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Algorithme Pharma propose des études cliniques pour mieux évaluer les effets du cannabis au volant

Son propriétaire soutient qu’il n’y a «pas d’études scientifiques complètes» sur le sujet.
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QUÉBEC – L'une des plus importantes compagnies d'études cliniques en Amérique du Nord propose de ralentir la cadence, le temps de mener des études approfondies sur la conduite avec facultés affaiblies sous l'influence du cannabis.

Il reste encore beaucoup de travail à faire pour étudier l'impact du cannabis sur la conduite automobile, soutient Chris Perkin, PDG d'Altasciences, dans une entrevue exclusive avec le HuffPost Québec. La compagnie, qui regroupe Algorithme Pharma, a offert au palier fédéral et provincial de mener des études cliniques pour faire le tour de la question.

« Nous savons qu'il n'y a pas d'études scientifiques complètes sur l'impact du cannabis sur les facultés de conduite, soutient M. Perkin. Il y a beaucoup de données anecdotiques et d'études à petite échelle mises ensemble, mais il n'existe pas de données défendables qui résisteraient à une contestation juridique. Alors il serait beaucoup plus difficile de renforcer des standards de sécurité sans de bonnes données. »

Je pense que tout le monde reconnaît que le Canada va trop viteDr. Johannes Ramaekers

Les effets du cannabis sur la conduite sont connus : la drogue affecte les fonctions cognitives au volant. Pendant la période d'intoxication, les conducteurs sont plus lents à réagir, ont plus de problèmes avec la coordination et leur mémoire, explique Johannes Ramaekers, professeur de psychopharmacologie à l'Université de Maastricht aux Pays-Bas. Il étudie la question de la conduite avec facultés affaiblies depuis les 30 dernières années.

Or, cela n'empêche pas le professeur Ramaekers de mettre un bémol sur les ambitions du gouvernement Trudeau. « Je pense que tout le monde reconnaît que le Canada va trop vite, admet-il en entrevue. Je pense que le gouvernement a décidé à un moment donné que le cannabis devra être légalisé, sans réaliser quelles seraient les conséquences réelles. »

Il dit aussi avoir remarqué que le gouvernement canadien pose beaucoup de questions aux experts de cette question, dont lui-même. « Bien sûr, ce devrait être le contraire : d'abord poser des questions, puis résoudre les problèmes et ensuite légaliser. Alors oui, c'est précipité. Je ne dis pas que c'est une mauvaise décision, mais rien ne presse. »

«Le temps presse»

Le rapport final du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis recommandait d'«investir dans la recherche afin de mieux relier les niveaux de THC avec l'affaiblissement des facultés et le risque d'accident » pour appuyer la limite qui sera fixée par le gouvernement.

Altasciences propose donc de mener une série de tests sur l'influence du cannabis, à différentes doses, mais aussi la combinaison d'alcool et de cannabis, avec des participants sur une période de 18 mois. M. Perkin croit qu'à terme, le gouvernement aura toutes les données en main pour prendre des décisions éclairées sur la quantité de THC – la substance euphorisante du cannabis – qu'un conducteur pourra avoir dans le corps au moment de prendre le volant.

Or, les délais sont serrés pour le gouvernement Trudeau, qui veut rendre la drogue légale à temps pour le 1 juillet 2018. « Le temps presse, admet M. Perkin. On ne peut pas accélérer des bonnes données scientifiques. Nous menons de nombreuses études, et 18 mois est un délai raisonnable. Si vous coupez là-dessus, vous nuirez à la qualité des résultats. »

La ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a déposé ce printemps le projet de loi C-46 pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. Une fois la loi adoptée par le Parlement, le Canada aurait l'un des régimes les plus robustes au monde, a fait valoir la ministre par courriel.

Le projet de loi prévoit des infractions pour les conducteurs retrouvés avec du THC dans le sang, mais aussi pour ceux qui ont consommé une combinaison d'alcool et de cannabis.

Un conducteur retrouvé avec 5 nanogrammes ou plus de THC dans le sang, aurait une amende de 1000$. Les peines seraient de plus en plus sévères en cas de récidive et pourraient aller jusqu'à 10 ans de prison dans le pire des cas.

Les conducteurs qui auront bu de l'alcool et fumé du cannabis seraient également punis aussi sévèrement. Ils ne pourront pas dépasser un taux d'alcoolémie de 0,05, en plus d'un niveau de THC supérieur à 2,5 nanogrammes dans les deux heures de la conduite.

Moment «mal choisi» pour s'attaquer au 0,05?

Plus récemment, la ministre Wilson-Raybould a sollicité l'avis de ses homologues des provinces pour abaisser le seuil d'alcoolémie à 0,05 partout au Canada. Si cette mesure n'est pas contenue dans C-46, sa lettre envoyée à la ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, laisse croire que le projet de loi fédéral pourrait être amendé, selon La Presse.

Cette révélation a fait bondir CAA-Québec, entre autres, qui est d'avis que si l'idée d'abaisser la limite d'alcool dans le sang au volant est « louable », le moment est « mal choisi » avec la législation du cannabis dans moins d'un an.

« On sait que la légalisation du cannabis nécessitera des investissements importants en prévention, en sensibilisation et en coercition. Et on peut déjà s'inquiéter de l'avancement des efforts déployés, de la suffisance et des sommes prévues », a fait valoir le directeur de la Fondation CAA-Québec pour la sécurité routière, Marco Harrison, la semaine dernière.

Québec, de son côté, a tenu un forum d'experts sur le cannabis en juin « dans le but d'alimenter les réflexions du gouvernement ». Il s'apprête également à mener des consultations publiques sur le cannabis à travers la province qui déboucheront sur une loi-cadre déposée à l'automne.

L'Uruguay

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