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Bernard Fortin, bientôt 30 ans de Chef Wiggum et de Ned Flanders

Bernard Fortin s’apprête à entrer en studio pour doubler sa 29e saison des Simpson.
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Bernard Fortin s'apprête à entrer en studio pour doubler sa 29e saison des Simpson. Depuis que l'irrévérencieux et mythique dessin animé est diffusé au Québec, à V (auparavant TQS) et Télétoon, c'est lui qui est la voix des célèbres Chef Wiggum, Révérend Lovejoy et Ned Flanders. Jolie coïncidence, il y aura aussi bientôt 30 ans qu'il est le timbre officiel de Tom Hanks chez nous.

«Je suis fier de le dire, parce que c'est rare qu'on nous ramène une série d'année en année, pendant aussi longtemps, s'enorgueillit Bernard Fortin. On est bien excités de la nouvelle saison des Simpson

Le comédien l'avoue bien humblement et sans ambages : ce n'est pas «hyper payant» de prêter ses cordes vocales et ses intonations aux protagonistes jaunes des Simpson. Par contre, le solide attachement qui le lie à ses alter egos de Springfield est indéfectible.

«Aux États-Unis, ils sont payés très, très cher pour créer cette émission-là, mais au Québec, on n'a pas le même marché, commente Bernard Fortin. On travaille pendant deux mois et demi, une fois par deux semaines, environ. Ce sont des périodes courtes, concentrées, de doublage. C'est plus un attachement qu'une sécurité. C'est comme quelqu'un qui anime la même émission de radio pendant 15 ou 20 ans. C'est très précieux.»

C'est en juillet, août et septembre, que les Hubert Gagnon (Homer), Béatrice Picard (Marge), Johanne Léveillée (Bart), Edgar Fruitier (M. Burns), Benoît Rousseau (Snake, Duffman, Troy McClure, etc), Gilbert Lachance (Lenny et Carl, Dr. Nick Riviera, le gars des bandes dessinées, etc.) et compagnie s'affairent à enregistrer les dialogues en «français du Québec» des Simpson. Ils se relaient au micro individuellement ou en duo, une semaine sur deux, et font toutes leurs pistes, en travaillant sur quatre épisodes à la fois. Bernard Fortin, par exemple, livre les répliques de ses trois personnages, puis retourne en studio pour continuer deux semaines plus tard. C'est donc dire qu'il y a peu de moments de groupe entre nos différentes voix des Simpson; les acteurs se croisent dans un cadre de porte ou se réunissent à l'occasion pour emboîter des sons d'ambiance, mais c'est tout.

«On aime se retrouver toute la gang ensemble, mais c'est très rare, signale Bernard Fortin. Les doublages sont ainsi faits, les horaires sont très serrés.»

C'a été évoqué souvent, les créateurs américains des Simpson adorent la mouture québécoise de leur émission.

«Ils trouvent que c'est celle qui se rapproche le plus de l'originale. On a capté l'essence, on vit sur le même continent. Un bon doublage québécois, c'est formidable!», mentionne Bernard Fortin, qui précise ne pas être «un fou des Simpson» qui se repasse les épisodes en boucle 40 fois, mais qui vante «l'univers formidable et tellement créatif» de cette caustique critique de la société américaine dissimulée sous bien des couches d'humour à multiples degrés.

«Les épisodes sont de plus en plus fous, inventifs, collés sur l'actualité, la politique et la société américaine, qui est aussi la nôtre. C'est incroyable combien cette cellule de création est formidable. Ce n'est pas redondant. Quand tu entres dans une école, que tu donnes une conférence, que tu es reçu quelque part, et que tu fais une voix des Simpson, tu deviens un Beatle! Surtout chez les jeunes...»

Le père de Virginie

Le métier va bien pour Bernard Fortin, qui s'occupe cet été avec deux pièces de théâtre d'été – il tient la vedette de Boeing Boeing, au Théâtre Hector-Charland de L'Assomption, et assure la mise en scène de Je vous écoute, au Théâtre La Marjolaine, à Eastman -, les tournages de la troisième saison de Boomerang, où il incarnera un nouveau personnage, «très singulier», qui causera des tensions dans le couple-pivot interprété par Catherine-Anne Toupin et Antoine Bertrand, et l'écriture d'un nouveau spectacle sur scène pour 2018.

