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Un avant-goût de l’exposition Giacometti au MNBAQ

L'exposition Giacometti sera présente à Québec à partir de février prochain.
Succession Alberto Giacometti

Le slogan « on trouve de tout chez Giacometti, même un ami » pourrait bien résumer l'exposition à laquelle nous aurons droit du 8 février au 13 mai 2018 au Musée national des beaux-arts du Québec. En ouvrant les portes du pavillon Pierre Lassonde à cet artiste majeur du 20e siècle, le MNBAQ saura plaire aussi bien aux amateurs d'illustration, de design et de peinture qu'aux amateurs de sculpture à l'état brut. Nous sommes conviés à découvrir un homme paradoxal, à la fois modeste et très sociable, qui a participé aux grands mouvements artistiques de son époque tout en demeurant lui-même inclassable.

Présentée à la Tate Modern de Londres du 10 mai au 10 septembre, la première grande rétrospective consacrée à Giacometti en deux décennies a rassemblé plus de 250 œuvres en tout genre. Et puisque la plupart d'entre elles seront bientôt exposées à Québec, l'occasion était trop belle pour ne pas y jeter un coup d'œil.

Aménagée dans une ancienne centrale électrique, la Tate Modern de Londres a présenté une grande rétrospective de Giacometti qui prendra bientôt le chemin de Québec (MNBAQ, du 8 février au 13 mai 2018) avant de poursuivre sa route vers New York (musée Solomon R. Guggenheim, du 8 juin au 16 septembre).
Pierre-Étienne Paradis
Aménagée dans une ancienne centrale électrique, la Tate Modern de Londres a présenté une grande rétrospective de Giacometti qui prendra bientôt le chemin de Québec (MNBAQ, du 8 février au 13 mai 2018) avant de poursuivre sa route vers New York (musée Solomon R. Guggenheim, du 8 juin au 16 septembre).

Un sculpteur en perpétuelle évolution

Fils d'un peintre renommé, Alberto Giacometti a grandi dans une vallée isolée des Alpes suisses. Il en résulte des œuvres au caractère fortement minéral, marquées par l'interrelation entre l'humain et le paysage – plus particulièrement lorsque l'artiste explore l'idée de distance avec des bronzes filiformes et de taille réduite.

En guise d'introduction à un artiste également fasciné par le visage et le regard, la Tate Modern a eu la brillante idée de consacrer la première salle de son exposition à une série chronologique de 24 têtes. Le plâtre, le plâtre laqué et le bronze s'y sont côtoyés dans un joyeux tumulte de styles classique, cubiste et surréaliste.

Malgré le gigantisme de l'ancienne centrale électrique de Bankside, les salles suivantes semblaient toutefois manquer d'espace pour contenir l'afflux des visiteurs. Leur scénographie était peu imaginative, et à cet effet, il est évident que le MNBAQ pourra faire mieux. Ce contexte nous a tout de même permis d'apprécier le questionnement du sculpteur, qui dérogeait parfois aux principes établis en présentant le socle comme une partie intégrante de ses œuvres.

Giacometti, figure centrale de la scène artistique parisienne

Définitivement installé dans son atelier parisien en 1926, Giacometti fréquente les surréalistes dissidents avant d'intégrer le groupe officiel mené par André Breton. Extrêmement prolifique de 1931 à 1935, il produit des figures minimalistes et d'intrigants « objets à fonctionnement symbolique », tels queLa Boule suspendue (1931).

Cependant, la crise économique provoque un effondrement du marché de l'art. Giacometti se tourne alors vers la production de lampes, de vases et d'autres objets décoratifs. La Seconde Guerre mondiale le contraint ensuite à rentrer en Suisse et à travailler avec des moyens réduits.

De retour à Paris après la Libération, il se rapproche d'Albert Camus, de Samuel Beckett et de Jean-Paul Sartre, qui voit dans ses œuvres une dimension existentielle et archétypale. Il produit des fragments de corps pouvant être qualifiés de post-surréalistes, dont Le Nez (1947) et La Jambe (1958).

