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La sexophobie de l'Église

Il faut le comprendre une fois pour toutes: tant que le clergé vivra dans cette misère affective et sexuelle, ces déviances seront inévitables.
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La sexophobie de l'Église est un témoignage. Le récit de ce que j'ai vécu, vu, entendu. Et pensé, compris de mes années de séminaire et des années qui s'ensuivront. Ce témoignage, je l'ai voulu impartial: mon travail est de dire clairement les choses, avec franchise, sans complaisance ni tabou. S'étonnera-t-on encore de ce flux incessant d'affaires qui plombent l'Église? Mais comment pourrait-il en être autrement?

Il faut le comprendre une fois pour toutes: tant que le clergé vivra dans cette misère affective et sexuelle, ces déviances seront inévitables. Le reste est mensonge, duplicité. Et folie.

Si les faits sont plus ou moins connus, ils sont surtout sous-estimés ; ce sont des milliers et des milliers de crimes pédophiles en terres catholiques: irlandaise (des dizaines de prêtres dans le seul diocèse de Dublin, rapport du Juge Murphy, novembre 2009. Abus sexuels et violences sur des milliers d'enfants confiés aux Instituts catholiques, rapport du juge Ryan, mai 2009), américaine (11 000 enfants abusés par plus de 4400 prêtres incriminés), allemande (23 diocèses concernés sur 29), belge, canadienne, autrichienne, australienne («les pensions de la honte»), etc.

C'est également l'homophobie de l'Église, condamnant l'homosexualité pour acte contre nature et «injure à Dieu», le cardinal Bertone (ex n°2 du Vatican) associant même homosexualité et pédophilie, alors qu'une part du clergé est contrainte de vivre son homosexualité dans la clandestinité (30% des prêtres italiens avérés homosexuels ; en Europe et aux États-Unis, on avance plus souvent le chiffre de 50%).

C'est encore sa misogynie, une inégalité de pouvoir au sein de l'Église selon que l'on est homme ou femme, le sacerdoce étant refusé à cette dernière («Une femme ne peut devenir prêtre parce que le Seigneur était un homme» Paul VI, 1977; «La charge d'enseigner, de sanctifier et de gouverner les fidèles est exclusivement réservée aux hommes» Jean-Paul II, encyclique ordinatio sacerdotalis 1994).

Ce sont enfin les nombreuses liaisons clandestines de prêtres et d'évêques qui ont femme et enfants: estimation d'un 1/3 en Allemagne, en Europe donc, mais aussi en Asie, Afrique, Amérique latine.

Tous ces chiffres sont soigneusement passés sous silence par la Curie romaine, mais c'est oublier la somme de souffrances, de drames humains, de vies perdues, qu'une Église arc-boutée sur un socle idéologique figé, un paradigme médiéval, inflige à tous ces enfants, femmes, religieux, violentés, bafoués, meurtris. Et c'est bien l'ampleur du phénomène qui pousse à l'analyse: il ne s'agit pas de cas isolés, le mal est structurel.

Comment donc comprendre ces déviances à la loi et ces écarts à la discipline ecclésiastique? La réalité est que «tout cela se fabrique dans les séminaires», ces écoles à travailler les consciences. On y apprend la diabolisation de la sexualité, «tout désir sexuel est péché en lui-même», la détestation de la femme, impure et impropre au sacré, «méfiez-vous des femmes» nous répétait-on, le mépris du corps, la dépréciation du plaisir, «la porte du diable».

Or rien n'est plus insensé ni plus pathogène que cette répression. La sexualité est un besoin naturel essentiel, l'un des centres autour duquel tournent la vie sociale et la vie intérieure de la personne. Nous en passons tous par là. Le nier est une imposture. Interdits de sexualité, on devient fous, malades, tordus. Prêtres et religieuses sont soumis à l'impossible pari de l'asexualité et du célibat (question fermée, Jean-Paul II), une vie de privations et de frustrations qui finit par les épuiser, les aliéner psychiquement, affectivement, émotionnellement. Ce sacrifice est vain, cruel. Et contre-productif, les faits sont têtus:

- Doctorat de Marie-Paule Ross, religieuse sexologue missionnée par Jean-Paul II: 80% des dignitaires ayant un rôle clef au sein de l'Église commettent des écarts: auto-érotisme, pornographie, pratiques sexuelles compulsives, drague sur internet, etc. Lit-on bien? 80%!

- Étude de Luigi Rella, psychothérapeute: 60% des personnes consacrées sont immatures, 20% souffrent de pathologies graves.

- études américaines: 60% du clergé américain est sexuellement immature.

Cet enseignement doctrinal est humainement désastreux, il pousse à la tricherie, à la déviance. On se demandera: mais quel peut donc être l'intérêt de l'Église à soutenir une telle idéologie? La sexualité a toujours été au centre des problématiques liées à la liberté. Et l'un des ressorts du pouvoir religieux: contrôle des sujets en les maintenant dans l'immaturité affective et sexuelle, intérêt financier et patrimonial par le jeu des légations à titre universel ou particulier des biens des prêtres.

Soyons précis: l'Église ne pouvait ignorer des affaires en nombre aussi massif. Complice, elle a pratiqué le déni, ce que le CRC de l'ONU (05.02.2014) a appelé «le code du secret», évoquant notamment l'Epistula de delictis gravioribus du cardinal Ratzinger adressée le 18 mai 2001 aux évêques du monde entier, plaçant sous secret pontifical (Secretum pontificium) les cas d'abus sexuels, institutionnalisant de fait ces déviances et écarts.

L'Église n'a plus le choix, elle est en situation de rupture, de mort programmée: depuis 1960, 100 000 départs de prêtres sur les 400 000 dans le monde. En France, on comptait alors 40 000 prêtres ; en 2010, ils étaient 15 000, dont un bon tiers âgés de plus de 75 ans. Sans une réforme profonde, radicale, elle disparaîtra. L'Église en est là, c'est son avenir qui se joue, l'avenir du catholicisme.

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Ce livre traite de la sexophobie de l'Église et de ses déviances: pédophilie, homophobie, peur phobique de la femme, amours clandestines...

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