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Mettez toute allégeance politique de côté, nous vivons une période fort dangereuse de notre histoire. Nous sommes à un moment crucial de la construction de notre nation commune, à l'intersection entre la collectivisation de la richesse au sein du prolétariat et l'oligarchisation tranquille.
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Tout au long de la dernière campagne électorale, j'ai eu un malaise. Un malaise qui a rendu cette campagne pénible et dangereusement perturbante. Ce malaise, je le partage avec quelques-uns d'entre vous, je le sais.

Je l'espère.

On me parle de corruption. En fait, on m'en parle sans vraiment m'en parler. Couillard et Porter, Marois et le «deal», le PLQ en général, l'arrêt de la commission Charbonneau en raison du déclenchement hâtif des élections, ce genre de choses. Spectacle fascinant que de regarder ce qui est sensé être la pire disgrâce possible être présentée comme une triste corruption de mœurs. Tout aussi fascinant de regarder les résultats des dernières élections.

Mettez toute allégeance politique de côté, nous vivons une période fort dangereuse de notre histoire. Nous sommes à un moment crucial de la construction de notre nation commune, à l'intersection entre la collectivisation de la richesse au sein du prolétariat et l'oligarchisation tranquille. Allons dans les détails.

La corruption est un problème beaucoup plus grave, infiniment plus menaçant que nous ne semblions le croire en tant que peuple. Elle est historiquement la principale cause de la chute des plus grands empires du monde. Étudiée avec le recul, elle est notamment pointée du doigt pour une chose : causer l'érode de la richesse prolétaire au profit de la «super-classe», par la convergence des intérêts. Cette convergence des intérêts est extrêmement dangereuse et représente exactement ce que nous vivons en ce moment au Québec : la majeure partie des pouvoirs politiques sont soumis au désir d'une élite dépendante de la classe moyenne.

La convergence des intérêts aux États-Unis

Un tel système est en train de venir à bout des États-Unis, la plus grande puissance économique et politique du monde. Il est difficile de résumer la situation politique et la réalité socio-économique du pays sans avoir l'air alarmiste. Allons-y simplement avec des chiffres. Au cours de la dernière année, 95% des nouveaux revenus générés aux États-Unis se sont retrouvés dans les poches du «top one percent», cette élite sélecte d'Américains contrôlant 40% des avoirs financiers du pays. Évidemment, le cas des États-Unis nous est fort inutile si nous ne discutons pas de l'influence politique que crée ce phénomène de concentration de la richesse. Elle entretient le système. Lorsque les intérêts sont concentrés, l'espace politique d'un État se retrouve saturé par les débats de l'agenda corporatif. On ne parle plus d'améliorer le salaire minimum, par exemple. Si on doit le faire, c'est parce que le parti républicain (le parti le plus néolibéral) subit des pressions internes par ses membres financés par des corporations afin qu'ils le fassent baisser. On ne parle plus d'équité, on parle de payer les employés par rapport à leur performance.

Bref, le discours politique est saturé par une force gigantesque qui, par ses moyens financiers, réussit à détourner le débat sur les enjeux qui les avantagent. Cette force se traduit de plusieurs façons, mais majoritairement par le biais de contributions aux caisses de parti et de retours d'ascenseur. Dès les primaires des partis, qui devraient servir à avoir un débat sain entre un démocrate et un démocrate, on se retrouve avec des candidats qui ne tentent pas d'épater leurs collègues, mais plutôt de convaincre les gros donneurs du parti d'appuyer leur campagne. C'est la notion que j'utiliserai si un jour on me demande d'expliquer la radicalisation du parti républicain et la montée du Tea party. Commencez-vous à comprendre où je vous amène?

Tout au long de la campagne, on a dépeint la corruption comme une mœurs à chasser de notre société, mais avec le sérieux d'un sujet de seconde classe, après l'économie et la santé. Combien d'emplois ont été créés? Combien de nouveaux médecins de famille? Combien de contribuables floués? Le bilan d'un parti devrait plutôt commencer avec la dernière question. On m'a parlé de corruption, mais pas de ce qu'elle représente. Je le ferai donc.

