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Le fossé se creuse entre l'Occident et la Russie après l'attaque chimique en Syrie

Le fossé se creuse entre l'Occident et la Russie après l'attaque chimique en Syrie

L'attaque chimique qui aurait été commise par le régime syrien provoque un nouveau bras de fer entre l'Occident et la Russie au Conseil de sécurité de l'ONU. La Russie s'est indignée de la résolution présentée par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni pour condamner l'attaque et demander une enquête complète et rapide.

Réuni d’urgence pour traiter l’attaque chimique présumée survenue mardi à Khan Cheikhoune, dans le nord-ouest de la Syrie, le Conseil de sécurité s’est buté à une fin de non-recevoir de la part de Moscou, allié du régime de Bachar Al-Assad. La Russie a qualifié le projet de résolution d’« inacceptable ».

Le projet de résolution réclame du gouvernement syrien qu'il fournisse aux enquêteurs internationaux les plans et registres de vols de son aviation, le nom des chefs d'escadrons de ses hélicoptères et laisse ses enquêteurs accéder aux bases aériennes d'où aurait pu être menée l'attaque chimique.

La résolution demande également au secrétaire général de l’ONU de produire un rapport mensuel sur l’état de la coopération du gouvernement syrien à l’enquête sur l’usage d’armes chimiques en Syrie.

Le projet de résolution doit être soumis au vote du Conseil de sécurité au cours de la journée de mercredi.

En février, la Russie, alliée de Bachar Al-Assad, et la Chine avaient opposé leur veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies prévoyant des sanctions contre la Syrie pour l'utilisation d'armes chimiques contre sa population civile.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit « confiant » que le Conseil « prendra ses responsabilités » en adoptant une résolution sur l’attaque. « Il nous faut une enquête claire pour lever tous les doutes et il faudra rendre des comptes sur cette base », a-t-il ajouté.

De son côté, le président français, François Hollande, souhaite que cette résolution puisse « diligenter une enquête » débouchant sur des « sanctions » contre le régime syrien. M. Hollande réclame « une réaction de la communauté internationale à la hauteur de ce crime de guerre ».

Le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, a affirmé, plus tôt dans la journée, que toutes les preuves désignent le régime syrien comme responsable de l’attaque chimique.

« Le recours à du gaz toxique constitue un crime de guerre et les crimes de guerre doivent être traités comme tels », a déclaré une porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel. Elle a réitéré son appel à la Russie et à l’Iran pour qu’ils fassent pression sur Damas « pour que ce dernier mette fin à son action militaire et respecte le cessez-le-feu agréé ».

De son côté, l’Iran a « condamné vigoureusement toute utilisation d'armes chimiques, quels que soient les responsables et les victimes », par la voix de son porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bahram Ghassemi.

La coalition nationale, une composante de l'opposition syrienne, a également attribué l’attaque chimique au « régime du criminel Bachar ». Et le commandant de l'Armée d'Idlib libre, Hassan Hadj Ali, affirme que l’attaque n’avait ciblé aucune position militaire rebelle. « Tout le monde a vu l'avion quand il a largué les gaz », a-t-il déclaré à Reuters. « De même, tous les civils de la zone savent qu'il n'y a aucune position militaire ici ni d'emplacement de fabrication [d'armes]. Les différentes composantes de l'opposition ne sont pas capables de produire ces substances », a-t-il ajouté.

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, accuse le « régime syrien » d’être le « principal responsable des atrocités en Syrie », estimant que « ceux qui le soutiennent [en] partagent la responsabilité ».

Attaque chimique en Syrie

Moscou à la défense de Damas

La Russie soutient qu’un bombardement de l’armée syrienne a touché un entrepôt d’armes chimiques des rebelles, ce qui a provoqué la diffusion dans l’air de gaz toxiques. Les gaz toxiques ainsi libérés auraient entraîné la mort d’au moins 72 personnes.

