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Ce secret qui nous détruit, nous les parents

Je vais vous dire ce qui n'est pas acceptable: que des parents refoulent leurs émotions au point de finir par se cacher pour pleurer dans une pièce isolée.
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On n'est pas à la hauteur. On est épuisés. Certains jours, on est même en mille morceaux.
martin-dm via Getty Images
On n'est pas à la hauteur. On est épuisés. Certains jours, on est même en mille morceaux.

Combien de fois, ce secret qui nous détruit, les parents? Il faut qu'on se mette à en parler ouvertement.

Nous sommes nombreux à partager un même secret. On l'évoque en plaisantant, en rigolant d'un air désinvolte, comme s'il n'avait rien de sérieux. On s'amuse à inscrire un ami à un club d'amateurs de vin, avec un petit mot humoristique. De temps en temps, on publie une photo de notre «vraie vie» sur les réseaux sociaux.

Puis on va s'enfermer dans la salle de bains. On s'assoit à l'écart, là où personne n'ira nous chercher. Certains prennent leur téléphone, ou bien un livre; d'autres restent juste assis à fixer le mur d'en face.

Il y a de l'eau qui coule; on l'entend s'égoutter sur la surface en porcelaine.

Floc, floc, floc...

Et puis un gémissement étouffé, guttural, vient nous rappeler que c'est bien nous qui pleurons... Ce sont nos larmes qui frappent ainsi le carrelage.

Et si on a de la chance, alors il n'y a pas de mains qui tentent de se glisser sous la porte, pas de voix hurlant notre nom, pas de grands bruits sourds en provenance du salon.

Même assis là, en larmes dans la salle de bains, entourés par le son caractéristique des sanglots, on sent notre secret peser sur nos épaules.

On n'est pas à la hauteur. On est épuisés. Certains jours, on est même en mille morceaux.

Dans nos rares moments de solitude, on arpente le supermarché ou le magasin d'alimentation du coin dans un état second. C'est tellement courant que les autres parents s'en rendent compte et n'hésitent pas à faire la remarque: «Tu n'as pas les enfants aujourd'hui, hein?» On en sourit. Parfois, notre conjoint nous lance un truc du genre «Mais pourquoi tu es tellement stressé(e)? Tu as pu sortir sans les petits hier!»

C'est ça, notre réalité: on est tellement submergés qu'une heure passée dans une boutique pleine de monde est considérée comme un moment de réconfort.

Comprenez-moi bien, je ne suis pas en train de dire que nos conjoints manquent de considération ou de respect envers nous. Au contraire, ils sont complètement sincères. C'est ça, notre réalité: on est tellement submergés qu'une heure passée dans une boutique pleine de monde est considérée comme un moment de réconfort.

Alors oui, on peut dire en rigolant que c'est toujours l'heure pour un petit verre de vin et voir nos amis acquiescer d'un air entendu, marquer notre statut Facebook d'un «j'aime» ou notre photo sur Instagram d'un cœur... Mais peut-être qu'à moment donné, il faut aussi qu'on apprenne à se tourner vers l'extérieur.

Euh... Encore un ajout sur notre liste de choses à faire? Laissez-moi vous expliquer ce que je veux dire.

J'aimerais pouvoir simplifier la question, vous filer un petit lien vantant les bienfaits psychologiques de la vie dans une tribu, sans les pressions quotidiennes de notre société. Je pourrais vous présenter mon utopie à moi, mais il y a déjà des tas de blogues qui reprennent tous le même refrain.

«Il nous faut des communautés de vie.» «On doit faire revivre l'esprit de village.» «Dans l'ancien temps, une autre femme pouvait allaiter votre bébé pour vous permettre de dormir.»

Bon Dieu, qu'est-ce que j'aimerais que toutes ces choses nous soient accessibles. Tous les jours, je me l'imagine... Le plus souvent assise dans ma salle de bains, démangée par l'envie de me servir un verre de vin.

Alors, regardons plutôt ce qui est possible aujourd'hui, et listons les ressources déjà à portée de main.

Votre communauté en ligne

On en a tous une, plus ou moins développée.

