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Des courriels révélateurs à propos de «notre ami Sam» Hamad

Des courriels révélateurs à propos de «notre ami Sam» Hamad
Radio-canada.ca

EXCLUSIF - Une série de courriels obtenus par l'émission Enquête démontrent que le ministre Sam Hamad était une source d'information stratégique et faisait avancer les dossiers de Marc-Yvan Côté au gouvernement. Pour sa part, Marc-Yvan Côté s'activait pour le financement politique de Sam Hamad.

Un texte de Marie-Maude Denis et Daniel Tremblay de l'émission Enquête

Jusqu'à son arrestation pour fraude et corruption le 17 mars dernier, Marc-Yvan Côté était vice-président du conseil d'administration de Premier Tech, une entreprise de Rivière-du-Loup.

En 2010, la compagnie spécialisée en produits d'horticulture et en technologies environnementales veut acheter un concurrent et souhaite la participation d'Investissement Québec. Premier Tech est considérée comme un fleuron économique au Bas-Saint-Laurent et a reçu des dizaines de millions de dollars de subventions autant du provincial que du fédéral.

Les courriels, échangés à l'interne, démontrent que Sam Hamad aurait poussé fort sur des dossiers d'aide gouvernementale pour Premier Tech et donné des informations confidentielles sur les délibérations au Conseil du Trésor.

  • De : Yves Goudreau (vice-président au développement corporatif de Premier Tech)
  • À : Marc-Yvan Côté (vice-président du C.A. de Premier Tech)
  • À : Jean Bélanger (président et chef de l'exploitation de Premier Tech)

« La madame du Trésor n'est pas une facile dans ces temps budgétaires très difficiles et n'a pas plié même avec la pression de certains proches de PT [Premier Tech].

La solution ultime doit être faite : M. Charest. Lorsqu'on analyse les comportements du président d'IQ [Investissement Québec] et de la madame au Trésor [Michelle Courchesne] : il n'y a pas d'autre choix. Qu'en penses-tu M-Y [Marc-Yvan]? »

  • De : Marc-Yvan Côté (vice-président du C.A. de Premier Tech)
  • À : Yves Goudreau (vice-président au développement corporatif de Premier Tech)
  • À : Jean Bélanger (président et chef de l'exploitation de Premier Tech)

« Jean, Je rappelle que Sam a offert son aide pour convaincre le Trésor. Sam siège au Trésor, ce qui n'est pas le cas de tous les ministres. J'attends d'ici la fin de la journée le retour de Sam qui parlera à Daoust et peut-être Bazin.* Notre prochaine action devra être systématique, ordonnée et musclée au plus haut sommet de l'État. [...] Jean, tel que convenu hier, dès le retour de Sam, je te fais rapport.

Marc-Yvan Côté

*Jacques Daoust était président d'Investissement Québec

* Jean Bazin était président du conseil d'administration de la SGF, les deux organismes étaient en processus de fusion au moment de cet échange.

Dès le lendemain de cet échange, Marc-Yvan Côté informe ses collègues de Premier Tech que son « ami » Sam Hamad vient de lui faire rapport sur les deux appels qu'il a faits à son collègue ministre du Développement économique, Clément Gignac, et au président d'Investissement Québec, Jacques Daoust.

  • De : Marc-Yvan Côté (vice-président du C.A. de Premier Tech)
  • À : Jean Bélanger (président et chef de l'exploitation de Premier Tech)

« Mon ami vient de me faire rapport sur les deux téléphones faits ce jour même. Il a d'abord parlé à Daoust...

Le deuxième téléphone a été fait à Gignac... » (...)

« P.S. : Je l'envoie qu'à toi afin de protéger notre ami. »

Contrairement à son collègue Yves Goudreau, Marc-Yvan Côté ne s'est jamais inscrit au registre des lobbyistes pour Premier Tech. Nous avons montré les courriels à Denis Saint-Martin, professeur de sciences politiques à l'Université de Montréal.

Il y a ici clairement un bris de règle, on a brisé la loi en matière de lobbying au Québec. Une loi qui est rétrospective et je crois que le commissaire au lobbying serait tout à fait justifié d'enquêter sur cette affaire plus en détail.

Pour Denis Saint-Martin, le partage de certaines informations pose problème. « La chose qui est la plus grave est que les courriels montrent en effet que M. Côté et les dirigeants de la firme Premier Tech étaient en possession d'informations privilégiées concernant l'état des discussions ministérielles entourant le projet de soutien à cette entreprise », dit-il.

Au final, Premier Tech n'a pas eu besoin de la participation d'Investissement Québec, et son projet d'acquisition d'une autre entreprise a été abandonné. Mais peu de temps après la nomination de Sam Hamad à titre de ministre du Développement économique en septembre 2011, Premier Tech revient à la charge avec une autre demande d'aide à Investissement Québec et une demande de subvention directement au ministère de Sam Hamad.