« Hier, de 11 h 30 à 12 h 30, heure locale, l'aviation syrienne a effectué une frappe contre un important dépôt de munitions des terroristes [...] à Khan Cheikhoune », a déclaré le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Igor Konochenkov.

« Sur l'emplacement du dépôt, il y avait des ateliers de fabrication d'armes chimiques », a-t-il poursuivi.

L'armée syrienne a, quant à elle, démenti « catégoriquement avoir utilisé toute substance chimique ou toxique à Khan Cheikhoune ».

Des symptômes révélateurs

Des victimes ont été prises de convulsions au moment où elles se trouvaient chez elles ou tout simplement dans la rue lorsque le raid aérien a frappé la petite ville Khan Cheikhoune. Selon des médecins qui ont traité ces patients, les symptômes observés s’apparentent à ceux que l'on attribue à des victimes d’une attaque chimique : des pupilles dilatées, des convulsions et de l'écume à la bouche.

Des vidéos, émanant d’opposants au régime de Bachar Al-Assad, montrent des gens pris de spasmes et de crises de suffocation.

L’Organisation mondiale de la santé confirme que les symptômes observés sur les victimes sont compatibles avec une exposition à des produits chimiques de la catégorie des agents neurotoxiques.

L’OMS souligne, dans un communiqué, « la probabilité d'une exposition à une attaque chimique est amplifiée par le manque apparent de blessures externes rapporté dans des cas montrant l'apparition rapide de symptômes semblables comprenant une détresse respiratoire aiguë comme principale cause de la mort ».

« Certains cas semblent présenter des signes compatibles avec une exposition à des produits organophosphorés, une catégorie de produits chimiques incluant des agents neurotoxiques », ajoute l'OMS.

« Ce type d'armes est interdit par la loi internationale, car elles représentent une barbarie intolérable », a déclaré le directeur exécutif du Programme d'urgences de santé de l'OMS, Peter Salama.

L'OMS a acheminé des médicaments - notamment de l’Atropine, un antidote contre les gaz neurotoxiques – vers les hôpitaux de la région de Khan Cheikhoune. « L'OMS envoie des médicaments supplémentaires depuis la Turquie et est prête à fournir des ambulances et du matériel supplémentaire pour sauver des vies selon les besoins », ajoute le communiqué de l’OMS.

Le gouvernement américain a déjà indiqué que l'agent chimique utilisé était du gaz sarin.

De plus, l’hôpital où étaient soignés des blessés de l’attaque chimique présumée a été bombardé à deux reprises. Cela a provoqué d’importantes destructions et la fuite de médecins qui traitaient les patients.

L’OSDH a ajouté que des avions de combat avaient mené au moins cinq nouvelles frappes sur la ville mercredi matin.

Un processus de paix fragilisé

Outre le bras de fer qu’elle provoque au Conseil de sécurité de l’ONU entre les États-Unis, la France et le Royaume-Uni d’un côté et la Russie et la Chine de l’autre, l’attaque syrienne sur Khan Cheikhoune fragilise la trêve relative mise en place en Syrie depuis le 30 décembre 2016 et le processus de paix.

Violé quotidiennement par les bombardements du régime de Bachar Al-Assad et les combats contre les insurgés, le cessez-le-feu pourrait tout simplement voler en éclats.

L’opposition syrienne a également prévenu que l’attaque remet en question les négociations de paix, tout à fait stériles pour le moment, qui se déroulent sous l’égide de l’ONU.

«Si l'ONU est incapable d'empêcher le régime de commettre de tels crimes, comment faire réussir un processus politique en vue d'une transition [en Syrie]?» - Le négociateur en chef de l'opposition, Mohammad Sabra

La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a, quant à elle, réclamé un « puissant effort » dans les pourparlers de paix. « Il faut unir la communauté internationale derrière ces négociations », a-t-elle plaidé à l'ouverture d'une conférence internationale sur l'avenir de la Syrie à Bruxelles.

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