Toutefois, même s'il est plus actif que bien des jeunes premiers, Bernard Fortin devra bientôt faire face à l'inéluctable réalité : jusqu' tout récemment, on désignait sa fille Virginie, il n'y a pas si longtemps nouvelle dans le milieu de l'humour, comme «la fille de Bernard Fortin». L'époque sera bientôt révolue : il y a fort à parier que les prochaines générations percevront plutôt bientôt l'homme comme «le père de Virginie Fortin». Et le principal intéressé s'en réjouit allègrement.

«C'est son intention profonde depuis qu'elle a dix ans et demi, crâne-t-il. Quand elle a compris que j'étais un comédien, un «Bernard Fortin», je suis devenu une appellation. Et elle a dit : «Un jour, je ne serai plus la fille de Bernard Fortin, tu vas être le père de Virginie Fortin!» On fait des blagues avec ça. Elle prend sa place très, très bien. Je ne suis pas inquiet du tout!»

Au-delà de la bien naturelle fierté de tout papa amoureux de sa progéniture, Bernard Fortin se dit content et rassuré que sa grande fille ait non seulement le talent, mais aussi l'aplomb nécessaires pour se tailler une place bien à elle dans son créneau professionnel.

À titre d'exemple, il y a quelques semaines, Virginie Fortin prenait la parole au nom de ses collègues humoristes féminines et exigeait de Juste pour rire l'abolition du gala Juste féminin, qui aurait – maladroitement – souligné l'apport des femmes à l'humour québécois. L'institution menée par Gilbert Rozon a finalement concédé qu'il y avait malaise, et a plutôt mis sur pied le gala Juste sketchs, qui sera animé par Virginie elle-même, Léane Labrèche-Dor et Antoine Vézina, le 23 juillet.

«Elle est comme ça, détaille Bernard Fortin. Elle a du caractère, des convictions, elle n'en a pas peur et elle ne fait pas ce métier-là pour être impressionnée par ce monde-là. Si elle a quelque chose à dire, elle va le dire, et je pense que, dans ce cas-là, elle avait raison. Moi, je ne prends pas parti comme elle, je ne suis pas sur les réseaux sociaux, par choix, sauf si ça dépasse les bornes et que je me retrouve impliqué personnellement. Mais je pense qu'elle fait ça élégamment. Elle est élégante, intelligente et articulée. Tu es en bonne position, quand tu as ces outils-là. Elle n'est pas bête, la fille. Elle a des choses à dire et je trouve qu'elle représente bien sa génération de femmes. Il y a beaucoup de femmes de mon âge, de ma génération, qui l'admirent, qui aiment entendre ce genre de propos. Pas parce que ça vient d'une femme; parce que ce qu'elle dit a du sens! Pour les femmes, pour les hommes, pour les êtres humains.»

À la télévision comme sur scène, Bernard Fortin ne s'étonne pas que sa Virginie se démarque. Appréciée dans ses numéros de stand up, la brune artiste est également en nomination au prochain Gala des Prix Gémeaux pour sa prestation dans la comédie Trop, disponible sur Tou.tv Extra.

«Elle est drôle dans la vie, elle était drôle petite. Mes trois enfants sont drôles, ils ont de l'humour. Chez nous, tout passe par le bonheur, l'humour, le plaisir, à table, en famille, en voyage, en auto... Quand ils étaient tout petits, je fabriquais des jeux, des histoires, des personnages. L'Halloween était festif, le lapin de Pâques, le Père Noël, les anniversaires, je suis allé au bout de ça. Je leur ai fait des accroires à les faire mourir de peur! La liberté d'être, de penser, d'être bien, d'être respectueux, d'aimer les autres, d'avoir de bons amis, d'être proche de sa famille, c'est important. Ils ont acquis ça et maintenant, ça se multiplie. Chez nous, souvent, c'est une joute oratoire autour de la table, à savoir qui va puncher le plus! Souvent, c'est dur, mais je suis capable de les accoter! On a chacun notre type d'humour, mais on se ressemble en même temps. Virginie, je la voyais quand elle avait deux ans, dans son univers, je voyais les mondes qu'elle se créait et je me disais : elle ne s'ennuiera pas, cette petite fille-là!»

Simon, le fils aîné de Bernard Fortin, est pour sa part entraîneur au Studio Epix, champion de crossfit et gérant de loges au Centre Bell. «C'est un gars heureux, libre penseur, qui a laissé l'informatique pour faire ce qu'il aime, bouger», résume le chef de clan. Quant à sa cadette, Corinne, elle est «improvisatrice, chanteuse, comédienne, traiteur, styliste. Elle se débrouille pour gagner sa croûte à gauche et à droite», énumère-t-il encore.

