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L'urgence d'une enquête nationale sur les femmes autochtones

La violence envers les femmes autochtones doit absolument être vue comme un problème de société.
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La situation des femmes autochtones du Canada n'a rien pour faire un «pow wow», c'est-à-dire rien de réjouissant. Elles subissent beaucoup de violences. Une enquête nationale, d'un océan à l'autre, en passant par celui du Nord, s'avère urgente.

Malheureusement, le premier ministre canadien semble insensible à la souffrance que vit la gent féminine des Premières nations. À plusieurs reprises, il a écarté cette possibilité. Pourtant, toutes les provinces et tous les territoires appuient l'idée d'ouvrir une grande enquête. Celle-ci serait une suite logique à la commission vérité et réconciliation.

Il a qualifié les histoires de femmes autochtones assassinées ou disparues comme étant de simples crimes et non comme des « phénomènes sociaux » (...) « Nous ne devrions pas voir ceci comme un phénomène sociologique, mais comme de la criminalité », a-t-il dit dans le cadre de son séjour annuel dans le Grand Nord.

La fermeture de Stephen Harper a indigné la population.

L'assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, qui regroupe 43 chefs indiens, a répondu tout de go : «Le gouvernement Harper (...) persiste à fermer les yeux sur la situation alarmante des femmes et des filles des Premières Nations et disparues et assassinées».

Et puis, «par son entêtement, le gouvernement Harper envoie un message très inquiétant à nos femmes et à nos filles : elles sont quatre fois plus en danger que les femmes et les filles non autochtones canadiennes et le gouvernement Harper n'y porte pas attention».

Justin Trudeau, le chef du Parti libéral du Canada, que bien des gens autour de moi voient comme successeur au premier ministre actuel, a répondu : « Il est sûr et certain qu'un crime a été commis, un crime horrible, mais il s'agit d'une tendance qui dure depuis des années, et le Canada doit absolument aller au fond des choses avec une enquête nationale. »

La montée au front a commencé à Winnipeg. Là-bas, Tina Fontaine, 15 ans, s'est enfuie du foyer d'accueil qu'elle habitait depuis moins d'un mois. Son corps a été retrouvé dans un sac de plastique dans la rivière Rouge, le 17 août, pas très loin du monument que le Manitoba a érigé à la mémoire d'environ 1200 femmes autochtones disparues ou assassinées. Il est fait de granite. Il mesure deux mètres et a été installé près de la jonction entre les rivières Rouge et Assiniboine, au centre-ville de Winnipeg.

Stephen Harper a raison de dire qu'il s'agit d'un crime et que l'histoire de Tina Fontaine doit être traitée de la sorte, mais il devrait aussi faire acte de plus d'ouverture et accepter de tenir la grande enquête qui est réclamée par tous. La police ne peut pas résoudre des problèmes anthropologiques. Pour cela, il faut faire une exégèse de la situation, une herméneutique et mettre en route où tout cela nous amène.

La violence envers les femmes autochtones doit absolument être vue comme un problème de société. En mai dernier, la GRC a publié des statistiques détaillées de 1181 dossiers depuis 1980. Le rapport indiquait que les femmes autochtones représentent 4,3 % de la population canadienne, mais 16 % des femmes victimes d'homicides et 11,3 % des femmes disparues. Ces chiffres sont assez importants pour nous faire bouger.

Cependant, réduire cette question à sa seule dimension de sécurité publique, voire de criminalité, en ne faisant guère de liens avec les conditions de vie des victimes est une erreur. Il faut prendre en compte la pauvreté, la culture, le logement ou la vulnérabilité psychologique des victimes. Il faut aussi replacer tout cela dans un contexte historique, celui que nous partageons avec les Premières Nations, mais aussi celui vécu historiquement, bien avant notre époque. Nous avons un triste héritage commun, mais il y en a aussi un, dans les sociétés amérindiennes, qui existait bien avant notre passé réciproque.

Face aux femmes autochtones et leurs cultures, il nous faut sortir des clichés. Elle est révolue l'âge d'or des «cow boys» et des Indiens. La réalité n'a rien à voir avec un folklorique festival western comme à Saint-Tite.

Comment reconstituer leur identité qu'on leur a brisée en mille morceaux et qu'on tente de recoller avec nos colles idéologiques?

Il faut bien plus qu'une enquête sur les femmes autochtones.

Il y a aussi d'autres réalités sociales des Premières nations qui sont à approfondir afin de mieux comprendre et mieux intervenir pour leur venir en aide et, surtout, pour donner des outils à chaque citoyen autochtone canadien pour leur propre prise en charge. Je pense notamment aux questions du taux élevé de suicides, aux problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie. Le gouvernement fédéral a longtemps infantilisé les Premières Nations, notamment en créant la loi sur les Indiens. Il serait peut-être le temps de les amener vers l'âge de l'autonomie.

Il me semble qu'en les écoutants davantage, on trouvera des solutions. Tout est à la base d'un bon dialogue.

Celui-ci prend d'ailleurs sa source dans une capacité d'empathie. Il ne faut pas se limiter à écouter les paroles que les autres prononcent. Il faut surtout «tenter de saisir la communication non dite de leurs espérances et aspirations, de leurs difficultés et de ce qui leur tient le plus à cœur. Cette capacité conduit à une authentique rencontre, dans laquelle le cœur parle au cœur», pour reprendre les propos du pape François aux évêques catholiques d'Asie, le 17 août, à Haemi, en Corée du Sud.

Souvent, les solutions sont beaucoup plus simples que celles que l'on a imaginées. Selon les Premières Nations, qu'est-ce qui est à la source de leur souffrance collective? De quel remède pensent-elles avoir besoin pour guérir? Et pourquoi pas... Quels sont leurs rêves et leurs aspirations? Comment voient-elles notre cohabitation commune?

Il faut tout faire pour créer des ponts. À la suite de cette enquête nationale et de la mise en route de ces conclusions, nous aurons une vraie raison de faire un «pow wow» pan canadien, comme il y en aura un chez les Mowack d'Akwesasme les 6 et 7 septembre et les Algonquins de Lac-Simon les 13 et 14 septembre.

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