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La première année de présidence de Donald Trump vue par la chef du bureau de Washington du HuffPost

Sa victoire surprise avait déstabilisé les Américains, les médias et le monde entier. Un an plus tard, le président des États-Unis continue de surprendre, et pas souvent dans le bon sens.
Marvin Gentry / Reuters

"Aussi incompréhensible que cela puisse sembler, la victoire de Donald Trump est aujourd'hui bien réelle." Le 8 novembre 2016, le monde entier découvrait dans un semi-état de choc le nom du nouveau président des Etats-Unis, personnage aussi controversé qu'inattendu. Depuis, Donald Trump impose son style à la Maison Blanche comme sur la scène internationale. Et s'y adapter n'est pas de tout repos.

Si une chose ressort de la première année de présidence Trump, c'est bien qu'il faut s'attendre à tout. En un an, le président des Etats-Unis aura ordonné une intervention en Syrie devant une part de gâteau, transformé ses maisons de vacances en un nouveau lieu du pouvoir américain, fait un usage quotidien de Twitter, limogé ses conseillers presqu'aussi souvent qu'il ne tweete...

En un mot? Il aura agi comme aucun autre président avant lui, et il sait bien pourquoi: en rompant totalement avec la façon d'agir et de gouverner de ses prédécesseurs et de ses adversaires, Donald Trump continue à satisfaire son électorat qui l'a d'ailleurs élu en partie sur ce sentiment de "ras-le-bol", comme nous l'explique Amanda Terkel, chef du bureau du HuffPost américain à Washington.

"Donald Trump est un nouveau visage en politique. Il a eu des difficultés à s'adapter à Washington, il y a eu des rotations d'envergure dans son gouvernement, des difficultés avec certaines personnes -comme par exemple Michael Flynn- qui soulèvent des questions sur sa capacité à recruter à des postes importants."

"Il n'était pas complètement préparé à la transition vers la Maison Blanche, parce que la plupart des gens s'attendaient à une victoire d'Hillary Clinton. Ce qui signifie qu'il n'avait pas de politique complète ni de plans prévus non plus", analyse Amanda Terkel.

Durant le temps qu'il a passé comme "président élu" (entre novembre 2016 et le 20 janvier 2017), une telle situation n'est pas si exceptionnelle. Sans doute peut-on envisager qu'il faille un peu de temps pour comprendre le fonctionnement et les enjeux de la politique américaine, a fortiori lorsque, comme Donald Trump, on est davantage un "businessman" qu'un homme politique.

Mais une fois cette période de transition révolue, cette cacophonie ne s'est pas apaisée, loin de là. En témoignent les nombreux "couacs" qui agitent régulièrement les couloirs de la Maison Blanche, sur des questions internes -comme les licenciements et démissions en série- comme sur des questions de politique nationale (avec par exemple la difficulté pour le président à faire passer ses lois au Congrès où il a pourtant la majorité) et internationale.

Un exemple de dissonances régulières? La différence entre les annonces faites sur Twitter par le président et ce qui en découle réellement par la suite. "Trump a dit qu'il excluait de l'armée les militaires transgenres. Mais il n'est pas vraiment passé par les canaux appropriés pour le faire. Et ensuite, lorsque la loi est sortie, elle n'était pas exactement la même que ce qu'il avait initialement dit", détaille Amanda Terkel.

Trump, Twitter et les médias

Entre ce qui est annoncé -le plus souvent avec moult points d'exclamation, majuscules et superlatifs- et ce qui est fait, il y a donc une marge. Avec des conséquences différentes: du coté des opposants de Donald Trump, ces annonces brutales provoquent généralement des levées de bouclier (la Women March en est une illustration).

Mais pour les journalistes chargés de suivre l'actualité politique américaine, cet écart n'est pas sans conséquence professionnelle: "Trump est toujours président, rappelle la chef du HuffPost à Washington. Donc quand il y a des déclarations contradictoires, nous devons le raconter dans l'article, et ensuite, observer ce qui se passe vraiment. Nous devons être sûrs que nous essayons d'expliquer au lecteur l'histoire complète, si il y a plus que ce qui a été tweeté ou ce que Trump a dit."

"Ce qui a été tweeté", précise Amanda Terkel. Le terme mérite d'être souligné. Car désormais, il semble difficile d'évoquer Donald Trump sans parler de son canal de communication favori, Twitter. Un nouveau paramètre à intégrer pour la population mais aussi pour les journalistes. "Trump est le premier président à utiliser Twitter de cette façon", confirme Amanda Terkel. "Il l'utilise pour passer outre les médias et sa propre équipe, afin de véhiculer son message."

"Les journalistes doivent définitivement se réveiller le matin, voir ce que Trump a tweeté et décider de la façon dont ils vont couvrir ses tweets. Qu'est-ce qui mérite d'être relayé par la presse? Vous ne voulez pas donner à ses tweets trop d'attention si ce n'est pas justifié, mais il est le président, donc vous ne pouvez pas non plus les ignorer."