Seule minuscule ombre (façon de parler) au parfait tableau familial : Bernard Fortin n'est pas encore grand-papa.

«Non, avance-t-il d'un air attristé, mi-blagueur, mi-sincère. Il ne faut pas que je pousse! Je suis grand-oncle, et je suis jaloux de certains de mes beaux-frères et belles-sœurs! Mais il ne faut pas pousser. Je sais que ça va venir. C'est bien correct. Je dis à mes enfants : vis ta vie, et quand tu seras prêt à avoir des enfants, on va être prêts aussi!»

Un théâtre qui évolue

Les valeurs familiales qui sont celles de Bernard Fortin ne sont pas nécessairement celles de son personnage dans Boeing Boeing, la mise en scène d'André Robitaille qui crèchera tout l'été au Théâtre de l'Assomption.

La même distribution (Bernard Fortin, Pauline Martin, Martine Francke, Martin Héroux, Lise Martin et Caroline Bouchard) avait déjà donné vie, en 2015, à Drummondville, à la comédie jouée et rejouée, sur les planches comme au cinéma, à peu près dans tous les pays du monde. Ici, Juste pour rire en avait proposé une relecture en 2009 avec Serge Postigo en tête d'affiche.

Dans la peau d'un Don Juan malhabile qui cumule trois relations amoureuses de front avec trois hôtesses de l'air, une Russe, une Française et une Québécoise, Bernard Fortin s'amuse dans ce vaudeville où on se démène et lance des répliques à la «Ciel, mon mari!», mais qui recèle également une finesse, une intelligence et une subtilité dans le propos. André Robitaille a campé son adaptation de la rocambolesque histoire au Québec, ce qui ajoute à la drôlerie du résultat.

«C'est sûr que c'est un classique, un rectangle amoureux, mais la mécanique est parfaite, constate Bernard Fortin. Et ça marche, le public embarque encore aujourd'hui, même si la pièce est jouée depuis 40 ans.»

Habitué du théâtre d'été, Bernard Fortin ne prend pas ce type de divertissement à la légère et tient à le rendre dans une authenticité et une considération pour les spectateurs qui s'y déplacent. La redondance, les intrigues cousues de fils gras, le gag trop facile, ces références du théâtre d'été d'une autre époque, il travaille désormais à les outrepasser.

«Je veux me renouveler, lance-t-il. L'histoire est importante, et il faut être dans la vérité. Je pense qu'il faut évoluer. Il y a un renouveau actuellement au théâtre d'été : on se permet d'avoir des comédies romantiques, dramatiques, thérapeutiques, pas juste des comédies de portes qui claquent. Votre profession (les journalistes, ndlr) nous l'a ramené et répété, parfois dans des critiques ou des papiers de fond, que le théâtre d'été était souvent convenu. Et nous, on n'aime pas trop entendre ça. Je pense qu'on corrige la chose de plus en plus, parce que le public l'exige. Il faut être respectueux du public qui évolue et rajeunit, il faut essayer de passer des messages.»

«Personnellement, je suis un peu tanné (des comédies de portes qui claquent). Je suis capable de le faire, je l'ai fait, et j'ai fait le tour. J'aime mieux qu'on me propose d'autres avenues.»

Entre autres avenues, il y a Je vous écoute, cette production qu'il met en scène, aussi cet été, au Théâtre La Marjolaine d'Eastman. Matérialisé par Mario Jean, France Parent, Marc-André Coallier et Luc Boucher, le texte à l'origine français de Bénabar et Héctor Capello Reyes raconte l'histoire d'un homme qui consulte le psychologue de son épouse afin que ce dernier l'aide à reconquérir celle qui veut le quitter.

«Ce n'est pas toujours drôle, c'est même heavy à des places, laisse planer Bernard Fortin. Et à d'autres endroits, c'est tellement drôle, mais personne ne le sait. Les personnages ne savent pas qu'ils sont comiques, les acteurs non plus. C'est joué dans une franche vérité. La pièce part comme une grenade dans les cinq premières minutes! C'est touchant, émouvant et parfois hilarant.»

Pour plus d'informations sur Boeing Boeing, on se rend sur le site du Théâtre Hector-Charland, et pour Je vous écoute, on consulte celui du Théâtre La Marjolaine.

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