la moindre empreinte. En eux-mêmes, ils sont neutres et n'ont pas encore développé la qualification duelle, les étiquettes positives et négatives face à ce qu'ils expérimentent. Ils vivent l'instant présent et sont semblables à des éponges hyper absorbantes; surtout pour ce qui provient des autorités auxquelles ils sont émotionnellement attachés : leurs parents ou éducateurs.

En nous parents (ou éducateurs), nos enfants éveillent un instinct de protection sans pareil. Tous nos sens sont aux aguets, à l'affut d'un danger ou d'une blessure potentiels pour nos petits. Notre sensibilité est exacerbée et si par malheur, notre enfant se blesse, se trouve malade ou malheureux, c'est dans notre propre corps qu'on vit la douleur. On peut le dire sans exagérer : être parent est à la fois merveilleux et très souffrant. En devenant parent, on devient affecté par la souffrance de nos enfants.

Un évènement qui déclenche en nous une réaction émotionnelle perceptible par notre enfant génère une empreinte indélébile sur son psychisme jusque-là intact. Il s'agit d'une coloration subjective qui est la nôtre et qui teinte sa perception auparavant encore neutre.

Prenons l'exemple simple du bambin de deux ans qui tombe malencontreusement lors d'un déplacement dans la maison. À moins qu'il ne se blesse, l'enfant vit une expérience qui, pour lui, est neutre. Il est tombé, voilà tout. Son expérience sera neutre jusqu'à ce qu'il voie et ressente la réaction émotive de sa mère (ou de son père). Imaginons que celle-ci, se précipite au secours de son enfant, exprimant, comme nous avons tous réflexe de le faire, ouvertement sa peur; peut-être même avec emphase.

Cette réaction de son parent marque l'enfant et génère en lui une association précise entre le fait de tomber et la qualification émotionnellement « négative » que cela représente aux yeux de son parent. Il apprend donc qu'il est négatif et dangereux de tomber alors qu'en soit, tomber ne représente pas chaque fois un problème. On vient, sans le vouloir, de générer en lui la peur.

Quel impact avons-nous sur nos enfants quand nous exprimons devant eux nos réactions émotives à leurs égards ?

Eh bien notre impact est majeur. Particulièrement avec les tout petits. Ayant un besoin intrinsèque de se sentir en lien avec nous, ils intègrent naturellement notre qualification et se l'approprient afin d'assurer la subsistance du lien.

Je transforme à dessein mon exemple précédent pour illustrer mon propos : si le bambin tombe et que son parent est là, tout près, attentif à ce qu'il vit avant d'y réagir, l'enfant reste l'unique propriétaire de son expérience et de sa réaction. S'il s'est fait mal, il l'exprimera librement et le parent pourra alors l'aider, l'assister avec empathie au niveau requis par l'enfant et par la circonstance.

Si à l'inverse, le parent se précipite en accolant à la situation sa propre interprétation du fait de tomber alors que l'enfant n'est pas du tout souffrant, ce dernier intègrera, en voyant la réaction exagérée de son autorité, qu'il « devrait » vivre autre chose que ce qu'il vit; que le fait de chuter est plus important que ce que son expérience ne lui enseigne.

Ceci a pour effet de diviser l'enfant entre son vécu réel et ce qu'il perçoit dans la réaction de son parent: « La réaction de maman est grave alors que pour moi, la situation ne l'est pas ! Qu'est-ce qui m'échappe ? » Ceci génère de la confusion qui, graduellement, participe à forger l'égo polarisé jusque-là absent chez l'enfant.

Dans la plupart des cas, cette confusion/interprétation du réel, donne éventuellement lieu à d'habiles manipulations de la part de l'enfant qui, parvenu à « l'âge de raison », ou même bien avant, connaît parfaitement les déclencheurs de ses parents et sait précisément comment s'en servir pour obtenir ce qu'il veut.

Comment éviter ce fatras psychique ?

Il est certainement inévitable, mais on peut en limiter les dégâts en prenant conscience de l'impact que nos réactions émotionnelles ont sur notre enfant et en limitant autant que possible, l'expression de nos élans émotifs à ce qui est requis par la situation. Pas évident n'est-ce pas ?

Si on est conscient que notre mode d'expression forge le psychisme de notre enfant, le changement d'habitude sera plus facile.

Déjà, le fait de prendre conscience de la peur qu'on ressent en voyant notre enfant faire une nouvelle expérience (comme faire une chute) est un début. Au lieu de réagir à notre propre peur, on peut alors agir consciemment en fonction des besoins réels de l'enfant. Ça demande une vigilance accrue avec nous-mêmes. Le même type de présence et de vigilance qu'on investit dans un travail ou une tâche qui requiert toute notre attention. Dans le cas qui nous intéresse, notre tâche est celle d'éduquer et de contribuer au bonheur et au devenir « préservé » de notre enfant. J'en profite pour rappeler que nos enfants ne naissent malheureusement pas avec un mode d'emploi accroché au cou ! Il n'en tient qu'à nous de faire le nécessaire pour bien comprendre et répondre adéquatement à leurs besoins respectifs.

Si nous parvenons à être un peu plus présent dans ce que vit « réellement » notre enfant et non sur nos propres réactions et interprétations subjectives de ses expériences, on préserve son apprentissage et on l'autorise à se développer dans son unicité, sans lui imposer notre coloration subjective, nos propres peurs.

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