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Le journaliste canado-égyptien Mohamed Fahmy doit être libéré et non rejugé

Journaliste pour Al Jazeera, Mohamed Fahmy est incarcéré depuis plus d'un an dans une affaire qui heurte la conscience de nombreux observateurs, en Égypte et dans le monde. Nous souhaitons travailler de manière constructive avec les autorités égyptiennes pour parvenir à un accord de libération aussitôt que possible.
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4 janvier 2015

Le 1er janvier 2015, la Cour de cassation égyptienne a accepté l'appel de la condamnation du journaliste Mohamed Fahmy à sept ans de prison. La plus haute juridiction du pays a ainsi reconnu que le procès initial était entaché d'irrégularités, mais elle a aussi ordonné que M. Fahmy soit rejugé, et a refusé sa libération sous caution. Le raisonnement de la cour et le point de vue du ministère public devraient être publiés dans les prochaines semaines.

M. Fahmy a été condamné pour diffusion de fausses informations et pour son soutien aux Frères musulmans. Ces accusations sont fausses et n'étaient pas étayées lors du procès. M. Fahmy n'a jamais soutenu cette organisation et rien n'a permis d'établir lors du procès qu'il avait, en toute connaissance de cause, disséminé de fausses informations ou dit quelque chose d'inexact. Il purge aujourd'hui une peine draconienne, au seul motif d'avoir fait son métier.

L'organisation d'un nouveau procès prendra beaucoup de temps et son issue est incertaine

On ne voit pas non plus comment une nouvelle procédure résoudrait les carences du procès original. Les accusations elles-mêmes vont à l'encontre du droit fondamental à la liberté d'expression, garanti par la constitution égyptienne et par le droit international. Rien n'assure que d'autres juges présideraient un procès en bonne et due forme, ou qu'ils exigeraient des preuves convaincantes avant de décider ou non d'inculper les prévenus. M. Fahmy ne peut donc pas compter sur un nouveau procès pour obtenir justice rapidement.

En qualité d'avocats de M. Fahmy, nous sommes en pourparlers avec les autorités égyptiennes et canadiennes, dans un esprit de coopération, afin de permettre que cette affaire soit résolue rapidement et à la satisfaction de tous. Nous avons soumis une demande écrite de grâce et de remise en liberté au président égyptien, aux ministres de la Justice et des Affaires étrangères, et au procureur général, et nous attendons leur réponse.

L'article 155 de la constitution égyptienne confère au président Sisi le pouvoir de gracier M. Fahmy et ses confrères quand bon lui semble. M. Sisi a déjà pris ses distances avec la décision du tribunal, soulignant que la décision d'arrêter M. Fahmy avait été entérinée avant son accession à la présidence. Il a déclaré que M. Fahmy et ses confrères n'auraient pas dû être jugés pour cette affaire, s'est désolé des conséquences négatives de cette histoire pour l'Égypte et il a dit qu'il n'était pas fermé à la possibilité d'une grâce présidentielle ou la recherche d'une autre solution. Maintenant que la Cour de cassation a statué sur l'appel de M. Fahmy - et que la justice a reconnu que des irrégularités avaient eu lieu - nous espérons vivement que le président, qui a laissé entendre qu'il ne gracierait pas les accusés tant que l'action civile était en cours, donnera sa décision.

Un transfert du dossier vers le Canada est également possible, et cette solution a été validée par le gouvernement canadien. Nous sommes en contact - ainsi que notre confrère canadien, Lorne Waldman - avec des membres du gouvernement à Ottawa et discutons activement des conditions d'un tel transfert avec le ministère des Affaires étrangères canadien, qui nous a informés que le ministre, M. Baird, étudiait notre demande de rendez-vous. Nous espérons vivement qu'une telle rencontre pourra être organisée avant sa visite au Caire, prévue pour la mi-janvier. Nous serions aussi très reconnaissants aux autorités égyptiennes d'apporter une réponse officielle à notre demande de grâce, et à d'autres discussions concernant les termes d'un transfert.

Étant donné que l'examen d'une telle mesure et des négociations liées au transfert du dossier vers le Canada prendront un certain temps, il est impératif que M. Fahmy soit d'ici là libéré pour raisons médicales, comme le prévoit le code de procédure pénale égyptien. Une demande de mise en liberté pour motifs humanitaires a été déposée auprès du Procureur général par le Syndicat des journalistes égyptiens en octobre, et elle a depuis été appuyée par des avocats et par les autorités consulaires canadiennes. Des rapports médicaux joints à cette demande démontrent que M. Fahmy souffre d'hépatite C et d'autres problèmes de santé qui ne peuvent faire l'objet de soins adéquats en prison. Sa détention prolongée représente un risque sérieux pour sa santé et il doit être libéré dans les plus brefs délais afin d'être soigné, en attendant que sa demande soit examinée.

M. Fahmy est incarcéré depuis plus d'un an dans une affaire qui heurte la conscience de nombreux observateurs, en Égypte et dans le monde. Nous souhaitons travailler de manière constructive avec les autorités égyptiennes et canadiennes dans les jours qui viennent pour parvenir à un accord de libération aussitôt que possible.

Un autre point requiert quelques commentaires

Un article publié dans The Guardian le 2 janvier 2015 indiquait que des membres du gouvernement égyptien avaient menacé d'emprisonner Amal Clooney pour son rôle dans la défense de M. Fahmy. L'incident en question a en réalité eu lieu au début de l'année dernière, quand des spécialistes de la société égyptienne, consultés sur la prochaine sortie d'un rapport coécrit par Mme Clooney, ont signalé à l'Institut pour les Droits de l'Homme de l'Association internationale du Barreau (IBA) qu'elle et ses collègues risquaient d'être arrêtés si la sortie du rapport avait lieu au Caire, au vu des critiques faites dans le rapport, et de procès récents pour des « crimes » tels qu'insultes à l'autorité judiciaire, au gouvernement ou à l'armée égyptiens. Par conséquent, l'IBA a demandé aux auteurs d'organiser la sortie du rapport à Londres, pour raisons de sécurité. Cet incident a eu lieu avant que Mme Clooney ne s'engage dans la défense de M. Fahmy, avant l'inauguration du président actuel, et dans un contexte sans aucun rapport avec l'affaire qui nous importe.

Le journaliste du Guardian a depuis présenté ses excuses pour avoir décrit ces événements de manière trompeuse dans son article, et des corrections y ont été apportées afin de tenter de dissiper les ambiguïtés. Ce qui importe désormais, c'est de se concentrer non pas sur les risques que les avocats ou les journalistes ont couru par le passé, mais sur les atteintes à la liberté d'expression dans l'Égypte d'aujourd'hui. Nous nous réjouissons de la déclaration du président Sisi assurant qu'il est prêt à gracier M. Fahmy. Un signe encourageant serait d'accepter son extradition vers le Canada. Libérer Fahmy serait aussi le signe que les journalistes égyptiens ne risquent pas d'être emprisonnés parce qu'ils font leur travail, et honorerait les aspirations de tous ceux qui ont manifesté pour la naissance d'une société égyptienne plus progressiste.

Amal Clooney et Mark Wassouf, avocats de Mohamed Fahmy

Ce blogue, publié à l'origine sur Le Huffington Post (États-Unis), a été traduit de l'anglais par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.

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