Mais tous les jours, les journalistes débattent, dans toutes les rédactions, de s'ils vont couvrir ou non un tweet de Trump.

A l'opposé des années Obama, où l'ancien président s'est distingué par une communication bien rodée qui inspire d'ailleurs certains, Donald Trump a donc choisi une stratégie plus agressive: énoncer ses idées sans filtre, sans hésiter à mentionner ses adversaires, qu'il s'agisse de "crooked Hillary" ou des "fake news medias".

Entre le 8 novembre 2016 et le 7 novembre 2017, ce terme "fake news" est d'ailleurs apparu 126 fois dans les tweets du président selon le site de décompte Trump Twitter Archive, l'expression "fake news media" revenant 32 fois. Des organes de presse aussi ancestraux aux Etats-Unis que le New York Times ou CNN ont été abondamment critiqués, avec parfois une violence suffisante pour interroger sur le respect du 1er amendement de la Constitution américaine.

S'agit-il d'une première, dans les relations entre un président et les médias? Amanda Terkel nuance: "Le département de justice d'Obama s'est en pris aux lanceurs d'alerte qui parlaient aux journalistes également, et les médias étaient sous pression à ce moment là aussi", rappelle-t-elle. Toutefois, si Obama préférait des représailles discrètes, Donald Trump a choisi une stratégie différente: "Trump est plus agressif dans sa façon de s'en prendre aux journalistes, en les appelant par leur nom, en insultant les médias dans leur ensemble, et même en faisant semblant d'encourager la violence envers les journalistes. Il dit qu'il prend très à coeur le 1er amendement (qui protège la liberté d'expression, entre autres, ndlr), mais c'est vrai que sa rhétorique n'y correspond pas toujours."

De l'avenir de la fonction présidentielle américaine

Le 12 juillet 2017, un élu démocrate de la Chambre des Représentants américains a déposé la première résolution pour la destitution de Donald Trump. La question est d'ailleurs régulièrement évoquée par les opposants au président, bien qu'une destitution n'ait en réalité que peu de chances d'aboutir. Mais qu'il achève (ou non) son mandat, l'élection de Donald Trump n'en aura pas moins eu des conséquences sur l'image de la fonction présidentielle américaine.

"Beaucoup de personnes soutiendraient que Trump a rendu la présidence moins professionnelle. Avec ses insultes, sa rhétorique incendiaire et à la façon dont il s'en prend aux autres, il ne correspond pas toujours à ce que les gens attendent d'un président. On ne sait pas si les futurs présidents reprendront ses répliques ou pas."

Un an après l'élection, il est sans doute difficile de se pencher sur la question, et ce d'autant plus que les adversaires sérieux pour 2020 semblent manquer pour l'instant. En ce qui concerne les retombées immédiates en revanche, elles sont beaucoup plus claires: selon un sondage YouGov réalisé pour Le HuffPost et CNEWS, 68% des Français ont une opinion négative du chef d'état américain. Soit neuf points de plus qu'en février 2016 note l'institut de sondage.

Les raisons de cette baisse de popularité? Elles sont multiples: le retrait de l'Accord de Paris y est sûrement pour quelque chose, alors qu'un sondage réalisé dans 38 pays en août 2017 (soit deux mois après la décision du président) soulignait que le réchauffement climatique était considéré comme l'une des deux premières menaces planétaires par 61% des personnes interrogées (56% pour la seule population américaine). Les décisions d'ordre géopolitique du président "America First" ont aussi certainement leur place, et ce d'autant plus que Donald Trump succède à Barack Obama, qui a entretenu des relations pour le moins cordiales, sinon toujours apaisées, avec la plupart des autres dirigeants.

"Trump a tendu des alliances avec certains pays. Cela s'est également produit pendant l'administration du président George W. Bush, lorsque des pays ont été frustrés par la guerre en Irak, par exemple. Obama, quant à lui, a été accueilli plus chaleureusement dans le monde entier", analyse Amanda Terkel, qui évoque cependant une évolution plus globale des mentalités en politique. "Beaucoup de gens à l'étranger semblent être un peu déconcertés par Trump et sa victoire, mais là encore, les politiciens de droite gagnent aussi en popularité dans d'autres pays européens."

En France, le second tour de l'élection présidentielle a opposé une candidate d'extrême droite et un candidat fraîchement débarqué en politique, qui a tout misé (avec succès) sur la rupture avec les partis traditionnels. Mais le Brexit, l'élection de Donald Trump, ou encore l'arrivée en Allemagne du parti d'extrême droite à l'Assemblée viennent également illustrer cette évolution, avec la particularité pour Donald Trump d'occuper une place centrale du tableau, en tant que dirigeant de la première puissance mondiale.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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