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«Chargement 200» ou le triste destin des mercenaires russes

Récemment l'affaire du transport vers la Russie des corps des mercenaires russes tués lors des combats en Ukraine a défrayé la chronique.
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Récemment l'affaire du transport vers la Russie des corps des mercenaires russes tués lors des combats en Ukraine a défrayé la chronique. «Le chargement 200», baptisé ainsi par les journalistes en référence au code inscrit sur les camions, est une des preuves directes de l'implication russe dans le conflit qui se déroule à l'Est de l'Ukraine. Malgré cette évidence, Vladimir Poutine continue à nier la présence des mercenaires russes sur le territoire ukrainien. La tragédie du vol MH17, abattu à l'est du pays le 17 juillet, a relancé la polémique quant à l'implication russe dans cette guerre.

Alors, peut-on accuser la Russie de nourrir le conflit en Ukraine en aidant les insurgés avec des armes, comme le BUK incriminé dans le crash du vol MH17, ainsi qu'avec des mercenaires? Est-il pertinent de parler des «séparatistes pro-russes» quand la plupart des leaders «séparatistes» sont des citoyens russes ayant travaillé pour la Direction générale du renseignement (GRU) ou pour le FSB (ex KGB)? Comme le désormais «célèbre» ministre de la Défense de «la République populaire de Donetsk (DNR)» Igor Strelkov, (Girkin de son vrai nom) qui s'avère être un officier de GRU, alors que le ministre autoproclamé de la même DNR, Alexandre Borodaï, est un ancien directeur-adjoint de l'information politique du FSB.

Le journaliste russe de Novaïa Gazeta, Pavel Lobkov, compare le conflit à l'est de l'Ukraine avec le début de la guerre en Tchétchénie. Là, non plus, il ne s'agissait pas de militaires russes, juste des «volontaires», des hommes au chômage avec une grande motivation ou d'anciens militaires qui partaient combattre immédiatement après avoir donné leur démission de l'armée russe. D'après le journaliste, les corps de ces soldats non officiels du Kremlin étaient toujours enterrés à la hâte, et les témoignages de leurs proches furent interdits de diffusion dans les médias russes.

Ce qui est différent avec le conflit ukrainien, c'est que nous vivons à l'époque d'internet et des réseaux sociaux qui jouent un rôle non négligeable dans la diffusion de l'information. Des mercenaires russes capturés sont pris en photo avec les passeports prouvant leur nationalité et les informations sont publiées sur internet en un temps record. «La mort c'est une chose difficile à cacher», souligne Lovkov, et c'est bien des cercueils de citoyens russes en provenance de l'est de l'Ukraine qui constituent une preuve irréfutable de l'implication russe dans cette guerre. De nuit, des camions réfrigérés traversent la frontière russo-ukrainienne pour rejoindre Rostov-sur-le-Don, dans le silence total des médias et de la classe politique russe.

Mais pourquoi envoyer tous ces corps à Rostov-sur-le-Don? Le choix de la destination n'est pas dû au hasard. Cette ville, abritant un très important complexe militaire, situé dans un des quartiers les plus éloignés de l'agglomération, est dotée d'une base aérienne, d'un laboratoire militaire, mais surtout d'une des plus grandes morgues de la Fédération de la Russie. Abritée au sein de l'hôpital 1602 cette morgue pouvant accueillir jusqu'à 400 corps, est un héritage de la guerre de la Tchétchénie; tous les corps des militaires ou volontaires tombés dans les guerres non officielles de la Russie, arrivent précisément dans cet endroit.

Quant aux familles de ces volontaires, abandonnées par l'État russe qui ne les prévient même pas de la mort de leurs proches, elles restent livrées à elles-mêmes. Leur seul moyen de savoir si leurs mari, père, fils ou frère ont été tué, c'est encore de consulter le site d'un blogueur ukrainien Dmytro Barma, «Les photos des séparatistes tués», qui publie donc des photos des «séparatistes» abattus par l'armée ukrainienne. Toutefois, ce site n'est plus alimenté en photos depuis près de deux mois. Dans les cas où la famille apprend d'une manière certaine la mort d'un proche, il n'est pas sûr que le corps leur sera rendu sous prétexte du secret militaire. Seules les personnes ayant des relations peuvent récupérer les corps de leurs défunts... sans avoir toutefois l'autorisation d'ouvrir le cercueil.

D'après les enquêtes menées par des journalistes russes de la chaîne de l'opposition Dozhd et du journal Novaya Gazeta, le recrutement des mercenaires se fait «au noir», mais avec une aide appuyée des institutions d'État, comme celle des bureaux de recensement militaire qui approchent des hommes susceptibles d'accepter de partir combattre en Ukraine. Malgré les réfutations des ces institutions, des vétérans russes de la guerre de Tchétchénie et de Géorgie, confirment avoir fait objet de ce genre de sollicitation.

La Russie tente par tout moyen de se dédouaner de ses propres citoyens qu'elle envoie faire cette guerre non déclarée. Les futurs vétérans non reconnus deviennent des témoins plus que gênants des agissements du Kremlin. Dans sa lettre adressée aux «séparatistes» de Donbass, la dissidente russe Valéria Novodvorskaya, décédée subitement le 12 juillet dernier, prévient ces hommes du sort que leur réserve le gouvernement russe. «Vous n'êtes que de la chaire à canon pour le Kremlin», assure cette femme qui s'est toujours battue contre la répression et le totalitarisme et qui reste persuadée qu'au premier son de défaite, Poutine n'hésitera pas à se débarrasser de ces mercenaires devenus gênants.

Les prédictions de Valéria Novodvorskaya se confirment dans les faits. À plusieurs reprises les gardes-frontière russes ont ouvert le feu sur des mercenaires qui essayaient de quitter le territoire ukrainien. D'autant plus que les rumeurs de l'élimination par le Kremlin des présumés responsables de l'écrasement de Malaysia Airlines a fait des gros titres de la presse internationale. Cependant, la Russie n'est pas la seule à financer les séparatistes qui sévissent à l'est de l'Ukraine. Le Parti communiste ukrainien ainsi que le Parti des Régions, celui même du Président déchu Ianoukovitch, font objet d'enquêtes. Les services de sécurité ukrainiens affirment détenir des preuves selon lesquelles les représentants du PC(U) de Louhansk fournissent des armes aux insurgés pro-russes, alors que le leader du PC(U) de Louhansk, Olexandr Andriyanov, a annoncé rejoindre des séparatistes de la «République populaire de Louhansk».

Il est à noter également que les députés communistes et les représentants du Parti des Régions ont été les seuls à refuser de voter pour le projet de loi visant à renforcer la frontière russo-ukrainienne. Sans oublier que depuis de nombreuses années, l'est de l'Ukraine est le théâtre d'une guerre entre clans mafieux qui essayent de tirer l'avantage de la situation pour garder la mainmise sur la région et doivent en profiter pour éliminer leurs adversaires en les faisant passer pour des victimes des «dommages collatéraux».

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