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Le cabinet Trudeau votera contre une motion pour combattre l'évitement fiscal

Le cabinet des ministres votera contre la motion.

Le gouvernement Trudeau votera mercredi contre la motion M-42 présentée par le Bloc québécois pour combattre l’évitement fiscal des entreprises canadiennes, a appris le Huffington Post Québec.

La motion du député de Joliette, Gabriel Ste-Marie, vise à mettre un terme à l’évitement fiscal généralisé dans les paradis fiscaux, dont la Barbade fait partie. L’Assemblée nationale avait adopté une motion semblable à l’unanimité en avril dernier.

En entrevue, le député bloquiste soutient que le vote sera « révélateur » pour le gouvernement de Justin Trudeau, qui a fait de la lutte à l’évasion fiscale à l’international l’une des priorités de sa ministre du Revenu national.

La lutte à l'évasion fiscale, une priorité pour Trudeau. (Photo : Bloomberg)

« S’ils votent contre, les masques seront tombés avant l’Halloween cette année, critique Gabriel Ste-Marie. Pour la première fois, les élus du Parlement vont dire que Bay Street et les banques sont plus importantes que nos électeurs. »

À son avis, le fédéral a aménagé son régime fiscal pour permettre l’utilisation des paradis fiscaux. Il dénonce les règlements, qui ont été adoptés en catimini en 1994 sous le gouvernement libéral de Paul Martin pour la Barbade et pour d’autres pays en 2009, qui viennent contredire la Loi sur l’impôt en son sens.

La Barbade est un endroit de choix pour les investisseurs canadiens. L’an dernier, les investissements sur cette petite île de la taille de Gatineau ou de Saint-Jérôme ont atteint 80 milliards de dollars.

« Il faut comprendre que la Barbade est le lieu de prédilection des grandes entreprises canadiennes quand vient le temps de contourner le fisc », explique Alain Deneault, philosophe et auteur de plusieurs enquêtes au sujet des paradis fiscaux.

« C’est comme si le gouvernement emménageait une voie de contournement pour les voitures de luxe, en ce qui concerne l’impôt. »

Le PLC et PCC contre?

La motion de Gabriel Ste-Marie a été soumise au débat à la Chambre des communes, une fois de plus vendredi dernier. Si les députés du NPD se sont prononcés en faveur de son initiative, les conservateurs et les libéraux ont laissé entendre qu’ils ne la soutiendraient pas.

« J’apprécie le point de vue du député qui a parrainé la législation. Il est rafraîchissant de voir le Bloc québécois avec des idées qui bénéficieront au Canada et qui renfloueront les coffres du gouvernement du Canada », a ironisé Ziad Aboultaif, député conservateur d’Edmonton-Manning.

Ceci étant dit, il ne pense pas soutenir la motion, puisqu’il pense que Gabriel Ste-Marie « cherche à condamner ceux qui font de quoi de parfaitement légal ». En vertu de l’accord Canada-Barbade signé en 1980, des avantages fiscaux sont accordés par la Barbade pour éviter la double imposition.

Le député libéral de Laurentides-Labelle, David Graham, n’a pas indiqué si ses collègues du gouvernement allaient voter pour ou contre la motion. Mais il a vanté les mesures mises en place par son gouvernement.

« J’entends certains penser qu’il y a toujours des petits futés, des fins finauds pour passer à travers les mailles du filet. Le gouvernement canadien s’attaque vigoureusement à ce problème », a-t-il soutenu, vendredi.

Une « insulte à l’intelligence »

Dans son premier budget, le gouvernement Trudeau a consacré 444 millions de dollars pour aider l’Agence de revenu du Canada (ARC) à mieux traquer les fraudeurs du fisc. Dès cet automne, l’ARC se dotera de 100 vérificateurs additionnels pour mener des vérifications auprès de multinationales « à haut risque ».

Mais c’est une « insulte à l’intelligence » de prétendre que des vérificateurs supplémentaires pourraient lutter contre l’évitement fiscal généralisé dans les grandes banques et les entreprises, selon Alain Deneault.

« D’une part, on crée des échappatoires béantes et d’autre part, on dit aux gens qu’il y a des vérificateurs. Mais c’est aberrant de parler comme ça! Je me demande si ceux qui lisent ces lignes [de presse] sont capables de penser par eux-mêmes? Est-ce qu’ils sont incompétents ou ils sont insolents? »

« C’est comme si on disait que demain matin, il n’y a plus de limites de vitesse en ce qui concerne la circulation automobile sur les autoroutes, mais il va y avoir des policiers supplémentaires. Qu’est-ce qui contrôle ces policiers-là? »

Faire sa part

Dans une déclaration écrite, le ministre des Finances, Bill Morneau, a soutenu que son gouvernement s’engageait à respecter ses obligations internationales dans le dossier de l’évasion fiscale et de l’évitement fiscal.

« Notre gouvernement croit que tous les Canadiens devraient payer leur juste part d’impôt dans l’État où ils touchent des revenus et réalisent des profits. Il est déterminé à combattre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal abusif afin de s’assurer que le régime fiscal est équitable et répond aux besoins de tous les Canadiens », a ajouté Bill Morneau.

Le ministre des Finances n'a pas voulu confirmer qu'il voterait contre. (Photo : PC)

Gabriel Ste-Marie dit qu’il serait « fâché et déçu » si la majorité des parlementaires rejettent sa motion pour lutter contre l’évitement fiscal. Même si le cabinet des ministres votera contre, solidarité ministérielle oblige, les autres députés peuvent voter selon leurs convictions.

« C’est une motion, c’est une intention, renchérit-il. Si on n’est même pas capable de transmettre une intention au gouvernement, ça voudra dire que les intérêts financiers des amis dans les banques [priment sur les intérêts des citoyens]. »

Et Québec là-dedans?

Québec a des pouvoirs en ce qui concerne le prélèvement des impôts, mais a les mains liées en ce qui concerne les conventions fiscales que le Canada a signées à l’international.

Alain Deneault pense malgré tout que la province peut mettre de la pression sur le gouvernement fédéral pour mener des batailles plus fermes dans la lutte contre les paradis fiscaux, notamment sur le plan des transferts fédéraux-provinciaux.

« Le Québec peut très bien rappeler que dans la fédération canadienne, en vertu de la constitution, le Québec a des pouvoirs en ce qui concerne le prélèvement des impôts qui concernent ses champs de compétence », dit-il.

Selon lui, le gouvernement Couillard pourrait décider de ne pas reconnaître les transferts faits à la Barbade et refuser d’exonérer des impôts des revenus transférés à la Barbade, puisque Québec n’a pas signé cet accord.

« C’est une bataille qui sera menée s’il y a, à Québec, des gens courageux. Jusqu’à nouvel ordre, on n’a pas vu personne se méritant ce qualificatif. Mais qui sait. »

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