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«Il y aura des morts», le 19e roman de Patrick Senécal

Un roman très sombre dont le côté ludique fera toutefois beaucoup s'amuser le lecteur.
Courtoisie

Patrick Senécal l'affirme d'emblée, il a envie que le chaos et l'absurdité de la vie prennent plus de place dans son œuvre. La faute à sa toute nouvelle cinquantaine qui vient avec son lot de questionnements et de grandes réflexions, peut-être? À la révolte qui gronde au fond de celui qui n'a pas honte de dire qu'il a peur de la mort, assurément. Le Huffpost a rencontré l'auteur au million de livres vendus quelques jours avant la sortie de son tout nouveau roman, Il y aura des morts.

Il y aura des morts

Il y a d'abord une idée, un flash de départ. Puis, un ou des thèmes que l'auteur souhaite consciemment aborder, ou encore qui se révèlent au fil de l'écriture. Avec Il y aura des morts – un thriller ludique prenant la forme d'une chasse à l'homme - Patrick Senécal explore le thème du chaos de la vie. Celui-là même qui le fait se questionner grandement et aspirer à un laisser-aller qu'il n'atteindra qu'en passant par la révolte.

«Je veux faire comme Camus et accepter le fait que la vie est absurde, explique-t-il. Lorsque tu l'acceptes, tu es plus serein. Tu arrêtes de te battre contre l'absurdité, de perdre ton temps à chercher du sens. Tu acceptes qu'il n'y en ait pas et que ce soit correct ainsi. Je ne suis pas rendu là; en ce moment, je suis plus dans la révolte. Mais je tends à cela. Je veux trouver un moyen de vivre en paix avec tout cela.»

Il y aura des morts s'élance davantage dans l'action que dans la réflexion. Son auteur parle d'un roman très sombre dont le côté ludique fera toutefois beaucoup s'amuser le lecteur.

Courtoisie

«Il y a ce thème du chaos qui est important, mais j'avais vraiment envie d'écrire un roman d'action, que le lecteur soit emporté dans beaucoup d'action», dit-il. S'il tient à ne dévoiler que peu de choses quant à la teneur de ce roman dont le thème principal rappelle ceux de Hell.com ou Le Vide, c'est que l'auteur ne veut surtout pas gâcher les nombreuses surprises réservées au lecteur.

«Le point de départ, les cinquante premières pages formant la mise en situation, est l'histoire d'un homme qui est propriétaire d'un bar à Drummondville, explique-t-il. On découvre un peu son entourage, ce qui est très important pour la suite. Une femme très articulée, vêtue de blanc, vient le voir au bar et lui annonce qu'il va mourir. Évidemment, cela le fatigue et le dérange tout au long de la journée. Puis, lorsqu'il rentre chez lui le soir, on tente de le tuer. Voilà comment le livre commence. Pendant deux jours, on essaiera de le tuer. Il devra se sauver, tenter de comprendre pourquoi on souhaite sa mort et qui est cette femme mystérieuse qui reviendra de temps en temps au fil de l'histoire.»

L'auteur promet, entre autres choses, un «gros clin d'œil à l'un de ses romans» entre les pages d'Il y aura des morts. Il assure aussi que le lecteur attentif qui pourrait découvrir le meurtrier avant la fin du roman ne sera pas en reste, l'histoire misant aussi beaucoup sur cette réflexion du chaos de la vie.

«Oui, on veut savoir qui l'a fait, mais l'intérêt est aussi ailleurs, dit-il. Lorsque le personnage se sauve, s'entame toute une réflexion sur le chaos de la vie : pourquoi cela m'arrive-t-il? Qu'ai-je fait pour mériter cela? Ces questions vont le ramener à son enfance. D'ailleurs, je me suis rendu compte que je deviens maniaque de cela; dans tous mes romans, il y a un moment où le personnage principal voit des morceaux de son passé et de son enfance ressurgir. Souvent, je m'en rends compte après coup. Les brisures d'enfance ont quelque chose de bien important pour moi, dans mes livres.»

L'auteur peut aussi compter sur sa blonde psychologue - la personne qu'il dit admirer le plus au monde - pour lui faire voir des choses qui lui avaient peut-être échappé lors de l'écriture de ses romans. La thèse de celle-ci? Celle d'un Patrick Senécal écrivant, consciemment ou non, sur ses peurs dans ses romans afin de les extérioriser.

«Ce chaos dont il est question dans Il y aura des morts peut survenir n'importe quand, explique-t-il. On n'a pas vraiment le contrôle de notre vie, c'est un constat que je fais de plus en plus en vieillissant. C'est quelque chose qui me fait peur alors j'écris là-dessus. J'ai peur de la mort, mais je ne peux rien faire contre cela. Même chose pour la perte de mes enfants ou la peur d'être un mauvais père. J'ai écrit sur toutes ces peurs.»

Un métier comme les autres

L'image romantique de l'artiste et de l'écrivain qui se laisse submerger par ses personnages : très peu pour Patrick Senécal (qui avoue pourtant se coucher chaque soir en pensant à ses romans, à ce qu'il est en train d'écrire). Loin de lui aussi l'idée de glorifier le travail de l'écrivain.

«Tous ces écrivains qui prétendent que ce sont leurs personnages qui décident, je ne crois pas à cela, affirme-t-il. Les écrivains n'ont pas envie de se voir comme des techniciens de l'écriture, pourtant c'est un peu cela. Il y a quelque chose de très technique dans l'écriture et dans la cohérence que cela demande et comporte. Il y a des médecins qui sauvent des vies et qui méritent bien plus d'être glorifiés que nous. Je crois que c'est une réaction que j'ai face aux artistes qui se prennent tellement au sérieux.»