Deux mois et demi plus tard, en janvier 2012, Premier Tech reçoit une réponse positive des deux entités. Mais l'entreprise souhaite un plus gros montant. Marc-Yvan Côté écrit donc à ses collègues qu'il va entreprendre « la démarche ».

Une semaine plus tard, des courriels indiquent que Marc-Yvan Côté déjeune avec Sam Hamad et fait le compte rendu de la rencontre au président de Premier Tech.

  • De : Marc-Yvan Côté (vice-président du C.A. de Premier Tech)
  • À : Jean Bélanger (président et chef de l'exploitation de Premier Tech)

« J'ai rencontré à 7 heures ce matin notre ami pour faire le point. Je vais tenter de te rejoindre plus tard afin de te transmettre l'état de situation. Je souhaite le faire sur un téléphone régulier.

Dès le lendemain, le chef de cabinet adjoint de Sam Hamad écrit à Yves Goudreau de Premier Tech.

  • De : chef de cabinet adjoint de Sam Hamad
  • À : Yves Goudreau (vice-président au développement corporatif de Premier Tech)

« On a travaillé fort, vous aurez des nouvelles bientôt via le canal régulier »

  • De : Yves Goudreau (vice-président au développement corporatif de Premier Tech)
  • À : chef de cabinet adjoint de Sam Hamad

« Positif-négatif? »

  • De : chef de cabinet adjoint de Sam Hamad
  • À : Yves Goudreau (vice-président au développement corporatif de Premier Tech)

« On partait de loin mais on a travaillé fort pour ne pas avoir le statu quo. »

Le 7 mai 2012, Jean Charest annonce officiellement le prêt de 11 millions de dollars d'Investissement Québec et la subvention du ministère du Développement économique de 8 millions de dollars. Sam Hamad est présent à l'annonce.

Cette aide de Québec s'ajoutait à un investissement du gouvernement fédéral. Premier Tech s'engageait à créer une centaine d'emplois et nous a fait valoir qu'elle avait largement dépassé cet objectif.

Pour Denis Saint-Martin, ces accès privilégiés de Marc-Yvan Côté à Sam Hamad ne sont pas banals.

[Sam Hamad] n'a pas été prudent et il s'est placé en situation de conflit d'intérêts. Et moi, je pense que le commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale serait tout à fait justifié de regarder à cette affaire-là.

Le professeur de sciences politiques estime que notre enquête révèle un problème de fond. « Si les entrepreneurs ont l'impression qu'ils doivent avoir des connexions politiques pour faire avancer leurs intérêts économiques, ça crée un problème qui rend les entrepreneurs dépendants des politiciens pour des choses qu'ils pourraient avoir sans connexion politique. Parce qu'ils ont des projets avec des bonnes valeurs qui ont pas besoin d'un petit coup de pouce politique. »

Jusqu'au financement politique

En septembre 2008, Yves Goudreau et Marc-Yvan Côté s'écrivent au sujet d'un cocktail de financement pour la circonscription de Sam Hamad.

  • De : Yves Goudreau (vice-président au développement corporatif de Premier Tech)
  • À : Marc-Yvan Côté

« Pour la soirée de financement de Sam; est-ce qu'on a souscrit car je n'ai pas eu de demande? »

Yves

  • De : Marc-Yvan Côté
  • À : Yves Goudreau (vice-président au développement corporatif de Premier Tech)

« Pour le cocktail de Sam, il faut faire une contribution significative. J'ai l'intention d'en parler avec M. Bélanger demain. »

Marc-Yvan

Selon notre compilation, certains dirigeants et administrateurs de Premier Tech, ainsi que des membres de leur famille ont donné plus de 20 000 $ au Parti libéral du Québec (PLQ) de 2008 à 2012. Certains ont fait un don dans la circonscription de Sam Hamad, même s'ils n'habitent pas dans le secteur.

Marc-Yvan Côté et sa famille immédiate ont pour leur part donné plus de 17 000 $ au PLQ dans les mêmes années.

En réponse à nos questions, le président de Premier Tech, Jean Bélanger, a reconnu que Marc-Yvan Côté aurait dû s'enregistrer comme lobbyiste. Il a souligné qu'il a quitté l'entreprise à la suite de son arrestation.

Premier Tech nous a fait valoir que les contributions de ses dirigeants et de leur famille étaient marginales, légales, et que l'entreprise ignore tout des contributions faites par Marc-Yvan Côté et sa famille.

Ne manquez pas le reportage d'Enquête qui sera présenté ce soir à 21 h sur ICI Radio-Canada Télé.

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