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Pourquoi la fête des pères est le parent pauvre de la fête des mères

Pourquoi la fête des pères est le parent pauvre de la fête des mères
Mature father and son enjoying a coffee together, the son looks proud of his dad and they are chatting happily together.
SolStock via Getty Images
Mature father and son enjoying a coffee together, the son looks proud of his dad and they are chatting happily together.

La fête des pères est à la fête des mères ce que Pâques est à Noël, un parent pauvre. Si vous avez fait un cadeau à votre mère dimanche 28 mai, en ferez-vous un aussi ce dimanche 18 juin? Si oui, dépenserez-vous au moins autant pour votre père que pour votre mère?

Selon un sondage Toluna réalisé pour le magazine spécialisé LSA, 70,8% des Français adultes pensent souhaiter la fête des mères quand 57,9% en feront de même pour leur père. Mieux encore, 60,3% des personnes interrogées offriront un cadeau à leur mère contre 43,8% à leur père.

Une différence très révélatrice de notre vision de la paternité et de la maternité

Qui dit cadeau, dit intention. Pourquoi investir plus pour sa mère que pour son père? Peut-être qu'inconsciemment ce dernier le "mérite" moins? Ou que la première le "mérite" plus? "Dans une certaine mesure, à tort ou à raison, les mères sont souvent considérées comme le plus gros contributeur à la vie domestique, rappelle Lars Perner, un psychologue spécialiste de la consommation à l'Université de Californie interrogé par la BBC. Les gens ont tendance à comprendre les sacrifices qu'elles font. Il y a une idée précise de ce qu'elles ont offert à la famille".

Cette image-là de la mère renvoie directement à l'origine de cette célébration. Au début du XXe siècle lorsque l'on commence à fêter les mères, on célèbre surtout leur capacité à enfanter et à repeupler la France. Si elle n'a pas été inventée par le Maréchal Pétain, cette fête prend une tout autre ampleur sous Vichy, période pendant laquelle, une véritable propagande pour glorifier la mère de famille, protectrice, féconde, capable de sacrifices.

La fête des pères, elle, a été popularisée en France en 1949 par un fabriquant breton de briquets, Flaminaire. Comme pour la fête des grands-Mères, l'objectif de cette fête est au départ commercial. L'idée qu'il faut offrir un cadeau associé au "masculin" restera, ce pourra être, au choix, un briquet, un rasoir, un cigare, une cravate etc. Dans d'autres pays d'Europe, comme l'Allemagne, cette fête donne lieu à des célébrations bien différentes mais très révélatrices. Une certaine vision de la virilité y est mise en avant.

Anne-Laure Garcia sociologue franco-allemande spécialisée en sociologie du genre et en socio-histoire de la maternité, interrogée par Le HuffPost rapporte ainsi, qu'outre-Rhin, "la fête des pères n'est pas une 'fête des mères pour les pères' mais une journée dédiée aux hommes. Dans certaines régions, elle est même appelée "La journée des hommes" (Männertag et non Vatertag). Les hommes se rassemblent entre amis pour faire une randonnée, un barbecue et boire de la bière et du schnapps en grande quantité. Les hommes allemands sont légitimés à "régresser" dans une sorte de 'masculinité primitive' bien loin de leur quotidien de conjoint et de père."

Pourquoi est-ce si difficile de trouver quoi acheter à son père?

Ces traditions sont loin de ce que l'on peut observer en France, elles disent cependant quelque chose de notre vision de l'homme et du père. Tout comme la difficulté à trouver un cadeau à acheter à son père.

Cela dit aussi quelque chose de la paternité. Kit Yarrow, psychologue spécialisé dans les comportements d'achats à l'Université Golden Gate a mené plusieurs entretiens avec des pères sur ce sujet. En majorité, ils répondaient qu'ils n'attendaient pas de cadeau particulier, qu'ils n'avaient besoin de rien. Pourquoi? "La vision du père, fournisseur plutôt que receveur, reste ancrée dans notre société", affirme-t-elle. Le père travaille, apporte l'argent et la sécurité, la mère, l'amour et l'éducation? Ce modèle trouverait encore un certain écho dans notre façon de célébrer ces fêtes.

Mais cela est en train d'évoluer. "Les représentations changent", assure Florence Beuken, psychothérapeute interrogée par Le HuffPost. Un partage de tâches plus équilibré se fait lentement mais sûrement, les rôles dans la cellule familiale sont moins déséquilibrés. Mais les mentalités ont besoin d'encore un peu de temps. "Malgré tout, la plupart des enfants célèbrent plus la mère car elle prend plus de place, on célèbre plus le lien que le rôle. Les mamans ont généralement droit à des cadeaux gourmands, tendres, ceux pour le papa sont plus reliés au travail, à la vie à l'extérieur de la maison."

Une solution pour plus d'égalité, la fête des parents, de l'amour?

Le changement pourrait peut-être venir de l'école. Un nombre croissant d'enseignants proposent aux élèves de ne plus faire un cadeau pour la fête des mères et un autre pour la fête des pères mais de célébrer la fête des parents ou de l'amour.

C'est le cas par exemple de Lily M. enseignante d'une classe de CM1 en région parisienne qui témoigne sur Le HuffPost. Cette année, elle a décidé de faire préparer par ses élèves deux cadeaux qu'ils offriront à la fin du mois de juin. L'idée de l'enseignante est de ne pas stigmatiser les enfants élevés dans des familles monoparentales, homoparentales mais aussi les enfants placés ou élevés par d'autres membres de leur famille.

Si les raisons invoquées n'ont a priori rien à voir avec la recherche d'un équilibre entre le père et la mère, le résultat est le même. En acceptant les "nouveaux" modèles de familles, l'école bat en brèche les stéréotypes associés à chaque parent. Une initiative qui peut laisser le champ libre aux pères et aux mères pour ne pas s'y cantonner? Cela reste à prouver.

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