Le soutien d'un professionnel

Je ne parle pas que des psychologues. Trouvez-vous une femme de ménage ou une doula; embauchez quelqu'un pour promener votre chien ou vous aider à vous occuper des enfants. Fixez-vous un budget, même s'il ne s'agit que d'une trentaine de dollars pour faire laver et repasser votre linge.

Le sommeil

On ne rit pas! Pour tous ceux qui me connaissent, j'imagine votre sourire... Je suis quelqu'un qui dort à peine -- tout simplement parce que je me lève en même temps que mes enfants, et que quand ils sont enfin au lit, j'ai absolument besoin d'un peu de calme. Sauf que ce temps de pause m'amène souvent jusqu'à quatre heures du matin -- et que trois heures après, on recommence... Alors non seulement je suis à bout mentalement, mais je ne tiens que grâce à la caféine.

Les mantras

Ça ne vaut pas que pour les hippies! Réciter un mantra ne vous prendra qu'une minute dans une journée. Notez-le sur papier; profitez d'un moment de calme nocturne pour le mettre en couleur. Puis collez votre feuille sur un miroir ou sur le mur de votre salle de bains, bien en vue. Tentez l'expérience pendant deux semaines, et vous verrez bien le résultat.

La vérité

Je l'ai gardée pour la fin, car à mes yeux, c'est le plus important. Nous contenter de plaisanter sur notre goût pour le vin ou nos virées au supermarché n'est utile ni pour nous ni pour les autres parents.

Avez-vous déjà souri à une petite blague, avant de rester scotché devant la maison impeccable de la personne? Ou les photos de parfaits petits dîners qu'elle postait sur Pinterest? Combien de fois voyez-vous des couples d'amis poser sur un bateau, entourés d'une bande de gosses au sourire éclatant?

Et vous, pendant ce temps, vous servez des pâtes toutes prêtes après vous être démonté le pied sur un Lego un peu trop guerrier -- et s'il vous venait à l'esprit de tenter une virée maritime, c'est sûr, l'un de vos enfants passerait par-dessus bord et la vidéo du sauvetage finirait à la télé...

C'est complètement légitime d'admettre que vous êtes dépassé, qu'il vous arrive de regretter d'être parent, et que oui, il y a même des jours où vous envisagez très sérieusement de faire une fugue et de vous réfugier dans le loft de vos rêves, où vous vivriez nue en peignant toute la journée (un peu trop spécifique peut-être?).

Ce n'est qu'en affirmant à quel point ces sentiments sont normaux que nous pourrons commencer à nous entraider, à mieux nous en sortir et, finalement, à devenir de meilleurs parents.

Ce n'est qu'en affirmant à quel point ces sentiments sont normaux que nous pourrons commencer à nous entraider, à mieux nous en sortir et, finalement, à devenir de meilleurs parents.

Dans l'ancien temps... Je sais, j'avais dit que j'éviterais de repartir là-dessus, mais c'est plus fort que moi... Dans l'ancien temps, les gens savaient se donner un coup de main. On avait les autres; on avait du soutien, et on pouvait filer satisfaire un besoin sans un petit dans les bras!

Et aujourd'hui? On a du vin, des antidépresseurs et des idées toutes faites sur ce qui est acceptable ou non.

Je vais vous dire ce qui n'est pas acceptable: que des parents refoulent leurs émotions au point de finir par se cacher pour pleurer dans une pièce isolée, avant de se débarbouiller pour retourner dans l'arène.

Je vais vous dire ce qui n'est pas acceptable: que des parents refoulent leurs émotions au point de finir par se cacher pour pleurer dans une pièce isolée, avant de se débarbouiller pour retourner dans l'arène. Ce qui n'est pas acceptable, c'est que notre grand moment de bonheur consiste à aller faire les courses tout seul.

Il faut que tout ça change. Laissez sortir vos émotions négatives, demandez de l'aide, proposez votre soutien aux autres... Et puis payez-vous une manucure et un massage pendant que quelqu'un d'autre s'occupe de vos enfants, et sans culpabilité, je vous prie!

Nous devons cesser de nous cacher. Notre vie en dépend.

Ce blogue, publié à l'origine sur le HuffPost américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour le HuffPost Maghreb.

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