Ce que nous devons comprendre, c'est que la corruption n'est pas juste un grave problème de société, elle est une menace incroyable à l'essence même des principes de notre démocratie. Ce à quoi nous avons assisté au Québec est un phénomène tellement flagrant et ignoré qu'il en est fascinant. Le PLQ fut au pouvoir 10 ans. C'est trop long. N'importe quel parti occupant le pouvoir législatif aussi longtemps sans interruption serait rongé par la corruption et serait devenu une arme corporative. Une fois le pouvoir législatif financé par le privé, il devient très tentant pour un candidat d'essayer de plaire aux plus gros contributeurs du parti. Et si vous croyez que le phénomène n'est pas aussi grave au Québec : Roche, la firme d'ingénierie, a récolté 90% de ses contrats à Montréal grâce à de l'influence politique sous le gouvernement Charest. Incroyable.

Laissons le pouvoir au peuple

Dans une démocratie où le pouvoir est à une élite qui profite de la population pour servir ses intérêts, on n'utilise pas le mot «démocratie» en l'étudiant 100 ans plus tard. On parle d'oligarchie. On parle d'un système qui a causé la perte du seul pouvoir suprême du peuple : élire ses dirigeants.

C'est un peu pour cela que les récentes élections provinciales m'ont autant renversé. Nous sommes dans une ignorance tellement profonde par rapport aux conséquences de la corruption que nous acceptons de parler de la stratégie économique d'un parti avant de se remémorer ce dont il est coupable. On parle de ses idées avant de se rappeler l'opération in extremis qu'il aura fallu performer pour sauver sa démocratie de l'oligarchisation à peine 18 mois plus tôt. Avons-nous oublié ce calvaire?

J'écris en tant que citoyen, je ne fais aucune observation politique. Juste sociologique. Nous sommes conscients en tant que peuple qu'un parti est corrompu, mais nous le reportons au pouvoir. Nous envoyons un message direct à l'élite économique : «tout fonctionne bien, vous pouvez continuer.» Je ne dis évidemment pas que le PLQ est seul à s'asseoir dans la chaise du corrompu, puisque toutes les formations politiques ont leur part du gâteau dans ce genre de système. Par contre, le parti que l'opinion publique qualifie de corrompu, c'est le PLQ. Même si cette opinion publique se trompe et qu'un autre est pire, reconnaissez que le simple fait que ces personnes soient reportées au pouvoir est en soi inquiétant. Alors que le seul réel défenseur de la classe moyenne demeure l'élection, le message que nous choisissons d'envoyer à notre pouvoir, c'est ça? En voyant dans le journal que le Congrès américain se bat à décider si les enseignants devraient porter des fusils et en étant effrayé de voir à quel point le lobby des armes est devenu puissant, ne sommes-nous donc pas plus inquiets d'entendre que notre pouvoir est en danger de subir le même sort?

Que ce soit le PQ, le PLQ ou n'importe quel autre parti, réclamons justice. Je ne vous invite pas du tout à voter pour des plus petits partis comme ON, QS ou la CAQ, ce n'est aucunement mon intention. Je veux simplement lancer un appel à la conscientisation. Connaissons la réelle menace qu'est la corruption. Collectivement, soyons plus hostiles à celle-ci. Faisons preuve de rigueur, affirmons haut et fort que nous ne tolérerons plus d'être pris comme otage par les intérêts corporatifs. Il est temps de dire non aux Desmarais de ce monde qui font de la politique cachée. Nous sommes protégés jusqu'à un certain point par un système électoral rigoureux, mais ce système est fort fragile quand on a des preuves publiques que de la pression est mise pour en faire tomber les barrières.

Soyons collectivement plus alertes. Nous sommes à un moment crucial où nous pouvons encore prendre un virage.

La politique est un jeu fascinant.

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