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Il y a écrire pour soi et il y a écrire pour être lu. Je cherche la frontière.- Tu devrais publier tes textes à plus grande échelle. Ça te permettrait d'avoir un vrai. Genre sur le. - OK, mais pourquoi tu me textes pour me dire ça ? -trop bien. J'ai pas envie de me lever pour aller te voir.
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Il y a toujours de la musique quand j'écris. Aujourd'hui, comme depuis un temps, il y a Louis-Jean. Juste assez beaté. Juste assez de mots. Moi aussi j'haïs ça quand c'est beau. J'haïs ça quand ça marche. J'haïs ça quand mon correcteur me souligne une absence de verbe corrigé. Trop de verbes, ça brise le rythme.

Il y a écrire pour soi et il y a écrire pour être lu. Je cherche la frontière.

- Tu devrais publier tes textes à plus grande échelle. Ça te permettrait d'avoir un vrai feedback. Genre sur le Huffington Post.

- OK, mais pourquoi tu me textes pour me dire ça ?

- Chu trop bien. J'ai pas envie de me lever pour aller te voir.

J'ai éclaté de rire. Je l'ai entendu m'imiter. C'est vrai, qu'il avait l'air bien. Ses six pieds et des poussières libérés de tout stress, étendus à dix mètres de moi sur une chaise longue d'expérience. À la différence que les décennies et les rayons du soleil étaient clairement passés par là, elle était identique à celle sur laquelle Maman dévorait ses romans, l'été, au bord de la piscine derrière la maison. Je la regardais plonger dans une brique puis dans l'autre et j'étais impatiente à l'idée de comprendre un jour toutes les histoires qu'il y avait entre ces pages.

Patrick, lui, lisait le HuffPost sur son cellulaire à travers ses lunettes orange fluo. Je l'observais. De temps à autre il arrêtait pour pianoter sur l'écran. Patrick ne texte pas avec ses pouces, mais avec l'index et le majeur de la main droite. Sourire timide vers l'objet. Je le soupçonnais d'avoir une nouvelle conquête et de ne pas vouloir en parler. Il disait qu'il parlait trop de ses histoires. Que c'est pour ça qu'elles ne fonctionnaient jamais. Trouver une explication rationnelle à tout ce qui ne l'est tellement pas. Ça nous rassure, je présume.

Il y avait lui et moi qui, en toute conscience inconsciente, toastions sans crème de tous les côtés dans le but de se faire un bronzage qui saurait défier l'hiver qui approchait, mine de rien. Il y avait lui et moi et les six autres partis à la cueillette de champignons. Je doutais absolument de leurs connaissances mycologiques, mais dans le pire des cas, nous allions tous mourir ici, ensemble. Une histoire fascinante pour ceux qui suivraient.

C'était il y a quelques mois. Nous étions arrivés à Richmond la veille. La dolce vita de chalet. Une coupe de rouge qui flotte constamment dans le spa même si c'est contre le règlement. Les planchers qui craquent et les draps qui dégagent juste assez d'humidité pour qu'on se sente loin de la maison. On avait roulé beaucoup trop longtemps sous la pluie battante pour s'y rendre. À notre arrivée, on avait mangé du pain et des fromages et on s'était racontés à la lueur du feu de foyer des histoires de disparitions, de fantômes, de rêves prémonitoires, de livres qui tombent de la bibliothèque et d'ombre de Jésus dans la douche. Celle-là, elle est plutôt surprenante, je sais. Après avoir fait un tournoi de roche-papier-ciseau parce que personne voulait dormir sur le sofa, on a fumé des cigarettes parce qu'on ne fume jamais, sauf au chalet. On était seuls au monde. En fait, il y avait des voisins et un troupeau de vaches à 100 pieds, mais ça, on ne l'a su que le lendemain.

C'est en fumant cette cigarette de chalet que j'ai dit à Patrick que j'aimais vraiment ça, écrire. Que ça me faisait du bien d'avoir l'impression de vivre en parallèle. De tout oublier ce que je suis ici, pour vivre les histoires des autres là-bas. C'est parfois bon de prendre un break de soi-même. De quitter sa propre tête. D'oublier la pile de comptes que je devrais vraiment payer. De penser à autre chose qu'au boulot, à la vaisselle qui traîne, à la bouffe du chat, à la fille des assurances que je dois rappeler. Ça fait du bien de penser à autre chose qu'à moi et à autre chose qu'à toi, aussi.

J'ai toujours écrit pour moi, et voilà que je me questionne, depuis Richmond. Et si, effectivement, l'écriture existait différemment lorsqu'elle est partagée ? Et si j'avais envie de sortir de ma bulle? De mon espace à moi? Parce que le blogue personnel, c'est comme une maman qui t'aime peu importe quelle connerie tu peux dire ou faire. Le blogue personnel n'est partagé bien souvent qu'avec des vendus d'avance. Ils sont là le matin où tu te sens comme une petite boule de peine ou d'insécurité en manque de tape dans le dos. J'ai décidé de sortir des jupes de ma mère et d'écrire de temps à autre sur votre tableau. Sur votre HuffPost. Je sors de ma zone de confort parce qu'il est tendance de dire que c'est là que la vraie vie commence.

Écrire pour moi ou pour être lue, peu importe. Écrire parce que c'est bon.

Je suis davantage attirée par l'idée d'écrire des histoires que par l'idée d'étaler mes idées. Mes textes ne prendront que rarement ou jamais la couleur d'une analyse. Je suis qui, de toute façon, pour vous lancer mes analyses en pleine face? «Je» ne sera pas toujours nécessairement moi. Ici par contre c'est bien de moi qu'il s'agit: je m'invite dans votre chalet, dans votre salon. J'espère que vous m'offrirez le café et que vous me trouverez attachante, des fois.

À bientôt.

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Avril 2018

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