Loin de se prendre au sérieux, celui qui se décrit comme un épicurien aimant la vie affirme ne pas se définir par son travail. Ni par sa toute nouvelle cinquantaine qu'il souhaite assumer pleinement.

«Ce n'est pas mon cerveau qui me dit que je vieillis, c'est le chiffre, affirme-t-il. Le chiffre qui te ramène à la réalité, même si tu dis que dans ta tête tu n'as pas 50 ans. D'ailleurs, je me méfie des gens qui disent que dans leur tête, ils n'ont pas 50 ans. Pourquoi pas? Il y a des avantages à avoir 50 ans! Personnellement, j'espère qu'en vieillissant je suis plus sage, plus intelligent, plus mature et que j'ai une vision de la vie plus large. La seule chose qui me fait suer d'avoir 50 ans est le fait d'approcher de la mort. Sinon, je trouve que dans ma tête, je vieillis bien. Je commence à avoir un bagage de vie que je trouve intéressant.»

Pour Patrick Senécal, les vraies traces à laisser dans le monde ne sont pas littéraires.

«On se définit par nos actes, pas par ce qu'on dit, affirme-t-il. Écrire des livres, ce ne sont pas des actes réels. Ceux qui comptent sont ceux que tu poses pour les gens qui t'entourent, sur la vie immédiate. Je veux laisser des traces auprès de ma blonde, de mes enfants, de mes amis. Je veux que quand on va se souvenir de moi, on dise que j'étais un bon écrivain peut-être, mais surtout que j'étais un bon gars, un gars qui a bien fait les choses, qui a élevé ses enfants de façon digne, qui avait des convictions auxquelles il tenait, qui a influencé des gens autour de lui dans le bon sens. Les gens que j'admire, ce sont ces gens-là : mes amis qui sont droits, qui sont dignes.»

6 questions en rafale à Patrick Senécal

Tes auteurs préférés en ce moment au Québec?

«J'ai découvert Stéphane Larue (l'auteur de l'excellent roman Le plongeur) récemment, ça a été un gros coup de cœur. Je trouve qu'il a une écriture très américaine qu'on n'encense pas normalement. Andrée A. Michaud aussi avec Bondrée est à surveiller. J'ai découvert Élise Turcotte il n'y a pas longtemps et que j'ai beaucoup aimé. La femme qui fuit d'Anaïs Barbeau-Lavalette, Sophie Bienvenu. Je trouve que les filles rockent en littérature en ce moment!»

Ton film d'horreur favori?

«J'ai toujours L'Exorciste qui me vient à l'esprit quand on me parle de film d'horreur. Je pense aussi toujours à The Shining et à Seven comme thriller noir, à Rosemary's Baby ou dernièrement au film The Eyes of My Mother, un film en noir et blanc très glauque.»

Ce que tu aurais fait autrement dans ta vie si tu avais pu ou su...?

«En gros, j'aurais plus approfondi mon côté musicien. Jouer ou chanter. Je me rends compte que j'aime tellement cela, chanter. J'ai une batterie à la maison. Je ne voulais pas devenir musicien à la place d'être écrivain, mais j'aurais aimé approfondir plus ce côté de moi.»

Avec tout ce qui se passe actuellement dans le monde, notamment au Québec et aux États-Unis avec les dénonciations d'abus sexuels, as-tu peur pour ta fille?

«Non, ça ne me fait pas peur, car je me dis qu'au contraire, cela va la sensibiliser. J'ai toujours eu peur pour ma fille, mais quand je vois cela, quand on en parle et le simple fait que ma fille voit tout cela, je trouve que cela lui montre qu'il est possible de dénoncer. Par contre, je ne veux pas qu'elle se victimise de tout non plus. Je veux qu'elle soit capable, si un gars lui dit ou fait quelque chose de déplacé, de lui dire de la laisser tranquille. Je veux qu'elle prenne le meilleur de tout cela et qu'elle puisse dire que c'est inacceptable, qu'il n'y a pas de raison d'accepter cela.»

Les gens sont nombreux à faire la file dans les salons pour te parler. Pour qui ferais-tu de même?

«Avant, j'aurais fait la file pour Stephen King, peut-être moins maintenant. Je ferais certainement la file pour les frères Cohen, car je suis très admiratif de ce qu'ils font. À l'époque, j'aurais fait trois jours de file pour Stanley Kubrick, même s'il ne doit pas être très sociable. Peut-être aussi Ricky Gervais que je trouve extraordinaire. De prime abord, je ne suis pas un gars de file. Je trouve qu'objectivement parlant, il n'y a personne qui mérite qu'on attende trois heures pour lui parler ou lui toucher. Le fait que des gens le fassent pour moi me challenge toujours un peu. Ça flatte, mais j'ai envie de leur dire : Êtes-vous sérieux? C'est quelque chose, voir des gens qui font la file pour avoir mon nom dans leur livre.»

Le livre que tu aimerais avoir écrit?

«Dans l'horreur, Troupe 52, un très bon livre d'horreur. En général, j'aurais aimé avoir écrit Germinal, ce qui n'arrivera jamais. En entre-deux, j'aurais aimé avoir écrit Mystic River qui est une oeuvre extraordinaire : avoir réussi à faire un vrai roman policier qui est aussi un roman humaniste, philosophique, un constat très noir de notre société avec un appel à la vie malgré tout comprenant une superbe écriture et une vraie enquête policière. C'est un livre parfait.»

Il y aura des morts de Patrick Senécal, en vente en librairie le 9 novembre.

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