Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Theo Padnos, un ex-otage en Syrie raconte son face à face avec des Canadiens

Un ex-otage en Syrie raconte son face à face avec des Canadiens

Retenu en otage et torturé durant deux ans en Syrie, l'Américain Theo Padnos soutient avoir fait face à des Canadiens, dont un Québécois, durant des interrogatoires. Nous l'avons rencontré. Voici des extraits de cette entrevue exclusive.

Une entrevue de Chantal Lavigne

En quête de succès journalistique, Theo Padnos voulait faire des reportages en Syrie, un pays qu'il connaît bien pour y avoir vécu durant plus de deux ans.

À l'automne 2012, l'Américain prend un vol de Montréal vers la Turquie. Il traverse ensuite la frontière vers la Syrie avec des passeurs.

Peu de temps après, il est enlevé et se retrouve entre les mains du Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda à l'époque. Il dit avoir été torturé et gardé en captivité pendant deux ans et avoir séjourné dans 13 ou 14 prisons à travers la Syrie.

L'accent québécois

Durant un des interrogatoires, en février 2013, il affirme avoir fait face à des Canadiens.

« À un moment donné, la porte s'est ouverte, il y avait deux gars avec des visages masqués et des grenades, des fusils Kalachnikov. Ils étaient armés à fond. Un Syrien a dit : "Ce sont des enquêteurs. Ils vont résoudre vos problèmes, il faut leur parler correctement." », nous a-t-il raconté lors d'une entrevue qui s'est déroulée dans sa maison du Vermont, au printemps dernier.

Pendant l'interrogatoire en Syrie, il reconnaît l'accent des Canadiens.

« L'un avait un accent anglophone canadien, et un autre, un accent francophone canadien [...] J'ai passé du temps à Montréal, j'avais même un appartement là-bas, je connais l'accent québécois, je l'adore d'ailleurs », ajoute-t-il dans un excellent français.

L'homme de l'égoportrait lié à cette affaire

Au moins cinq jeunes de la région de Montréal sont soupçonnés d'actes terroristes en lien avec l'enlèvement et l'extorsion de Theo Padnos et de Matthew Schrier, un autre otage. Cette opération aurait été menée avec le front Al-Nosra.

Selon nos sources, les cinq jeunes - et possiblement d'autres reliés à ce groupe - sont allés en Syrie.

L'un d'eux a pris un égoportrait avec le premier ministre Justin Trudeau en décembre dernier. Il était alors sur une liste lui interdisant de voler dans l'espace aérien américain, son passeport était suspendu et une perquisition avait eu lieu à son domicile quelques mois avant la prise de la photo.

Theo Padnos affirme que les deux Canadiens n'ont jamais levé la main sur lui. Au contraire, ils lui ont même donné une tablette de chocolat. Une Kit Kat, précise-t-il.

« Souvent, je les ai remerciés. Je leur ai dit que j'étais reconnaissant [ ... ] Ils étaient gentils. Je leur ai dit : "J'ai faim", ils m'ont donné à manger. Je leur ai dit : "Ils nous matraquent, sans raison, pour rien." Ils ont dit : "Ils n'ont pas à faire ça." »

C'est la première fois depuis cinq mois que quelqu'un me parle comme un être humain.

Theo Padnos

Les Canadiens seraient d'ailleurs intervenus en faveur de M. Padnos. Mais cela aurait empiré la situation de l'otage. Le chef de la prison a voulu faire payer l'Américain.

« Tu as menti à nos invités et pour ça tu seras matraqué tous les jours », lui a dit le gestionnaire de la prison, se rappelle-t-il.

Au cours de l'interrogatoire, les Canadiens tentent de lui soutirer des informations personnelles, notamment sur ses cartes de crédit, ce qui aurait permis à ses ravisseurs de le voler.

Quatre semaines plus tard, le Québécois est revenu le voir pour la dernière fois. Il s'est mis à le filmer et lui a demandé d'avouer qu'il était un espion de la CIA. « Il me posait des questions assez calmement, de sang-froid. »

Si Theo Padnos est prêt à pardonner aux Canadiens, il estime qu'ils doivent payer pour leurs actes.

Moi, je suis prêt à pardonner. Mais il faudrait qu'eux, au moins, ils disent : "On a commis des crimes là-bas."

Theo Padnos

Ces Canadiens doivent faire face au système judiciaire, à son avis. Car, malgré leur gentillesse, il a cru vivre les derniers moments de sa vie en Syrie. « J'avais aussi l'impression qu'ils étaient prêts à me tuer s'ils en avaient eu l'ordre », se rappelle-t-il.

Avec la collaboration de Sonia Desmarais

Voir aussi:

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.