Évoquant les horreurs de la guerre, les figures émaciées et solitaires telles que l'Homme qui marche (1960) frappent l'imaginaire du public. Mais l'on doit préciser qu'elles sont le fruit d'une recherche formelle entamée avant le déclenchement des hostilités plutôt que d'une volonté politique manifeste.

Pendant ce temps, les commandes se multiplient du côté de New York grâce aux efforts du galeriste Pierre Matisse. De fait, le public québécois pourra admirer quelques-unes des plus grandes pièces que Giacometti a jamais produites, issues d'un projet devant être érigé au pied de l'édifice One Chase Manhattan Plaza. Exigeant envers lui-même malgré sa notoriété, et quittant rarement son minuscule atelier de 23 mètres carrés, l'artiste avait renoncé à soumettre une œuvre destinée à un lieu qu'il n'avait jamais visité. « Plus on échoue, plus on réussit », avait-il avoué au documentariste Ernst Scheidegger au crépuscule de sa vie. À cet effet, on peut dire que sa mission est accomplie!

À surveiller

Lancé à la Berlinale 2017, le film Final Portrait de Stanley Tucci sera bientôt distribué en Amérique du Nord par Sony Pictures Classics. Cette capsule temporelle, qui nous plonge au cœur des années 1960, dépeint l'amitié entre l'écrivain américain James Lord et un Giacometti plus vrai que nature interprété par Geoffrey Rush.

Un lien organique entre le dessin et la sculpture

L'œuvre de Giacometti se démarque par un lien organique entre le dessin et la sculpture. Attirant l'attention de Jean Cocteau et de Salvador Dalí, ses « femmes plates » aux attributs corporels griffés de manière naïve lui valent une grande notoriété dès 1929. Ne faisant jamais d'esquisses préparatoires, cet artiste féru d'histoire aimait toutefois reproduire des œuvres de l'Égypte antique et de la Renaissance, en plus de puiser dans le répertoire africain et océanien.

Après la Seconde Guerre mondiale, les bustes de Giacometti se démarquent par leur asymétrie et leurs traits dramatiques, voire caricaturaux, qu'il faut interpréter en 360 degrés. Dans Grande tête mince (1954), la figure fraternelle de Diego change d'expression en fonction de la position de l'observateur, ce qui plaira assurément aux amateurs de bande dessinée. Dans la même veine, Le Chien (1951) semble tout droit sorti d'un dessin animé. De facture plus réaliste, les nombreux bustes d'Annette Arm – qui a été son épouse et son principal modèle féminin – évoquent à la fois le cinéma de la nouvelle vague et le croquis au fusain.

Au rayon peinture, Giacometti produit des toiles relativement monochromes, qui gagnent en vivacité et en contraste au cours des années 1960, période où une nouvelle muse nommée Caroline se prête volontiers à des séances de pose de plusieurs jours.

Des femmes d'exception

Une exposition d'une telle ampleur n'aurait pu voir le jour sans une étroite collaboration entre le MNBAQ et la Fondation Alberto et Annette Giacometti. Dirigée avec brio par Catherine Grenier, la Fondation compte à son actif 88 peintures, 300 sculptures et plus de 2000 dessins et estampes. Elle a hérité d'un grand nombre de plâtres qui seront pour la première fois exposés en Amérique du Nord. Il faut également souligner le travail colossal effectué par Annette Arm de 1966 à 1993 afin de préserver l'héritage de son époux, lutter contre la contrefaçon et jeter les bases de la Fondation.

Informations pratiques

Alberto Giacometti

Une rétrospective présentée en première nord-américaine du 8 février au 13 mai 2018.

Pavillon Pierre Lassonde du Musée national des beaux-arts du Québec

179, Grande Allée Ouest

Québec (Québec)

Cette exposition est rendue possible par l'Entente de développement culturel entre le gouvernement du Québec et la Ville de Québec, ainsi que par la Mesure d'aide financière à l'intention des musées d'État pour des expositions internationales majeures.

Le journaliste a séjourné à Londres sur invitation du MNBAQ.

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Exposition Giacometti

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